Les documents graphiques et photographiques, analyse et conservation.
Travaux du Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques, 1994-1998.
Le nouveau volume de présentation des travaux du Centre de recherches sur la conservation des documents graphiques (CRCDG) recouvre les études réalisées entre 1994 et 1998 par le laboratoire. Comme chacun des volumes précédents (la série a été inaugurée il y a maintenant vingt ans), il est représentatif de préoccupations qui animent les responsables de collections et de leur conservation, qu'il s'agisse de bibliothèques, d'archives ou de musées. Car c'est la grande qualité du CRCDG (laboratoire associé du CNRS lié par convention au ministère de la Culture et de la Communication et au Muséum national d'histoire naturelle) que de travailler dans la transversalité en s'intéressant aux matériaux et à leurs problèmes de conservation.
Au cours des cinq années concernées, on trouve ainsi des sujets d'ordre général (les méthodes de traitement) et d'ordre particulier (les matériaux). Deux sujets particulièrement importants malgré – ou à cause de – leur récurrence, la désacidification du papier et la désinfection des collections, ouvrent et ferment le présent volume.
La désacidification du papier
La désacidification du papier est au cœur de la bibliothéconomie contemporaine (elle était déjà au sommaire du premier volume de travaux du CRCDG paru en 1981). On connaît la fragilité du matériau, notamment celui qui a été fabriqué au cours des années 1860-1960 avec des pâtes de bois, et qui a conduit les professionnels et leurs tutelles à engager une réflexion sur les méthodes à utiliser pour enrayer son inexorable dégradation. Dès le début des années 80, le CRCDG, à la demande de la Bibliothèque nationale, testa un procédé nord-américain qui semblait alors prometteur en matière d'efficacité, et l'adapta aux besoins français.
Au cours de la longue période de mise au point de la version française du procédé, et lors de l'élaboration des protocoles de traitement et des méthodologies particulières liées aux contraintes diverses imposées par la solubilité des encres, les problèmes des matériaux de reliure (au cours de la phase de séchage préalable au traitement de désacidification), des illustrations photographiques, il apparut que le traitement lui-même n'était pas homogène d'un livre à un autre au sein d'une même quantité de livres traités, parfois même à l'intérieur d'un même volume. Cette difficulté de reproduction des résultats a longtemps pesé sur le procédé et sur sa version française. L'origine des problèmes se situe tout d'abord dans l'extrême hétérogénéité des papiers utilisés dans l'édition au cours des XIXe et XXe siècles, dans leur composition, leur dégradation, qui interfèrent notablement sur leur réceptivité au produit de traitement. Elle se situe également dans le procédé lui-même qui ne permet pas de considérer tous les documents de la même manière selon leur emplacement dans l'appareil.
Après une période d'analyse patiente et minutieuse des documents traités depuis la mise en route de l'installation (1987-1988), et avec un recul en temps réel – plus fiable que les extrapolations de laboratoire – il est apparu que le procédé méritait une modification sensible afin de répondre plus précisément aux attentes des bibliothèques. En conclusion, après une modification de la composition du produit de traitement et une modification des procédures, l'étude a enregistré des résultats positifs, mais prudents, qui devraient conduire à une amélioration souhaitable des performances de l'installation de la Bibliothèque nationale de France. Dans l'attente de la mise en application de nouveaux systèmes de désacidification plus efficaces, le procédé actuel – ancien de vingt ans déjà – aura eu le mérite d'ouvrir la voie, à une époque où émergeait en France et dans le monde la curiosité envers les problèmes des papiers fragiles.
La désinfection des collections et des locaux
La désinfection des collections et des locaux est également un sujet récurrent de préoccupation des responsables de collections. Une curiosité plus grande pour les phénomènes de contamination, une information plus complète des professionnels sur ce sujet, rendent plus fréquentes les interrogations sur la nécessité de désinfecter et sur les produits à employer. Depuis une trentaine d'années, le procédé à l'oxyde d'éthylène a constitué la réponse quasi miraculeuse aux problèmes de moisissures et d'insectes indésirables dans les collections. Mais l'attention plus grande à l'efficacité relative du produit (tous les types de documents ne supportent pas l'oxyde d'éthylène), les précautions prises à l'égard de l'environnement (nécessité de recyclage ou de destruction des rejets), les législations très restrictives dans certains pays, ont amené à une réflexion sur le recours à des produits de substitution et, plus généralement, sur les problèmes liés au traitement des infestations.
Le CRCDG propose les résultats d'une étude sur la désinfection des papiers à l'aide de faisceaux d'électrons à haute énergie (rayons bêta) et de micro-ondes. Il s'agit de la poursuite d'expérimentations commencées il y a plusieurs années. Dans le cas des rayons bêta, la dégradation de la cellulose accompagne de manière inexorable la destruction des moisissures. Quant aux micro-ondes, des études conduites dans les années 80 avaient déjà constaté leurs propriétés fongicides. La nouvelle expérimentation confirme cette propriété qui se heurte toujours à la mise en application délicate en raison des caractéristiques de l'appareillage : celui-ci n'accepte que des feuillets simples, ce qui limite son usage en tant que procédé de désinfection. On constate que les deux procédés étudiés n'apportent pas de solution.
Les huiles essentielles
La seconde voie en matière de désinfection consiste à explorer le domaine riche et vaste des huiles essentielles. L'étude proposée par le CRCDG conforte l'intérêt actuel développé à l'égard de ces produits. Un colloque sur ce sujet, organisé à Paris en décembre 1998 par la mission Recherche et technologie au ministère de la Culture et de la Communication et par le CNRS, a en effet permis de faire le point sur les acquis et sur les usages possibles des huiles essentielles dans le domaine de la désinfection des matériaux de bibliothèques et d'archives. Connues et utilisées depuis l'Antiquité pour leurs qualités antimicrobiennes (les qualités antifongiques n'ont été découvertes qu'à la fin du XXe siècle), les huiles essentielles offrent des possibilités évidentes de désinfection, mais leur mise en œuvre pose encore des problèmes. Parmi celles étudiées par le CRCDG, le chénopode, le linalol et la citronnelle présentent des qualités antifongiques certaines, mais dans des conditions qui les rendent inutilisables dans les magasins d'une bibliothèque. D'autres études doivent donc être engagées, notamment sur les effets des huiles essentielles sur les matériaux eux-mêmes.
Les produits de substitution à l'oxyde d'éthylène n'ont pas encore été mis au point. Peut-être n'en existe-t-il pas, peut-être le remède aux infestations se trouve-t-il plus sûrement dans l'application de méthodes alternatives adaptées à chaque cas ; pour une grande partie, il se situe sans aucun doute dans la prévention.
Parmi les autres études présentées, on signalera la confirmation que le polyéthylène glycol utilisé pour le traitement des cuirs et des parchemins asséchés n'a pas de conséquences nocives pour les matériaux ; on signalera une étude sur la stabilité des clichés photographiques sur supports souples (qui rappelle en conclusion un tableau des conditions de conservation idéales des films photographiques telles que les préconisent les normes ANSI-American National Standards Institute), accompagnée d'une bibliographie importante (p. 150-157) ; on signalera également l'expérimentation positive d'un nouveau type de papier utilisable pour la protection de documents fragiles. Enfin, une étude fait le point sur le papyrus en tant que matériau (analyse de sa composition, facteurs de dégradation).