IDT-Net 1999
Bertrand Calenge
Isabelle Masse
Le 16e Salon de l’information électronique (IDT), couplé avec le Salon de l’Internet et de l'Intranet, s’est tenu à Paris, au Palais des Congrès de la Porte Maillot, du 8 au 10 juin 1999. Cet espace de rencontre demeure un événement incontournable parmi les salons et congrès qui se multiplient autour des métiers de l’information, et connaît chaque année un succès mérité, même s’il semble que l’affluence ait été moindre en 1999. Les très nombreuses sociétés qui gravitent autour des technologies avancées de l’information, ainsi que les organismes publics qui présentent leurs produits, sont un attrait essentiel pour les bibliothécaires et documentalistes qui viennent prendre des contacts, s’informer des derniers développements, mais aussi se rencontrer. Parallèlement, de multiples conférences – coûteuses – sont proposées, et quelques ateliers permettent échanges et débats.
Informer sans enfermer
L’un de ces ateliers, organisé le 8 juin par l’Association des directeurs de la documentation et des bibliothèques universitaires (ADBU), proposait une réflexion sur l’usage des techniques informatiques en vue de mutualiser les moyens et les ressources dans une université, et ainsi proposer une information élargie et cohérente aux multiples acteurs de la collectivité. « Informer sans enfermer », titre de l’atelier, évoque ainsi le décloisonnement de l’accès aux informations sous de multiples aspects, rappelés en introduction par François Lemoine, membre du bureau de l’ADBU. D’une façon interne à l’université, un système d’information mutualise des moyens et des ressources de gestion administrative (via les systèmes APOGEE – gestion des étudiants –, NABUCO – gestion financière, etc.), pédagogique (« polycopiés »…), informatique et, bien sûr, documentaire. Grâce au Web, chaque université peut disposer d’un portail unique offert aux utilisateurs.
Ces fonctions ne sont pas dissociables de la vocation particulière d’un système d’information spécifiquement documentaire. La démonstration en fut apportée par trois témoignages différents, mais animés par les mêmes soucis de lisibilité, d’adaptation et d’ouverture. Anne-Marie Malibert, du SCDU Paris 11, présenta en tandem avec Nicolas Graner, informaticien, l’interface Site Search d’OCLC 1, orientée vers l’interrogation de bases hétérogènes, tandis que Sabine Barral, du Service commun de la documentation (SCD) de l’université de technologie de Troyes, présentait le portail d’accueil élaboré avec la société Archimed 2, et qu’Anne Steiner, du SCD de l’université de Valenciennes, montrait la richesse d’une interface offrant non seulement de la documentation, mais aussi des guides ou des sommaires numérisés. Trois démonstrations séduisantes, dont on aurait aimé connaître les coûts de développement, et surtout dont on remarquait les actuelles limites : les difficultés à établir des liens entre différentes applications (par exemple, entre la gestion financière de NABUCO et les systèmes de gestion des bibliothèques, ou l’intégration technique de l’accès aux réseaux de cédéroms dans ces « portails »), les applications encore peu répandues de la norme Z39.50, les récurrentes questions juridiques des droits d’accès et d’utilisation. Mais on devine combien le service aux usagers peut être enrichi par des innovations inventives (formulaires d’inscription en ligne, accès aux cours jusque-là photocopiés, modules d’autoformation, etc.), combien l’université peut donner par ces outils une unité à des composantes jusqu’à présent bien dispersées, et combien le SCD, par sa connaissance des systèmes de gestion documentaire, est bien placé pour affirmer son expertise centrale dans ces services émergents.
Les professionnels au cœur des réseaux
Une des conférences, organisée le 9 juin, avait pour thème les professionnels de l’information au cœur des réseaux. Quatre témoignages très différents – Elf Aquitaine, le ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), un réseau de directeurs de SCD – ont permis de montrer pourquoi et comment des réseaux de gestion des connaissances avaient été mis en place et quels en avaient été les effets sur l’organisation interne du travail et notamment sur les personnels.
