Les fonctions de l'archivistique contemporaine
Les Fonctions de l'archivistique contemporaine s'inscrivent à la suite de l'ouvrage Les Fondements de la discipline archivistique, publié en 1994 sous la direction de Carol Couture, professeur à l'école de bibliothéconomie et des sciences de l'information de l'université de Montréal. L'ambition de ce second ouvrage est d'offrir une approche pratique de l'archivistique contemporaine conçue comme une discipline éprouvée. Les archivistes doivent en effet pouvoir compter sur des méthodes de travail et d'évaluation sûres pour affronter les mutations qui touchent le monde de l'information : explosion de la production, péremption accélérée de l'information, exigence de rapidité d'accès aux sources, complexité accrue de la réglementation, etc. Le passage d'une archivistique de survie à une archivistique d'intervention s'est traduit par la mise en place de politiques de gestion des archives, fondées sur une approche intégrée de l'archivistique, structurée autour de huit fonctions : analyse des besoins, création, évaluation, accroissement, classification, description et indexation, diffusion, préservation.
Les fonctions de l'archivistique québécoise
L'analyse des besoins est la méthode par laquelle l'archiviste analyse les enjeux des archives d'une institution, propose un diagnostic et des remèdes. Cette analyse a pour but la mise en place d'un système de gestion des archives intégré aux autres fonctions de l'institution.
L'archiviste a un rôle à jouer dans la création, par « la mise en place des conditions nécessaires pour assurer la qualité, la validité, la crédibilité et la pérennité de l'information produite par les administrations ». Ce rôle est particulièrement important dans le cas de documents électroniques.
Par l'évaluation, l'archiviste apprécie valeur primaire (administrative, légale ou financière) et valeur secondaire d'information ou de témoignage, contexte et contenu, pour déterminer la durée de vie du document et le mode de gestion le plus approprié à chaque phase de sa vie.
Le chapitre consacré à l'accroissement aborde les différents modes juridiques d'accroissement (versements et acquisitions), la géographie institutionnelle des services d'archives, la nécessité d'une politique et d'une planification.
La classification, distincte de l'action matérielle de classement, est l'identification et la mise en ordre intellectuelle des documents, qui se traduit par l'adoption d'un plan de classification. Ce dernier est utilisé pour les archives courantes et intermédiaires autant que pour les archives définitives.
La description et l'indexation constituent la partie la plus volumineuse de l'ouvrage. Une place de choix est faite aux règles pour la description des documents d'archives, manuel québécois inspiré largement des règles de catalogage ISBD(G). Les normes de description des archives définitives, ISAD(G), norme générale et internationale de description archivistique, USMARC-AMC (Archives and Manuscripts Control) aux États-Unis, s'inspirent elles aussi du modèle bibliographique. Suit un développement sur le format SGML et la norme EAD (Encoded Archival Description) pour l'encodage des répertoires et des inventaires.
Sont ensuite évoqués les différents modes d'indexation et les contrôles de vocabulaire. Là encore, un chapitre est consacré à la présentation des normes nationales et internationales, dont la norme ISAAR, norme internationale sur les notices d'autorité archivistiques relatives aux collectivités, aux personnes et aux familles.
La fonction de diffusion, essentielle pour la visibilité et la notoriété de la fonction archives, recouvre toutes les relations de l'archiviste avec la clientèle interne et externe à l'administration. Chacune de ces relations est abondamment décrite et mise en perspective.
Le chapitre consacré à la préservation aborde de façon concise et claire les problèmes rencontrés, les méthodes d'évaluation, de planification et d'action dans un domaine désormais intégré à la chaîne archivistique.
Une discipline intégrée et systémique
En 1984, l'archivistique était résumée à quatre fonctions : création, traitement, conservation et utilisation, déterminées par le cycle de vie du document d'archives. La discipline s'est développée, a individualisé certaines fonctions au sein de fonctions traditionnelles, en a intégré d'autres, comme l'analyse des besoins, qui relève en partie de l'audit en organisation, ou la préservation. Chacune de ces fonctions peut s'appliquer à chacun des âges des archives, courantes, intermédiaires et définitives. L'archivistique québécoise revendique la nécessité de la présence de l'archiviste dès la création du document, là où l'archivistique contemporaine française, dans sa pratique, peine à intervenir en amont de la collecte passive. La place faite aux méthodes, plans d'action et grilles d'analyse dans l'ouvrage illustre les divergences d'approche, de vocabulaire et, sans doute, de finalités entre l'archivistique française et l'archivistique québécoise, plus portée sur le records management.
Théorie et pratique
Les auteurs revendiquent une démarche pratique. La part consacrée aux méthodes et à la planification, aux normes nationales et internationales, illustre ce souci : stratégie, outils, moyens de contrôle sont le cœur même de l'ouvrage. Certaines fonctions sont cependant traitées avec une approche parfois très – trop ? – théorique.
Cet ouvrage illustre le dynamisme de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée en archivistique en Amérique du Nord. Il s'agit là d'un outil de travail précieux pour les archivistes de toutes les écoles, tant par son approche globale et systémique que par sa bibliographie abondante. Il offre la vision d'ensemble la plus actuelle et la plus globale de la discipline et de ses applications ; il laisse entrevoir, en particulier, des réponses concrètes aux conséquences du développement des technologies de l'information sur la création, la diffusion, le repérage et la conservation des archives.