L'avenir de la coopération entre bibliothèques
Anne Dujol
Les 5 et 6 juin derniers, le Cercle d’études des bibliothécaires des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon (Cebral) s’est réuni à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) pour ses 34es journées d’étude consacrées à l’avenir de la coopération entre bibliothèques, thème récurrent depuis la journée de Narbonne en 1966.
Créer de véritables réseaux documentaires
Comme l’a rappelé dans son introduction Jean-Claude Annezer, président du Cebral, si la coopération vise à maîtriser de nouveaux outils et de nouvelles techniques, à repenser l’organisation et le développement des services offerts aux usagers pour une plus grande efficacité, elle est également une ambition visant à réaliser de véritables réseaux documentaires, exigeant des professionnels une « incessante reprise », structurant leurs pratiques pour les aider à se penser « coopérateurs actifs ». Ces nouvelles exigences de la coopération conduisent à identifier les actions de coopération dans les régions comme dans les universités, alors que grandissent les inquiétudes des professionnels qui doivent repenser les modes de travail avec des moyens en baisse.
Jean-Noël Soumy, de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Midi-Pyrénées, exposa la nécessité de la coopération dans les zones rurales où la petite taille des communes rend l’intercommunalité nécessaire pour financer les équipes culturelles (partage de professionnels) et les équipements culturels fédérateurs.
Françoise Danset, de la bibliothèque départementale du Val-d'Oise, en référence au congrès 1999 de l'ABF (Association des bibliothécaires français) sur les bibliothèques et l’économie, exposa les effets des réseaux documentaires du point de vue des collections, et la modification des mécanismes de constitution des fonds : un réseau documentaire nécessite de passer de l’acquisition de documents à la négociation de droits d’usage pour la communauté. Ceci dans le contexte de grands groupes d’édition internationaux et commerciaux dont l’objectif économique est prépondérant sur les ambitions culturelles et scientifiques. Elle rappela le Livre vert en préparation, relatif à l’accès aux données publiques et contraire à l’esprit de l’accès libre et gratuit à ces données pour le citoyen.
Les axes essentiels de la coopération régionale
Dans son exposé sur les perspectives de la coopération régionale, Béatrice Pedot, de la Fédération française de coopération entre bibliothèques (FFCB), rappela les axes essentiels de cette coopération pilotée par les agences de coopération régionale, qu’il s'agisse de l’information bibliographique (catalogues régionaux), ou du patrimoine des bibliothèques (plans de microfilmage et bientôt de numérisation, plans de restauration et de conservation concertées), ou encore d’actions de développement de la lecture publique.
En écho à cet exposé, Gérard Briand présentait les actions de l’agence de coopération Aquitaine : inventaire du patrimoine écrit, rôle d’expertise de la bibliothèque du musée de la Mer, actions relais aux manifestations nationales (fêtes du livre, Mois du patrimoine), tout en rappelant qu'il ne fallait pas cependant réduire la coopération aux actions des administrations centrales. En exemple, Élisabeth Meller-Liron, de la DRAC Aquitaine, présenta le programme européen « Libération », auquel participent quinze bibliothèques de la région Aquitaine, et qui vise à mettre en œuvre des services régionaux d’information, les bibliothèques participantes ayant sélectionné des thèmes, objets d’information, comme le patrimoine, le tourisme, la formation, etc.
Les bibliothèques départementales (Geneviève Gourmelon, de la bibliothèque départementale de prêt des Pyrénées-Atlantiques) comme les bibliothèques municipales (Isabelle Maze, de la BM de Nérac), ont présenté leurs projets de coopération à l’intention des zones rurales où domine la notion de « pays » en tant qu’entité culturelle de base.
De nouveaux modèles de travail
Pour conclure cette journée, Jo Link-Pezet, de l'Unité régionale de formation à l’information scientifique et technique (URFIST) de Toulouse, synthétisa tous les aspects de la coopération, aspects remis en cause par les nouvelles technologies, qu’il s’agisse du lien individuel ou collectif entre les acteurs, des liens politiques, économiques et sociaux, vers la mise en œuvre d’une pensée stratégique où le pouvoir des citoyens s’oppose à l’ordre marchand. Tout en rappelant la nécessité d’expliciter les niveaux et les objectifs de la coopération, elle s’interrogea sur les modèles de travail du bibliothécaire et la nécessité de travailler autrement – les modèles antérieurs hiérarchisés ne convenant plus aux situations actuelles – nouveaux modèles qu'appelle le travail en coopération.