C’est en 1974 que la société pétrolière Elf Aquitaine a créé le réseau IDELFA (Information Documentation Elf Aquitaine), pour fédérer les unités exerçant des fonctions documentaires, a rappelé sa responsable, Élisabeth Gayon. Il s’agissait alors de rendre disponible la documentation externe et interne de l’entreprise à tous les agents où qu’ils se trouvent dans le monde. Il n’y a pas de réseau informatique pour les activités d’information documentaire. IDELFA rassemble les agents exerçant les compétences de l’un ou l’autre des métiers de l’information documentaire, et fonctionne à travers deux types de prestations : des réunions organisées régulièrement sur des thèmes d’actualité, et des outils communs tels la base bibliographique Libra, un bulletin de liaison, un annuaire des compétences des métiers de l’information documentaire. Un réseau intranet permet aujourd’hui d’unifier ces outils et de resserrer le maillage des compétences.
Fort différent est le cas du ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement, où la situation était presque sinistrée. Pour Chantal Guichenu-Horaist, de la mission de la documentation, il a fallu établir la complémentarité de structures de tailles diverses et très disparates, mettre en place des pôles documentaires thématiques et rendre cohérent le système informatique. À la difficulté de recruter des professionnels, des réponses ont été apportées par la mise en place d’un statut de chargé d’études documentaires, la gestion professionnelle des agents, une politique de formation. Des réseaux fonctionnels et territoriaux ont pour mission de décloisonner les personnels par la création de clubs d’échanges, qui eux-mêmes organisent des actions de formation et participent à l’évolution des outils documentaires. Un répertoire des unités documentaires et un répertoire des périodiques permettent de partager les ressources.
Afin de mieux gérer le flux d’informations produites par les chercheurs, un partenariat documentalistes/chercheurs pour une gestion en réseau de l’information scientifique a été mis en place à l’INSERM. Le Département de l’Information scientifique et de la Communication (DISC), représenté ici par Nicole Pinhas, a adopté une organisation en réseau (DISC-DOC) afin de s’adapter à Internet. Trois composantes – scientifiques, ingénieurs en information scientifique et technique (IST), informaticiens – collectent les informations (références bibliographiques, interrogations multibases, documents internes, données cliniques, adresses Internet) et les retravaillent, à l’aide d’outils fiables, opérationnels, simples, adaptés aux besoins. Partenaires actifs, architectes de la structure des bases de travail, les ingénieurs en IST ont vu leur fonction valorisée et leur travail reconnu.
L’animation et la direction d’un SCD nécessitent des compétences administratives, bibliothéconomiques, et une connaissance technologique qui ont conduit les directeurs de la Région Rhône-Alpes à créer en 1992 un groupe informel baptisé GRADUEL (Groupe Rhône-Alpes des directeurs de la documentation universitaire et de la lecture), dont Frédérique Molliné, du SCD Lyon 3, a retracé le parcours historique. Ce groupe répondait au besoin de mise en commun des capacités, d’échanges d’information et d’harmonisation – par exemple pour les projets d’informatisation. Un autre besoin était de pouvoir discuter et échanger sur les relations avec la hiérarchie universitaire, sur les informations en provenance du ministère ou des collectivités locales ; enfin il devenait nécessaire de débroussailler le maquis de la formation. Un positionnement commun et le fonctionnement en réseau ont eu des conséquences positives : le groupe a commencé à être connu au niveau du ministère et de la Région, à être représenté dans différentes instances et à y exposer des projets.
Comme le fera remarquer Dominique Velten, de Bayard Presse, la mise en place de réseaux – dont le fonctionnement tient souvent au dynamisme, au savoir et au savoir-faire de ceux qui les animent – a favorisé les échanges et la formation des personnels, valorisé les métiers, et surtout, les a fait (re)connaître aux yeux d’une hiérarchie trop souvent indifférente.