L'iFLA à Bangkok

Mireille Chazal

« Bibliothèques, portes d'un monde nouveau » (« Libraries as gateways to an enlightened world »), tel était le thème de la 65e assemblée et conférence générale de l'IFLA qui s'est tenue à Bangkok du 20 au 28 août 1999. 1980 délégués y ont participé qui représentaient 117 pays 1.

Rendre compte de l’ensemble des travaux est évidemment impossible. Au milieu de la profusion des conférences et débats, il est intéressant de s’attarder sur les aspects de formation et sur la francophonie.

Le Comité permanent « Éducation et formation »

Le Comité permanent relève de la Division VII « Éducation et recherche ». La définition de « normes » pour les écoles de bibliothéconomie et sciences de l'information dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement a été au cœur des réflexions. Après un tour d'horizon de la situation dans les pays d'Asie du Sud-Est, il est très clairement apparu que la maîtrise de l'information est aujourd'hui considérée comme un enjeu fondamental pour les pays en voie de développement. Le bibliothécaire et le documentaliste y sont considérés comme des gestionnaires de l'information participant au développement économique. Une autre approche de l'évolution des formations a montré les changements de la formation des professionnels de l'information au Québec, une convergence actuelle des professions de l'information sur une base de formation commune, un programme établi sur la gestion de l'information et des connaissances. Des options de spécialisation sont mises en place autour de ces axes communs.

Une dernière approche pour une démarche de formation des étudiants à la recherche d'information a montré aussi que la terminologie « stratégie de recherche » semble inadaptée. Or elle repose sur des techniques, et il serait donc préférable d'employer l'expression « résolution de problème ».

Les écoles en sciences de l'information s'interrogent sur ces interventions :

– les professionnels doivent-ils recevoir une formation très spécialisée qui les rendra experts dans un domaine précis, ou au contraire une formation générale qui leur permettra d'exercer n'importe quel métier de l'information ?

– quel doit être leur niveau de formation ? Une formation équivalente à bac + 2 est insuffisante dans les pays développés. Un travail de réflexion important se substitue au travail technique. Les nouvelles technologies de l'information demandent une formation continue de qualité pour suivre les évolutions du métier. On doit repenser à l'organisation de cette formation spécifique, et l'enseignement à distance pourrait y aider.

L'expression « Lignes directrices (guidelines) » a remplacé le terme « normes (standards) » dans l'intitulé des programmes de formation pour les écoles de bibliothéconomie et des sciences de l'information, ce qui semble plus compatible avec le document proposé à l'étude de ce comité permanent. Celui-ci se présente comme une série de recommandations pour la mise en place de programmes de formation. Les participants européens pensent que ces « lignes directrices » ne sont pas applicables dans tous les pays, en raison de la différence de leurs systèmes éducatifs. Dans les pays anglo-saxons, la bibliothéconomie et les sciences de l'information sont enseignées à l'université, alors qu'en France, deux écoles, l'Enssib (École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques) et l'INTD (Institut national des techniques de documentation) forment la plupart des professionnels. La rubrique « contenus à enseigner » doit être développée, car elle ne contient que des grands thèmes d'étude, ces contenus doivent s'adapter aux différents niveaux de l'enseignement.

On notera une réflexion sur l'évolution du rôle des professionnels de l'information appelés à devenir des knowledge managers, gestionnaires de la connaissance. La gestion de la connaissance se fait au travers d'un réseau qui compte les professionnels de l'information, les spécialistes des technologies et les usagers. Ils facilitent la consultation de l'information et son emploi dans les bibliothèques, centres de documentation, entreprises pour en permettre la meilleure utilisation. Les métiers de l'information doivent requérir des connaissances nouvelles. Cela leur permettra de faire partie des équipes dirigeantes. La formation doit évoluer en parallèle. Tout cela nécessite une réflexion réelle sur l'organisation des programmes et la mise en place de la formation continue.

La francophonie

Le CFI (Comité français IFLA) a été créé en 1996. Cette association a notamment pour but le soutien des actions relatives à l'expression de langue française au sein de l'IFLA et la participation des institutions, associations, et professionnels des pays francophones au sein de l'IFLA.

