L'illettrisme en toutes lettres
textes, analyses, documents, entretiens, témoignages
Dès son titre, cet ouvrage annonce très clairement son sujet et le sous-titre précise la manière dont il est traité. L'illettrisme y est abordé par tous les bouts : une cinquantaine de textes courts, comptes rendus d'expériences, témoignages d'illettrés, entretiens avec des responsables d'organismes ou d'associations œuvrant dans la lutte contre l'illettrisme, réflexions de professeurs et de chercheurs…
Une plate-forme d'informations
Par l'étendue des situations et des problèmes abordés, cet ouvrage est assez complet, mais il ne permet pas un approfondissement de la question : la concision des articles laisse le lecteur sur sa faim. Il constitue en revanche une bonne plate-forme d'informations, complétées par une bibliographie qui regroupe entre autres des titres écrits par les nombreux auteurs de ce livre.
Quelques textes sont là pour sensibiliser le lecteur. Jean Rouaud évoque l'enthousiasme et la gaieté d'une petite fille s'essayant à déchiffrer et à lire, imagine l'arrêt de cet apprentissage et nous fait frémir devant la désespérance qu'elle va devoir affronter une fois devenue adulte. Un autre texte, qui traite du regard de l'autre face à l'illettrisme, montre les amalgames et les associations véhiculés par les médias : « illettrisme et violence », « illettrisme et échec », « illettrisme et misère », de quoi mettre tous les illettrés dans un ghetto, sous la même étiquette, alors que les situations de chacun sont beaucoup plus complexes et nuancées. Sont également rappelées les différences entre analphabétisme et illettrisme, et la prise de conscience de ces fléaux qui s'est faite dans les années 1980. Quelques chiffres et pourcentages montrent que 10 à 20 % de la population se trouvent concernés à des degrés divers par l'illettrisme, que 4 % éprouvent des difficultés à lire…
Apprendre et réapprendre
Après cette mise en condition, on aborde le reste de l'ouvrage qui se divise en trois chapitres. Le premier, « Constat d'illettrisme », évoque le phénomène par rapport aux pratiques de lecture et la situation dans d'autres pays. L'Europe du Nord apparaît comme privilégiée par rapport aux pays du Sud. Un chercheur donne son point de vue sur l'évolution probable de l'illettrisme ; le témoignage vécu d'un illettré nous fait partager l'énergie déployée pour pouvoir vivre dans notre société quand on lit mal, et les moyens qu'il faut trouver pour contourner et éviter les obstacles de l'écrit présent à chaque pas.
Une grande partie du chapitre « Apprendre » est consacrée à la dyslexie et aux premiers apprentissages. L'accent est mis sur la liaison entre la parole, le langage et l'écrit. Ici encore, des témoignages renforcent la dimension très attachante de cet ouvrage, en particulier celui de cette institutrice de cours préparatoire qui explique comment elle apprend à lire à ses petits élèves avec des idées, de l'amour et un très grand bon sens, ceci afin d'éviter à l'enfant les écueils sur lesquels il va buter : « Si l'apprentissage de la lecture reste un souvenir douloureux, jamais [l'enfant] ne trouvera de plaisir à lire ».
Le dernier chapitre, « Réap-prendre », insiste sur tous les lieux où se retrouvent les personnes en situation d'illettrisme et les actions qui peuvent aider à en sortir : les entreprises et les formations qu'elles proposent, le milieu carcéral, les bibliothèques et les ateliers d'écritures, les associations humanitaires, le service national, les écrivains publics… On y découvre également le rôle du GPLI (Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme), ainsi que les aides qu'il soutient.
Cet ouvrage, suscité par le Syndicat de la presse sociale, complète une campagne du même nom : « Prenons l'illettrisme au pied de la lettre ».