Librarianship and Information Work Worldwide 1999
Voici un « classique » – c'est sa huitième édition – attendu désormais avec intérêt par tous ceux qui souhaitent disposer d'une information complète sur la situation des bibliothèques dans le monde, sur les problèmes généraux qu'elles doivent affronter et sur leur évolution. On en évoquera cependant d'emblée les deux principales limites : un décalage dans le temps, aisément compréhensible, qui borne les analyses à des articles parus entre 1994 et 1997, et, surtout, une propension, encore plus marquée cette année, à ne retenir que des travaux de langue anglaise. Ainsi les auteurs du sixième chapitre consacré à la formation professionnelle des bibliothécaires avouent explicitement s'en être tenus à des articles écrits en anglais ou à des résumés en anglais d'articles écrits dans une autre langue. On comprendra donc mieux – à défaut de l'approuver – le faible nombre d'occurrences francophones dans ce volume et la prééminence d'une vision des bibliothèques qui n'est pas forcément celle des lecteurs français.
Une mine d'informations
Cette réserve faite, les onze chapitres de ce volume constituent une mine d'informations, d'autant plus que cette année le nombre de renvois vers des ressources électroniques a fort heureusement encore augmenté. On retrouvera dans cette édition les rubriques régulières consacrées chaque année aux principales catégories de bibliothèques, mais aussi, comme de coutume, des coups de projecteur sont donnés sur tel ou tel problème spécifique, notamment cette année sur les services d'information gouvernementale en ligne, sur les bibliothèques d'Extrême-Orient et d'Amérique latine, sur les indicateurs de performance ou sur le partage des ressources et sur le marketing.
En introduisant ce volume, Jack Meadows définit la période couverte par ce volume comme une période de transition sans parvenir à établir nettement « quels sont les problèmes de transition basiques et continus, et quels sont ceux qui sont superficiels et temporaires ». Selon lui, l'informatisation complète de la société dans les quinze années qui viennent pose au moins deux questions : comment rechercher l'information dans une masse en constante inflation ? Comment faire en sorte que les budgets publics en crise s'accommodent des rapides évolutions technologiques ?
À propos des bibliothèques nationales, Marianne Scott et Paul McCormick mettent en évidence la floraison de projets de constructions, et donc l'abondance d'articles consacrés à ces établissements. Aussi bien le rôle des bibliothèques nationales dans l'affirmation de la culture et de l'identité nationales que la constitution progressive de bibliothèques électroniques tiennent une grande place dans les diverses contributions recensées.
Ian Winkworth et Graham Shields déduisent des divers articles traitant des bibliothèques universitaires trois constantes : la permanence des difficultés budgétaires, l'augmentation continue du nombre d'étudiants à travers le monde et l'impact des évolutions technologiques. La formation et l'adaptation du personnel, la nécessité de l'évaluation, l'importance de la mise en place de programmes de coopération nationaux sont autant de préoccupations partagées à des degrés divers par les différents pays. Selon les auteurs de ce chapitre, l'équilibre à l'intérieur de l'hybrid library entre l'imprimé traditionnel et les services électroniques s'inverse peu à peu. Ils en voient la manifestation concrète dans le rapprochement de plus en plus fréquent entre les centres informatiques des universités et les bibliothèques.
Les bibliothèques publiques
Le chapitre traitant des bibliothèques publiques ne comporte pas la moindre référence à des travaux en français et pas la moindre allusion à des sujets touchant au patrimoine, ceci expliquant peut-être cela.
Son auteur, Ragnar Audunson, voit dans la période actuelle un moment critique qu'il compare à celui de la révolution industrielle et des problèmes sociaux qui l'ont accompagnée. Les bibliothèques publiques ont donc à s'adapter à de nombreux changements et aux tensions qui traversent la société.
C'est le rôle formateur de la bibliothèque qui se trouve mis en avant par de nombreux articles : la bibliothèque devient de plus en plus une « salle de classe informelle » et, souvent, virtuelle, et permet de répondre aux besoins de formation des citoyens et contribue à ce que des groupes sociaux entiers ne soient pas exclus des processus démocratiques. Cette adaptation à l'époque doit- elle conduire les bibliothèques à reprendre à leur compte les méthodes de management en vigueur dans l'entreprise ? De nombreux articles des revues anglo-saxonnes apportent des réponses sans doute plus nuancées qu'il y a quelques années et insistent à nouveau sur la nécessité d'une redéfinition de la bibliothèque publique à l'intérieur d'un projet porté par le pouvoir politique.
Dans l'intéressant chapitre conçu par Rowena Cullen et Dan Dorner au sujet de l'information gouvernementale, il semble bien qu'on ne s'éloigne pas des préoccupations fondamentales du chapitre précédent, puisque l'accès aux informations publiques est une condition de la participation des citoyens à la vie démocratique. Si, dans ce domaine précis, les services en ligne permettent une dissémination plus rapide et plus large des informations publiques, des conflits se font jour, difficiles à résoudre, entre les impératifs démocratiques, le besoin de meilleures relations publiques et la rentabilité financière, en particulier dans le cas de concessions d'informations publiques à des opérateurs privés. Il est assurément de la responsabilité des bibliothécaires de veiller à ce que ne s'édifient pas des obstacles physiques, économiques, intellectuels ou technologiques à la diffusion de l'information publique.
La formation des bibliothécaires
Comme l'expliquent Joye Kirk et Svetlana Sellers, la formation des bibliothécaires est fortement influencée par les bouleversements technologiques et les évolutions sociales, mais aussi par le développement des réseaux de bibliothèques dans un certain nombre de pays (anciennes républiques de l'ex-URSS, Afrique du Sud, Chine, par exemple). Beaucoup d'auteurs d'articles insistent sur la convergence des métiers des bibliothèques, des affaires et des médias, ainsi que sur l'importance croissante de l'enseignement à distance.
John Sumsion s'est efforcé d'établir les grandes tendances qui se dégagent de la très abondante littérature publiée sur le thème des indicateurs de performance. Cette approche qui pénètre lentement en France doit étendre son champ d'application à l'usage et à l'impact des ressources électroniques, ce qui pose de nombreux problèmes méthodologiques.
Dans un chapitre intitulé « Partage des ressources », Carol Ann Hughes se fait l'écho d'une préoccupation qui a toujours été présente dans le LIWW depuis l'origine sous des appellations variées : « coopération », « fourniture de documents » ou « mise en réseau ». Là encore, l'objectif est de s'adapter à la réalité nouvelle des documents électroniques : négociation commune de licences et archivage partagé, par exemple, sans négliger d'améliorer le partage des ressources imprimées.
Le chapitre dans lequel Sheila Webber traite du marketing des bibliothèques et des centres de documentation s'ouvre – heureuse exception – sur une citation en français de Jean-Michel Salaün ! Le nombre d'articles recensés sur ce sujet démontre que cette manière d'approcher la réalité des bibliothèques, pour être somme toute récente, n'en est pas moins désormais communément admise. Wu Jian zhong passe en revue de nombreuses contributions portant sur la situation des bibliothèques en Extrême-Orient, souvent dans le sillage du congrès de l'IFLA à Pékin en 1996, et Marialyse Délano fait de même pour les bibliothèques d'Amérique latine.
En résumé, un excellent cru pour cette livraison 1999 qui traduit bien le caractère à la fois incertain, mouvant et passionnant de cette période de l'histoire des bibliothèques.