Sciences et archives contemporaines

par Jean-Pascal Foucher
actes de la table ronde organisée par l'École nationale du patrimoine, les 20, 21 et 22 novembre 1996. Paris : École nationale du patrimoine, 1998. – 144 p. ; 30 cm. – (Cahiers de l'École nationale du patrimoine ; n° 3). ISBN 2-911039-11-4. ISSN 1283-6907 : 90 F/13,72 euros

Cette publication, consacrée aux sources archivistiques et aux instruments de travail des chercheurs « permettant d'étudier l'évolution des politiques de recherche scientifiques, l'évolution de telle ou telle discipline ou encore l'apport de tel ou tel scientifique au développement des connaissances », intéresse à la fois les musées, les bibliothèques et les services d'archives gestionnaires d'archives scientifiques.

Mêlant analyses typologiques et présentations de fonds particuliers, les huit articles de cet ouvrage s'articulent en deux parties, l'une centrée sur la présentation des sources, l'autre sur l'organisation de la collecte.

Manuscrits, papiers savants et archives de laboratoire

Le premier article livre une analyse typologique des différents fonds d'archives scientifiques : archives des administrations de tutelle, archives de laboratoire, à la fois administratives et scientifiques, et enfin archives personnelles des scientifiques. Si les archives des administrations ne posent pas de problème majeur de collecte, le sort des archives des établissements de recherche et plus encore des laboratoires semble plus incertain, la plupart des établissements n'ayant pas une gestion spécifique de leurs archives. Quelques fonds d'archives personnelles de grands savants sont cités et leur localisation donnée.

Thérèse Charmasson fait part des travaux entrepris par les archivistes et les historiens des sciences pour sensibiliser les scientifiques à l'intérêt de leurs archives, pour harmoniser le traitement des fonds collectés, notamment à travers le manuel intitulé Les Archives personnelles des scientifiques, Classement et conservation, et enfin pour en faciliter la valorisation (édition de guides de sources, dont l'un est consacré aux sources de l'histoire de l'Académie des sciences).

La présentation des sources de l'histoire de l'Académie des sciences par Christiane Demeulenaere-Douyère illustre la diversité des fonds, qu'il s'agisse des archives organiques de l'Académie ou des archives de ses membres, l'interpénétration de ces fonds – et donc la nécessité pour l'historien de croiser ces sources. Ces fonds sont éparpillés entre les archives de l'Académie, des bibliothèques, des services d'archives, d'institutions d'enseignement ou de recherche. Le fonds Pasteur conservé à la Bibliothèque nationale offre l'occasion d'aborder les conditions de collecte des fonds, la grande diversité typologique des sources permettant d'écrire l'histoire des parcours scientifiques, des méthodes de travail et de l'univers intellectuel des grands savants.

Politiques et géographies d'archivage

Cette seconde partie croise à nouveau les approches, abordant successivement les politiques d'archivage et leurs lacunes par discipline (l'archéologie, la médecine), par nature d'institutions (archives des adminis trations de tutelle) ou par site (archives et instruments scientifiques d'un même laboratoire).

L'article de Julia Sheppard sur le Contemporary Medical Archives Centre and the Wellcome Institute de Londres mérite une mention spéciale, en raison du caractère original, vu de France, de ce centre. L'établissement, dédié aux archives de l'histoire de la médecine, est financé par une fondation privée en lien étroit avec l'Université d'histoire, mais aussi la recherche médicale contemporaine (la Fondation finance à la fois la recherche médicale, le centre d'archives et des bourses d'étudiants en histoire de la médecine). Cette situation favorise les dons et dépôts d'archives de la part des organismes de recherche, des individus ou associations.

Le fonctionnement de ce centre semble fournir une réponse partielle aux questions posées par le dernier article consacré par Odile Welfelé au devenir des archives scientifiques. On y décrit une divergence de taille entre les chercheurs, pour qui seule la publication est digne de conservation, et les historiens, qui s'intéressent aux différentes étapes, aux méthodes de la recherche. Un travail important de sensibilisation apparaît nécessaire, d'autant plus que les méthodes de travail ont beaucoup évolué depuis les années cinquante. En effet, la mobilité accrue des programmes de recherche, des équipes, des individus, le développement de nouveaux modes de communication (mél, Internet) et de rédaction conduisent à la raréfaction des matériaux documentaires de la science. La réflexion sur les moyens de la collecte et les critères de sélection (échantillonnage, documentation papier contre instrument en trois dimensions ?) n'en est que plus indispensable. L'étude des méthodes de travail des chercheurs, menée par l'auteur de l'article, de même que les contacts permanents avec la communauté scientifique, permettent de répondre en partie aux angoisses du conservateur.

Servi par une bibliographie générale et des orientations propres à chaque article, d'annexes contenant notamment un guide de conservation des archives de laboratoires, cet ouvrage apporte sinon des réponses, du moins des orientations pour les historiens des sciences, des conseils pour les scientifiques désireux de gérer leurs archives, et enfin l'illustration, s'il en était besoin, de l'intérêt d'un lien étroit entre producteurs, gestionnaires et utilisateurs d'archives.