Encyclopédie de la chose imprimée

du papier à l'écran

par Annie Le Saux
sous la dir. de Marc Combier et Yvette Pesez; préf. de François Richaudeau. Paris : Retz, 1999. – 544 p. ; 23 cm. ISBN 2-7256-1773-1 : 300 F / 45,73 euros.

En 1977 paraît, sous la direction de François Richaudeau et John Dreyfus, la première édition de l’Encyclopédie de la chose imprimée. Vite considéré par les professionnels de l’édition, de l’imprimerie et des arts graphiques comme un classique en ces domaines, l’ouvrage est réédité en 1984 et épuisé depuis plusieurs années.

Les profondes mutations générées par l’introduction du numérique dans presque tous les maillons de la chaîne graphique ont incité Marc Combier, éditeur et ancien président des Rencontres internationales de Lure et Yvette Pesez, conseillère éditoriale aux éditions Retz à entreprendre, avec l’aide d’une nouvelle équipe de professionnels, éditeurs, graphistes, imprimeurs…, la rédaction de cette édition, dont le sous-titre indique le cheminement des différents auteurs : du papier à l’écran.

Conçu selon le même principe dénommé Algo-livre par François Richaudeau et qu’il a utilisé pour la collection « Encyclopédies du savoir moderne », cet ouvrage permet des lectures diverses, informatives ou approfondies. Un dictionnaire alphabétique d’environ 300 mots donne des explications détaillées sur deux colonnes. S’y intercalent, toujours dans ce même ordre alphabétique, onze articles de fond sur une seule colonne, que l’on repère visuellement, en suivant, à partir du sommaire, un grisé qui conduit directement – à part deux erreurs –, au grisé sur la tranche de la partie correspondante. Dans les marges, sur le modèle des gloses, des renseignements complémentaires sont donnés, à la hauteur du mot concerné. De nombreux renvois, soit à des pages, soit à des entrées du dictionnaire, permettent de compléter les informations contenues dans les définitions. Enfin, certains mots utilisés dans le cours du texte sont soulignés : ces mots font eux-mêmes l’objet d’une entrée suivie d’une définition à leur place alphabétique. Une façon de rappeler, dans une version imprimée, les liens hypertextes.

Le texte

Onze thèmes font donc l’objet d’articles de fond et sont signés par leurs auteurs. Le premier d’entre eux concerne les caractères typographiques. Jean-François Porchez, créateur de caractères, y passe en revue les différentes formes de caractères – capitales, minuscules, italiques, chiffres – et définit le vocabulaire typographique – rappelant qu’il fut un temps où la taille des caractères s’exprimait, non comme maintenant, en points typographiques inventés par Ambroise Didot au XVIIIe siècle (corps 10, corps 12), mais par des noms : la parisienne pour le corps 5, la mignonne pour le 8, ou encore le cicéro, qui, lui, s’emploie toujours, pour le corps 12. Les grands noms de la typographie se succèdent : Thibaudeau et Vox pour les classifications, et, pour les créations de caractères, Garamond, Elsevier, Firmin Didot, Bodoni « le roi des imprimeurs et l’imprimeur des rois ». L’histoire de l’évolution des caractères se déroule sur plusieurs pages illustrées, en marge, de nombreux exemples.

Par le hasard de l’alphabet, le cédérom voisine avec la casse, dont l’expression bas de casse, liée à la composition manuelle, où les minuscules, caractères les plus employés, étaient rangées dans la partie inférieure de la casse « dans le but d’économiser au maximum les gestes des compositeurs » a survécu, bien qu’ayant perdu ce sens initial dans la composition désormais informatisée.

Cinq siècles d’imprimerie sont passés en revue, sous l’entrée « Historique » et non, comme on irait logiquement le chercher, sous une entrée « Imprimerie ». Cette partie retrace l’histoire du livre et de l’impression, évoquant, entre autres, le livre avant l’imprimerie, l’apparition du papier, le développement du commerce du livre, la censure, les premières encyclopédies, la Linotype, la Monotype, les techniques de photogravure, la publication assistée par ordinateur et le prépresse. Un tableau chronologique récapitule, de 1440 à 1998, les dates marquantes de l’imprimerie.

