L'analyse documentaire

une approche méthodologique

par Arlette Boulogne

Suzanne Waller

en collab. avec Claudine Masse. Paris : ADBS-Éditions, 1999. – 319 p.; 24 cm. – (Sciences de l'information : Série Études et techniques). ISBN 2-84365-030-5/ISSN 1160-2376 : 198 F/30,18 euros

L'ADBS (Association des professionnels de l'information et de la documentation) vient d'enrichir sa collection « Sciences de l'information : Série Études et techniques » consacrée aux ouvrages de référence sur les pratiques et les réflexions des professionnels de l'information, d'un remarquable manuel consacré à une des activités principales du traitement de l'information : l'analyse documentaire.

Suzanne Waller et Claudine Masse, documentalistes et formatrices 1, offrent dans cet ouvrage, outre de nombreuses connaissances, une méthodologie longtemps pratiquée par elles-mêmes en formation initiale et continue des professionnels de l'information. L'originalité de cet ouvrage complet sur l'analyse documentaire est de recentrer l'analyse sur son objectif principal : la recherche documentaire et son acteur, l'usager.

La recherche documentaire

« L'analyse documentaire… opération pivot de la qualité ou de la non-qualité de la recherche documentaire qui en est l'aboutissement » (p. 13) est ici définie, décomposée, expliquée toujours en vue de son objectif principal. Cet objectif est rappelé à chaque étape et fait l'objet du chapitre V (p. 95-120) : « Analyse et recherche documentaire ».

Dans ce chapitre, après un rappel des caractéristiques de la recherche documentaire et de la recherche d'information, sont analysées la place de l'utilisateur dans le processus de recherche documentaire, puis celle de l'analyse documentaire dans les banques de données (les différents champs, les champs de contenu et leur complémentarité : titre, résumé, indexation). Les trois parties suivantes traitent des aspects techniques de la recherche documentaire informatisée (opérateurs booléens, bruit et silence), de la recherche documentaire en texte intégral (recherche sur fichier inverse, recherche par l'intermédiaire d'outils linguistiques) et de la recherche d'information sur Internet (moteurs de recherche, répertoires, autres outils, métadonnées). En incluant ce chapitre sur la recherche documentaire, l'auteur oblige les analystes ou futurs analystes à se rappeler les principes de cette recherche et à mieux adapter leur travail à son objectif qui est de permettre de retrouver les documents pertinents qu'ils ont traités.

L'analyse documentaire opération de base du traitement documentaire

« L'analyse documentaire [qui] consiste à extraire d'un texte tout son sens pour le transmettre à qui en a besoin » (p. 14) « est une opération professionnelle technique, certes, mais d'abord une démarche intellectuelle » (p. 16).

Le premier chapitre « Définition et pratiques » est consacré à la terminologie utilisée dans l'ouvrage et à la pratique de l'analyse documentaire, sa place dans le cadre des opérations documentaires. Une réflexion est proposée sur la politique documentaire concernant l'analyse : sa finalité, ses destinataires, ses produits (résumé, indexation, synthèse), de la sélection du fonds documentaire, des moyens matériels et intellectuels du service.

Pour analyser un document, il faut d'abord en prendre connaissance. La première étape (p. 35-47) est celle de l'observation : observer avant de lire, repérer le type de document, puis ses caractéristiques bibliographiques. La mise en pages permet un repérage visuel, la découverte de l'architecture du texte.

On passe ensuite (p. 49-71) à la lecture, au sens habituel du terme : « faire du sens avec des signes » (p. 49) : reconnaissance du type de texte (descriptif, problématique, théorique), compréhension de son contenu et du public prévu en vue de sélectionner l'information utile, l'information documentaire (p. 60-63). Suit une méthode très concrète pour pratiquer la lecture documentaire d'un article, d'une monographie. Il faut ensuite déterminer l'organisation des idées, le plan de l'article et sa formulation, les mots employés (9 pages – 84-93 – sont consacrées au vocabulaire, aux mots d'articulation, à la connaissance de la nature et de la richesse des mots : polysémie, monosémie, connotation, dénotation). Trois grilles de lecture avec des exemples d'application sont proposées (p. 75-83) : pour un texte descriptif, pour un texte problématique et une grille standard.

