L'information scientifique et technique et l'outil Internet

expériences, recherches et enjeux pour les professionnels de l'IST

par Jean-Claude Utard
Le Micro Bulletin Thématique, n° 3, 1999. Paris : CNRS, 1999 – 315 p. ; 24 cm. ISBN 2-9510137-4-4. ISSN 1285-5790 : 95 F/14,48 euros

Internet n'est pas seulement un outil polyvalent permettant d'interconnecter des réseaux informatiques, de transférer des fichiers, d'échanger des courriers électroniques ou d'interroger des sites de plus en plus nombreux, à la recherche d'une information sans cesse plus précise et plus actuelle. C'est également un espace en construction permanente, où s'élaborent pratiques innovantes et nouveaux services. Dessiner les contours actuels que l'usage d'Internet revêt pour les professionnels de l'information, tel est le but de ce numéro thématique édité par Le Micro Bulletin du CNRS.

Vingt articles, dus à quelque 33 auteurs, illustrent la variété et, parfois, l'hétérogénéité des aspects abordés. Plus soucieuses de relater des expériences que de théoriser ou de faire le point des questions, la plupart des contributions sont, de fait, assez pointues. Cependant, cette diversité même des sujets traités et des auteurs recensés démontre qu'Internet est devenu bien plus qu'un outil, qu'il est aujour d'hui un média, avec ses usages émergents et sa dimension d'expérience col lective.

Recherche d’information

Le premier usage analysé demeure celui de la recherche d'information, sujet abordé sous ses deux aspects, celui des outils et des méthodes de recherche, de la stratégie de la recherche d'information, et celui de la veille scientifique et technique.

Tandis qu'un article, fort utile, rappelle certains principes clefs de la recherche documentaire et décrit la typologie et le fonctionnement des différents outils (moteurs de recherche, annuaires, métamoteurs…) indispensables pour retrouver de l'information dispersée dans une multitude de sources de nature différente (sites Web, listes de diffusion, forums de discussions, etc.), d'autres présentent, successivement, un système de gestion de connaissances : HENOCH, mis au point par l'INIST (Institut de l’information scientifique et technique), permet d'analyser un corpus de bases bibliographiques pour avoir une première approche d'un sujet, pour identifier des technologies émergentes ou évaluer les résultats d'une équipe de recherche ; un exemple de programme d'interrogation de bases multiples et hétérogènes à l'INRIA (Institut national de la recherche en information automatisée) est aussi donné, ainsi qu’une comparaison des bases de données filmographiques disponibles sur Internet.

Internet étant un support d'informations structurées selon des normes, il est normal qu'une troisième partie s'attache au traitement et aux formats des documents, les standards SGML et XML utilisés pour fabriquer les documents numériques, et aux possibilités de construire des plates-formes d'interrogation utilisant ces structurations pour retrouver de l'information.

Une collaboration interdisciplinaire

Rendre disponible une information via des sites Web entraîne une collaboration interdisciplinaire. Les professionnels de l'informatique ou de l'information doivent penser aux utilisateurs et travailler avec eux, à commencer par les chercheurs, qui désormais intègrent Internet dans leur environnement documentaire. Trois exemples nous sont donnés de cette collaboration obligatoire : la création d'un forum électronique sur Nietzsche, relié à un hypertexte d'édition, de communication et d'érudition, l'expérience de Solaris, revue électronique bien connue dans les sciences de l'information et de la communication, et enfin celle de Sitebib, un recensement coopératif des sites Web en bibliothéconomie qui pourrait devenir un portail s'adressant à tous les bibliothécaires et documentalistes.

Toutes ces expériences insistent sur l'aspect interactif, tant dans le travail pour bâtir la ressource Web que dans la communication avec l'usager. Elles définissent de nouvelles pratiques professionnelles et questionnent le positionnement des professionnels de l'IST. Ces aspects sont l'objet des deux dernières parties de la revue. Un extrait de la toute récente thèse de doctorat de Marie-France Lebert met en évidence le fait que les cyberbibliothèques ou bibliothèques numériques constituent l'apport majeur d'Internet et qu'elles obligent bibliothèques et centres de ressources à perdre leur caractère géographique, à raisonner en termes de réseaux, proposant ou cherchant une information accessible à distance, et générant de nouvelles pratiques d'information.

La bibliothèque devient alors un lieu producteur d’information et une instance de validation et de structuration de l’information existante. C’est ce sur quoi insiste Anne Steiner, directrice du Service commun de la documentation de l’université de Valenciennes. Le rôle de spécialiste de la profession de bibliothécaire ou de documentaliste en est renforcé, mais réorienté vers de nouvelles fonctions : expertises, veille, et pédagogie de l’information. Ce point de vue se retrouve dans les contributions des documentalistes à cette revue, qui soulignent en revanche la nécessité d’instauration d’un véritable dialogue entre documentalistes, chercheurs et informaticiens, pour partager compétences et savoir-faire, collaboration qui met en évidence le rôle des professionnels de l’information dans le traitement et la diffusion de cette information. Bernard Humbaire, de la commission Internet de l’ADBS, va encore plus loin, puisqu’il considère qu’Internet brise l’image, à ses yeux dépassée, « qui oppose les techniciens des contenants aux gestionnaires du contenu ».

Un répertoire de sites Internet dans les domaines liés à ces sujets clôt ce Micro Bulletin dont on nous rappelle que les publications peuvent être retrouvées à l’URL : www.cnrs.fr/lmb/