L’évolution des procédés d’impression, depuis la xylographie jusqu’à l’impression numérique, nous conduit tout droit à la question : quel est l’avenir de l’imprimerie? Bernard Combier, directeur technique en imprimerie, pense que l’on s’achemine vers une concentration en groupes puissants, seuls capables d’investir suffisamment dans des machines toujours évolutives et toujours plus performantes. Pour les petits tirages, les systèmes de reprographie, fiables et rapides, viendront de plus en plus concurrencer l’imprimerie traditionnelle, qui ne pourra survivre que grâce à son savoir-faire et à un travail de qualité. Ces alternatives, si elles peuvent susciter quelques inquiétudes quant à l’avenir de l’imprimerie telle qu’on l’a connue jusqu’à présent, semblent, en revanche conforter celui de l’imprimé. C’est le même optimisme qui fait dire, plus loin, dans les colonnes consacrées à Internet, que « loin d’être une menace pour l’écrit, Internet permet un développement exponentiel de celui-ci grâce à l’accessibilité quasi instantanée de toutes sortes de documents ».

L’illustration

Complément du texte, l’illustration – dessin, peinture ou photographie – enseigne et renseigne sur le texte imprimé. Sont examinés les différents types d’illustration, leur rôle, ce qu’ils apportent au texte, l’importance de la légende, qui, d’après certaines études, est ce qui est lu en premier, les différentes façons de les retravailler, de les cadrer… Ce qui, augmenté encore par le développement du numérique amène à se poser au sujet de l’image les mêmes questions que l’on se pose sur les textes : quelles sont les sources, sont-elles fiables? « Comment, se demande Pierre Duplan, ancien enseignant à l’école Estienne, faire la différence entre vraie et fausse image, quand la technologie permet de rendre invisibles les manipulations? ».

La mise en pages évolue non seulement en fonction des possibilités technologiques, mais aussi en fonction des changements d’habitudes d’un public habitué au zapping : la collection Découvertes de chez Gallimard est un exemple d’adaptation à ces habitudes différentes.

Dans l’article sur le design graphique, différentes esthétiques sont présentées, qui ont contribué à « mettre la typographie au service de l’œuvre » et qui se différencient de la tendance à la standardisation de la mise en pages actuelle. Les grands mouvements graphiques du XXe siècle émanent des avant-gardes nées en Europe : le futurisme en Italie, le constructivisme en URSS, le fonctionnalisme et le dadaïsme en Allemagne. L’influence du Bauhaus se manifeste sur la typographie avec les linéales géométriques, sur les affiches, les livres, dans lesquels « l’abstraction géométrique est l’expression suprême de la modernité ». Gérard Mermoz, enseignant en arts graphiques, considère que les possibilités d’expression qu’Internet offre au graphisme, sont encore loin d’être exploitées.

Une mine pour tous

Les professionnels de l’édition, des arts graphiques et de l’imprimerie sont, bien sûr, au premier chef concernés par les informations qui figurent dans cette encyclopédie. Évidemment, les questions plus techniques, comme celles détaillant les procédés d’impression, intéressent plus particulièrement les spécialistes du domaine. Mais il est des parties où les bibliothécaires pourront glaner maints renseignements pratiques qui leur seront utiles dans l’exercice de leur métier. Outre des données sur la façon de libeller et de présenter des dépliants informatifs ou promotionnels sur la bibliothèque, des affiches, des lettres d’information… ils y trouveront des conseils sur la création de pages Web…

Autre préoccupation commune à plusieurs professions, celle de la législation. La partie qui traite de ce sujet – qui aurait mérité de compter parmi les articles de fond tant son importance ne fait que croître et se complexifier –, examine en 13 pages les questions soulevées par le droit d’auteur, le droit de citation, la contrefaçon et le Dépôt légal, pour lequel obligations et clauses particulières sont exposées dans un tableau clair et précis (quoi? qui? combien? où? quand? comment?).

Qui veut éditer un ouvrage ou un magazine se plongera avec intérêt dans des pages qui informent sur la conception d’un projet éditorial, les études de marché et budgétaires, et la commercialisation. Les prix de revient. sont étudiés en détail. Des exemples de prix donnent, à titre indicatif, une idée claire et précise de tout ce qui doit entrer en ligne de compte dans l’établissement d’un devis, qu’il s’agisse des pratiques tarifaires du photographe, du maquettiste, du photograveur, de l’imprimeur, ou du relieur… Dix règles de base pour établir le calcul du prix de revient aideront enfin à établir le meilleur prix.

L’encyclopédie se termine par un index alphabétique français-anglais et par des adresses professionnelles, que, curieusement, l’écran n’a pas encore atteintes, puisque seuls y figurent l’adresse bien sûr, le téléphone et le fax, mais en est absente l’adresse électronique. Parmi les écoles principales qui y sont citées, c’est une surprise que d’y voir apparaître l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, mais à l’adresse de l’ancien IFB…

Ceci n’est qu’un bref aperçu du foisonnement d’informations que l’on peut puiser dans cet ouvrage riche et passionnant, qui se consulte comme un dictionnaire et se lit comme un documentaire.