Littérature(s) en bibliothèques

Sophie Renaudat-Chambard

Le 13 avril dernier, la filière Bibliothèques de l'IUT Michel-de-Montaigne, de l'Université de Bordeaux III, organisait son sixième colloque, « Profession : bibliothécaire », consacré cette année à la représentation des littératures en bibliothèques en 1999. Cette journée professionnelle, introduite par Jean-Pierre Vosgin, directeur de la filière Bibliothèques, avait pour objectif de conduire une réflexion sur un aspect du métier, en s'interrogeant sur les genres de livres qui caractérisent la littérature en bibliothèques et sur le soutien que peuvent apporter les bibliothèques à la création littéraire et à la diffusion des textes.

Campagne promotionnelle et prix littéraires

Denise Martin, de l'université Michel-de-Montaigne, a rendu compte d'une enquête menée auprès d'un échantillon représentatif des bibliothèques publiques concernant l'incidence des campagnes promotionnelles et des prix littéraires sur la demande des lecteurs et l'orientation des acquisitions. Le constat est que les bibliothèques résistent assez bien à ces campagnes. Les bibliothécaires doivent rester prudents et critiques à l'égard du matraquage publicitaire qui déforme l'image de la littérature en célébrant plus souvent l'écrivain que son œuvre. Le bibliothécaire est un passeur de livres, un guide quand on le sollicite, mais jamais un juge. On observe aussi que les jeunes semblent peu concernés par les événements littéraires, d'où l'intérêt de l'organisation d'une manifestation comme le Goncourt des lycéens.

C'est à travers l'offre documentaire et la demande des publics que Nicole Saint-Denis a décrit la présence des littératures à la bibliothèque Mériadeck, de Bordeaux. L'offre y est riche et diversifiée, aussi bien dans les services de lecture publique que dans les services patrimoniaux et régionaux. Elle tend à l'exhaustivité pour la littérature française en général, et la littérature régionale en particulier. Un enrichissement régulier des collections est réalisé chaque année, les fonds sont actualisés, mais le nombre d'exemplaires proposés reste toujours insuffisant. Malgré cela, le domaine littéraire est le plus apprécié du grand public, des étudiants, des érudits, des chercheurs... Mais qu'est-ce que la littérature ? C'est Jean-Paul Michel, éditeur et écrivain, qui répondit à cette question essentielle : pour lui, la littérature est un tissage, une voix singulière... Certains textes marquent symboliquement les événements du temps.

L'empreinte du bibliothécaire

Pour Chantal George, de la bibliothèque de Romorantin-Lanthenay, le bibliothécaire doit laisser une empreinte dans la constitution des collections. Son conseil est donc de faire preuve d'exigence dans l'orientation des acquisitions et de mettre en valeur les éditions confidentielles, les auteurs peu connus ou remarquables, ainsi que les genres littéraires discrets : poésie, nouvelles...

Les missions des bibliothécaires en matière de promotion de la littérature furent rappelées par Claire Daubin, de la Direction du livre et de la lecture : constituer des collections de qualité, promouvoir des textes, former, façonner le goût du public.

De son côté, Dominique Arot, du Conseil supérieur des bibliothèques, a décrit la bibliothèque comme un lieu de mémoire littéraire, un lieu de l'imaginaire. Le bibliothécaire, qui y joue un rôle de veilleur, doit être attentif à la création littéraire, savoir choisir et affirmer ses choix. Joël Guérin, de la bibliothèque universitaire de Bordeaux III, a présenté quant à lui le développement des collections littéraires dans les différentes bibliothèques de l'université de Bordeaux. Quant aux représentants du Goethe Institut de Bordeaux – Jutta Bechstein, Eva Campagne et Philippe-Henry Ledru –, ils ont évoqué la littérature contemporaine allemande et la formation des libraires et des bibliothécaires en Allemagne.

Dans la synthèse de la journée, Jocelyne Hubert, de la bibliothèque de Langon, a conclu en invitant les bibliothécaires à rester vigilants, curieux et attentifs, et à représenter aussi bien la mémoire que la création littéraire.