Le résumé documentaire

Après l'étape intellectuelle d'analyse du document, les produits de cette analyse, le résumé documentaire et l'indexation permettent la recherche documentaire (aujourd'hui surtout dans les banques de données). Le résumé (chap. VI), souvent absent pour des raisons économiques, a pourtant un rôle propre. « Résumer un texte, c'est condenser son contenu en vue de mettre en évidence l'information utile et nécessaire pour les usagers éventuels du texte » (p. 122). Le résumé peut alimenter une mémoire documentaire (champs « r é s u m é » des banques de données), accompagner des références dans les bulletins bibliographiques, accompagner les références dans la partie bibliographique des revues générales ou spécialisées. On en trouve aussi dans des actes de congrès, bibliographies thématiques, dossiers documentaires, revues de presse.

Le résumé est rédigé en tenant compte de ses différents usages et publics prévus. Après un rappel des différentes formes de résumés sont présentés et expliqués les résumés documentaires : résumé informatif, indicatif et sélectif, leur rôle dans une banque de données, les moyens de la réalisation du résumé (p. 128-138), de la compréhension du texte à la rédaction permettant de « transmettre le sens du texte original » (p. 136) le mieux possible.

Indexation et langages documentaires

L'indexation, autre production issue de l'analyse documentaire, « certainement l'opération la plus fréquente… du travail documentaire » (p . 149), est développée dans le chapitre suivant (p. 149-173).

Rappelant que « l'indexation n'a d'intérêt que dans son utilisation principale : aider la recherche, inspirer la requête » (p . 150), l'auteur, après une présentation du rôle particulier de l'index d'un livre, traite de l'indexation dans tous ses aspects : indexation du texte d'un document, indexation dans une banque de données, les techniques d'indexation, les méthodes d'évaluation de l'indexation.

Après un rapide rappel de l'histoire des langages documentaires (chap. VII), est abordée la notion d'autorité : « tout langage contrôlé [étant] un langage d’“autorité », c'est-à-dire un langage normalisant l'aspect formel des accès » (p. 176), et sont présentées avec exemples d'application les autorités officielles (pour les noms d'auteurs, les titres uniformes, les lieux géographiques, les langues), les autorités propres à des besoins spécifiques (par exemple, la typologie de l'information).

La principale partie de ce chapitre (p. 182-222) est consacrée aux langages documentaires proprement dits : les langages documentaires de type classificatoire avec applications pour le classement, pour l'analyse et pour la recherche; les langages documentaires de type combinatoire : les listes de vedettes-matières et les applications possibles pour l'indexation et la recherche; puis les vrais langages à structure combinatoire : lexiques et thésaurus et leurs applications pour l'indexation et la recherche. Une réflexion sur la compatibilité des langages d'indexation et l'avenir des langages documentaires à l'heure de l'ingénierie linguistique conclut ce chapitre.

Un véritable manuel, outil pédagogique

Chaque étape tant intellectuelle que technique de l'analyse documentaire est accompagnée de nombreux exercices, proposés soit au cours du développement de l'exposé, soit dans des « annexes pédagogiques » présentes après chaque chapitre. Les corrigés de tous les exercices se trouvent dans l'annexe finale. Quelques exemples d'exercices proposés permettent de rendre compte de la richesse de la formation proposée : « Trouver les caractéristiques d'un document, établir un repérage visuel à l'aide des signes typographiques, caractériser des textes, effectuer la lecture documentaire de deux articles, de trois extraits de monographies, établir la structuration de textes et rechercher des plans pour les deux articles, exercice sur les mots d'articulation, lecture critique de résumés sous l'angle formel, deux exercices d'écriture : rétablir la ponctuation d'un texte, reconstituer un texte, rédiger le résumé documentaire d'un texte, identifier des erreurs d'indexation, indexer en langage libre ». Les dix-sept textes utilisés pour les exercices sont des articles et des chapitres de livres publiés.

L'objectif de ce manuel tel qu'il est défini par l'auteur dans son avant-propos – « outil pédagogique propre à initier, former des étudiants ou des débutants dans la fonction… [et proposant] quelques pistes de réflexion pour les enseignants, les formateurs, ainsi que les responsables de services de documentation et d'information » (p. 10) – est complètement atteint.

Complété par une riche bibliographie, cet ouvrage devrait être d'une grande utilité pour tous les professionnels, documentalistes et bibliothécaires, confrontés dans leur pratique à l'analyse documentaire à l'heure de l'informatisation généralisée et des nouvelles technologies de l'information.

  1. (retour)↑  Le service Formation continue de l'ADBS a été sous la responsabilité de Suzanne Waller de 1983 à 1990. Il est actuellement sous celle de Claudine Masse.