Un des objectifs du CFI est d’avoir accès à des traductions en langue française Il est à souligner que l'IFLA est anglophone à 95 %, et que les communications originales en langue française sont trop peu nombreuses, aussi est-il indispensable et essentiel d’avoir des traductions en langue française. De réels progrès ont été notés au cours de cette conférence. En 1996, 43 textes avaient été traduits ; en 1999, 69 l'ont été.

La progression du nombre de communications traduites en français est encourageante. Elle montre la vitalité de la délégation française et l'implication croissante de jeunes collègues prêts à s'investir dans leurs nouvelles fonctions à l'IFLA. Ce vivier devant être constamment développé, il appartient au CFI de réfléchir à des mesures pour promouvoir la participation de nouveaux collègues français à l'IFLA.

Il faut se féliciter par ailleurs de la coopération qui s'est établie avec le Canada et qui a permis d'accroître la visibilité des francophones et de la langue française à l'IFLA. La prochaine étape pourrait être de renforcer nos liens avec les collègues africains à l'heure où les moyens de communication permettent de travailler sur des dossiers communs quel que soit le lieu de travail de chacun.

Autre axe, le renforcement de la présence francophone à l'IFLA : les subventions allouées par les deux ministères (ministère de l'Éducation nationale de la Recherche et de la Technologie, ministère de la Culture et de la Communication) ont permis la participation, de 1996 à 1999, de 33 collègues des pays du Sud. Tous les pays adhérents ou associés au sommet des chefs d'État francophones sont concernés, l'Afrique, bien sûr : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Mali, le Sénégal, mais aussi la Tunisie, Haïti. En 1999, la tenue de la conférence à Bangkok a permis une ouverture plus large vers les pays du Sud-Est asiatique : neuf Vietnamiens, deux Cambodgiens.

Le CFI a aussi pour objectif de rassembler les professionnels de langue française : chaque année, le CFI réunit les associations professionnelles et les institutions de langue française. C'est un espace d'échanges et de concertation, où est débattu l’ensemble des orientations à prendre pour une meilleure prise en compte de la langue française et de la francophonie. Enfin, un environnement de langue française est également un objectif recherché. Non seulement les communications sont en très grande majorité en langue anglaise, mais toutes les informations pratiques sont données en anglais, notamment dans l'IFLA Express qui paraît tous les jours. Pour faciliter la participation des professionnels de langue française, le CFI a mis en oeuvre chaque année deux actions :

– un accueil pour les nouveaux arrivants qui complète la présentation de l'IFLA, organisée par le Secrétariat général de l'IFLA (avec traduction simultanée). Le CFI propose, en français, un mode d'emploi pratique de la conférence;

– la traduction en français de l'IFLA Express, le journal quotidien de la conférence. La traduction de l'IFLA Express est un travail très lourd, qui se fait en soirée ou de nuit, pour que les participants trouvent le journal en arrivant chaque matin. Le CFI n'a pu s'engager dans cette action qu'avec l'Enssib qui offre la participation de deux élèves et un encadrement enseignant. Un élève de l'Ebad (École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes) de Dakar renforce l'équipe française. Par ailleurs, il est à remarquer que cette année à Bangkok l'IFLA Express a été traduit en espagnol.

Pour conclure, il faut ajouter que tous les comités permanents prennent conscience de l'évolution de leur métier face aux nouvelles techniques de l'information et de la communication, à l'édition électronique et à l'évaluation des coûts dans les « Bibliothèques, portes d'un monde nouveau ».

  1. (retour)↑  Les plus fortes délégations étaient celles des États-Unis (310 délégués), suivis de la Thaïlande (305), de la Chine (162), de la Russie (112), et enfin de la France (102). 34 Français ont été élus ou réélus lors des élections aux Comités permanents de mars 1999, pour la période 1999-2003, quatre nouveaux présidents et trois secrétaires de ces comités ont été élus lors du congrès. 1999 était une année d'élections au Bureau exécutif – quatre membres ont été élus : Ingrid Parent, de la Bibliothèque nationale du Canada; Borge Sørensen, de la Direction des bibliothèques publiques de Copenhague; Claudia Lux, de la Zentral- und Landesbibliothek de Berlin ; Jeronimo Martinez Gonzalez, de la Biblioteca de Andalucía. Une nouvelle section, anciennement Table ronde, a vu le jour : « Audiovisuel et multimédia ».