La création d'un consortium de bibliothèques universitaires
son impact sur la politique d'abonnements aux périodiques électroniques
Iris Reibel
Le succès rencontré auprès des utilisateurs par l'offre de consultation de périodiques électroniques qui les affranchit de la notion de temps et d'espace n'implique pas encore une adhésion sans réserve au seul support électronique.
À moyen et à long terme, en l'absence de solution fiable de l'archivage, le support papier conserve bien des adeptes. Ceci contraint la plupart des bibliothèques universitaires à assumer, en cette phase transitoire, les deux supports. Même si la politique de contractualisation et la priorité donnée aux bibliothèques universitaires au sein de l'enseignement supérieur ont amélioré la situation budgétaire de ces dernières, il s'agit d'une phase délicate.
L'autonomie des universités, la diversité des services communs de documentation, les contraintes de la politique documentaire locale en matière de documentation et recherche avec les bibliothèques associées, des grands organismes de recherche, rendent plus que jamais nécessaire la coopération interuniversitaire.
La mutualisation des ressources – qui permet de répondre à la hausse quasi insupportable des coûts du support papier –, la pression des utilisateurs – qui souhaitent bénéficier de l'accès à distance au texte intégral des périodiques –, et la volonté que les services communs de documentation soient partie prenante dans la création de bibliothèques électroniques face à la problématique du marché expliquent la création du consortium. Celui-ci s’est concrétisé en 1999, dans une version appelée à évoluer et à s’étendre, tant du point de vue des membres participants que des éditeurs partenaires.
Les 6 universités du consortium en octobre 1999 :
Angers : Jean-Claude Brouillard
Aix-Marseille II : Marie-Hélène Bournat
Cergy-Pontoise: Marie-Françoise Massal
Nancy I : Jacqueline Gaude
Strasbourg I : Iris Reibel
Versailles-Saint-Quentin : Michèle Goubern
L'activité du consortium
L'objectif du consortium consiste à proposer aux lecteurs des universités participantes une offre multiéditeurs de périodiques électroniques. Ceci explique les négociations menées avec quatre éditeurs 1 :
– Elsevier : l'accord a été signé le 30 juin 1999 et marque la naissance du 1er consortium français.
– Academic Press et American Chemical Society : les discussions sont achevées, les licences ont été signées en décembre 1999.
– Springer : les premiers éléments d'information, à savoir la licence et les tarifs, sont actuellement et favorablement étudiés.
Les principes fondamentaux consistent en :
– un accord pluriannuel de 3 ans avec Elsevier et Academic Press ; en revanche, un engagement annuel est prévu par Springer et l'American Chemical Society ;
– un couplage avec le support papier ; il est imposé par l'American Chemical Society et Springer. Mais Academic Press offre le choix et, depuis peu, Elsevier a la même stratégie ;
– un accès aux collections des partenaires du consortium ; il est proposé par Elsevier, l'American Chemical Society et Springer. En revanche, Academic Press a opté pour « le package Ideal », offre globale de 174 titres qui sera augmentée de 60 titres par Saunders et Churchill Livingstone en 2000.
– un accès aux années antérieures ; Academic Press, Springer, Elsevier et l'American Chemical Society proposent l'accès à leurs périodiques électroniques au moins à partir de 1996.
Elsevier va entreprendre la numérisation rétrospective de ses titres jusqu'en 1985 et Academic Press élargit également sa proposition. Dans ce domaine, la plus belle réalisation revient à l'American Physical Society qui met, déjà, ses fichiers à disposition à partir de 1985.
Le volume de collections imprimées en présence et la persévérance déployée par l'ensemble des partenaires dans les négociations déterminent la qualité de l'accord. Les licences des différents éditeurs présentent bien des similitudes.
