Bibliotheksbau

Theken im Wandel

par Dominique Arot
Berlin : Deutsches Bibliotheksinstitut, 1999. – 57 p.; 2 1 cm. – (Arbeitshilfen). ISBN 3-87068-596-4 : DM 18/9,20 euros.

Ce petit livre pratique 1 restitue les actes d’un séminaire qui s’est tenu à Reutlingen en novembre 1998 autour du thème très concret des banques de prêt et d’accueil dans les nouveaux bâtiments de bibliothèques. On notera ici que les Allemands utilisent le terme générique de Theke, qui représente indifféremment toutes les fonctions d’une banque dans les locaux d’une bibliothèque. À cette occasion, on peut mesurer la relative pauvreté de la littérature bibliothéconomique, au moins en français, sur ce thème 2. Ce livre, à partir d’un sujet qui pourrait n’apparaître que sous son jour technique, pose opportunément des questions profondes sur l’offre de services et les types de relations établies avec les usagers.

Aspects fonctionnels, psychologiques et historiques

Dans sa communication introductive, Konrad Heyde étudie les aspects fonctionnels, psychologiques et historiques des banques. Il fait remarquer qu’au demeurant les bibliothèques n’ont pas l’exclusivité de tels dispositifs; bars, magasins, réceptions d’hôtel, guichets de gares et d’aéroports, vestiaires, buffets, décors de studios de télévision, pour ne citer que ces exemples, ont recours à de tels mobiliers.

Lorsque la banque était au cours de l’histoire des bibliothèques à la fois chaire, trône et pupitre, elle jouait un rôle de rempart et de frontière, et donc de lieu de transfert du savoir entre inégaux, les postures physiques (supériorité/infériorité, assis/debout) des acteurs étant elles-mêmes porteuses d’informations sur leur importance respective. Konrad Heyde pointe au moins deux facteurs d’évolution : le développement généralisé du libre accès et l’apparition des automates de prêt.

La multiplication des outils technologiques (informatiques et audiovisuels) dans l’espace de la bibliothèque est quant à elle ambivalente. Elle est susceptible d’encourager un usage entièrement autonome, mais elle confère dans le même temps une importance croissante à la médiation humaine. En fait, la conception d’une banque doit faire droit aux exigences éventuellement contradictoires des usagers et des bibliothécaires. Et l’intérêt de ce livre est de s’efforcer de garder une attention constante à cette double demande. Diverses réalisations pratiques sont présentées avec quelques photos à l’appui.

Quelques expériences

Dans les nouveaux locaux de la bibliothèque de la Fachhochschule d’Ingolstadt, la banque, qui semble donner satisfaction, a été dessinée par les architectes. L’attention a porté plus particulièrement, à partir d’un jeu sur les niveaux, sur la possibilité que les visages des bibliothécaires et des lecteurs se trouvent à la même hauteur. La position de la banque a également été étudiée pour éviter les reflets en provenance des nombreuses surfaces vitrées du bâtiment.

En revanche, l’expérience de la Pfalzbibliothek, à Kaiserslautern, semble négative : espace trop étroit entre la banque et le mur, manque d’espaces de rangement, éclairage insuffisant, nombreux défauts d’ergonomie.

C’est pour éviter de tels problèmes que les responsables du projet de construction de la bibliothèque municipale de Münster (270000 habitants, 300000 volumes, 4000 à 6000 prêts par jour, 3 à 5 documents traités à la minute) ont procédé à de nombreuses simulations pour étudier les postures physiques les plus ergonomiques et les plus efficaces : contact direct du regard, possibilité pour usager et bibliothécaire de consulter ensemble l’écran de l’ordinateur, hauteur des chariots pour éviter de soulever sans cesse des livres. Le choix s’est arrêté sur une banque d’une hauteur optimale de 90 centimètres avec, pour les bibliothécaires, l’utilisation de sièges hauts avec appui pour les pieds. Les concepteurs ont veillé à la qualité du câblage et au nombre adapté de prises électriques et téléphoniques.

Les mêmes compromis entre esthétique, fonctionnalité et ergonomie ont été recherchés, et semble-t-il atteints, à la bibliothèque municipale de Groningen aux Pays-Bas (170000 habitants, 200000 volumes en libre accès sur 8500 m2). Le parti a été pris de distinguer entre banques d’inscription autour de laquelle les interlocuteurs sont tous deux assis, banque d’information et de prêt où, comme à Münster, les bibliothécaires utilisent des sièges hauts. Les responsables de la bibliothèque sont partis d’une observation d’évidence : si les lecteurs ne sont debout que quelques minutes pour les diverses opérations qu’ils ont à accomplir, les bibliothécaires, eux, passent de longues heures à leur poste. L’accent est donc impérativement mis sur leur confort, en veillant sur quelques dispositions pratiques : banque de retour des documents étroite (35 centimètres) pour éviter au personnel de tendre sans cesse les bras, tapis roulant passant sous un lecteur de codes à barres intégré à la tablette située au-dessus et aboutissant directement à un local mitoyen prévu pour organiser rangement, nettoyage et réparations.

Un petit livre fort utile qui pourrait inspirer des auteurs français pour une enquête comparable dans les nombreuses bibliothèques construites au cours de ces dernières années.

  1. (retour)↑  En français, le titre signifie : Construction de bibliothèques : l’évolution des banques d’accueil et de prêt.
  2. (retour)↑  On peut renvoyer à l’ouvrage de Jacqueline Gascuel et Anne-Marie Chaintreau, Votre bâtiment de A à Z : mémento à l’usage des bibliothécaires, Paris, Éd. du Cercle de la librairie, 2000 (Bibliothèques), ainsi qu’aux quelques lignes écrites par Anne-Marie Bernard aux pages 94 et 95 du livre dirigé par Nic Diament : Organiser l’accueil en bibliothèque, Villeurbanne, IFB, 1997 (La Boîte à outils; 6), ou aux développements qu’elle a consacrés à ce sujet en compagnie de Pierre Franqueville dans Bibliothèques dans la cité : guide technique et réglementaire, sous la dir. de Gérald Grunberg, Paris, Le Moniteur, 1996, p. 157 et 158. Sur des aspects plus généraux et plus psychologiques, on consultera le livre de Bertrand Calenge, Accueillir, informer, orienter : l’organisation des services aux publics dans les bibliothèques, Paris, Éd. du Cercle de la librairie, 1996 et l’étude d’Anne-Marie Bertrand sur l’activité d’accueil et d’information des bibliothécaires : Bibliothécaires face au public, Paris, BPI, 1995. Cf. également, dans ce numéro, l’article de Marielle de Miribel, « Les Rites d’inscription du lecteur », p. 18-26.