Premières conséquences de l'expérience avec Elsevier
Le nombre de titres d'Elsevier souscrits par les bibliothèques faisant partie du consortium, abstraction faite des doublons entre les partenaires, était, à la création du consortium, de 345 titres, qui se répartissaient comme suit :
– Angers : 51 titres
– Aix-Marseille II : 104 titres
– Cergy-Pontoise: 36 titres
– Nancy I : 92 titres
– Strasbourg I : 183 titres
– Versailles-Saint-Quentin : 28 titres
Les doublons sont destinés à une élimination progressive. Voici quelques exemples sur des titres coûteux :
– le « package Tetrahedron » comporte 4 titres d'une valeur d'environ 126 000 FF.
Aix-Marseille II et Cergy-Pontoise y étaient abonnés, c'est Cergy-Pontoise qui conservera l'abonnement, Aix-Marseille II, en se désabonnant, peut souscrire de nouveaux titres pour 126 000 FF.
– Chemical physics et Chemical physics letters, d'un coût d'environ 78 700 FF, sont présents en 1999 à Nancy I (les 2 titres), Strasbourg I (les 2 titres), Angers, Cergy-Pontoise pour le 2e titre. L'ensemble sera conservé par Strasbourg I pour l'an 2000, Nancy I et Angers se désabonnent et investissent respectivement en chimie et en sciences économiques.
– Biochemical pharmacology, présent en 1999 à Aix-Marseille II et Nancy I, sera conservé par Nancy I.
– Physics letters A et B (environ 62 130 FF), aux deux titres desquels sont abonnés Nancy I et Strasbourg I seront conservés par Strasbourg I. Angers qui recevait la série A supprime son abonnement.
Cela permet à Nancy I de souscrire un nouveau titre, Physica, absent des titres souscrits par le consortium.
Les conséquences
L’une des principales conséquences est la souscription à de nouveaux abonnements.
Se désabonner de 49 titres, dont une bonne partie d'un coût élevé, a permis de souscrire 102 nouveaux titres qui se répartissent ainsi pour l'essentiel :
– Sciences de la santé et de la vie : 35 titres
– Physique-Chimie : 29 titres
– Sciences économiques : 12 titres
– et la série complète des 9 Current opinion, pluridisciplinaire et très demandée par les lecteurs.
Cette expérience a aussi permis le partage de la responsabilité de conservation. Celle-ci se précise peu à peu pour les titres onéreux et pour ceux qui sont présents dans plusieurs universités.
De plus, certains domaines spécialisés au sein de disciplines plus larges (par exemple, les neurosciences au sein des sciences de la vie) pourraient être liés progressivement à un site universitaire.
Un outil d'évaluation de la consultation des collections
Les statistiques fournies par Elsevier donnent :
– le nombre de connexions à Science Direct. À Strasbourg I, il y a eu en septembre 1999 : 59 581 connexions, et en octobre : 72 634 connexions ;
– la liste des titres les plus interrogés : le « top 20 » permet de connaître les 20 titres les plus interrogés. Il sera prochainement remplacé par le « top 50 ». Ces titres sont présentés par ordre décroissant du nombre des consultations.
– la liste des titres publiés par Elsevier, auxquels le consortium n’est pas abonné, et qui sont interrogés : la fréquence de consultation s'explique par l'accès donné à l'abstract, à la table des matières, aux illustrations.
– le nombre de profils personnalisés créés.
Cette politique de coopération implique des choix lors du renouvellement des abonnements ; il faut concilier les intérêts des différents sites et la solidarité inhérente au consortium. Cependant, la complémentarité qui en résulte entre les universités a un impact très positif sur la couverture documentaire, et chaque partenaire est conscient qu'aucun site n'aurait pu s'offrir 102 nouveaux abonnements sans bourse délier.
L'offre élargie à d'autres éditeurs (Academic Press, Springer…) permet l'accès à 312 périodiques supplémentaires et à 760 titres au total. Mais c'est l'adhésion de 5 nouvelles universités (Nantes, Lille I, Rennes I, Bordeaux I et III, Toulouse III), qui sera déterminante pour la satisfaction des besoins documentaires des étudiants avancés, des enseignants chercheurs, des chercheurs et des cliniciens.