Connaître les publics
savoir pour agir
De contrats d'objectif en tableaux de bord, de statistiques de fréquentation en indicateurs de résultat, d'indices de satisfaction en critères d'analyse de la demande, il n'est plus un bibliothécaire, il n'est plus une bibliothèque, semble-t-il, qui n'échappe à une mesure fine, précise, objective de ses activités, qui ne doive évaluer en permanence son public, ses publics.
Que ce soit voulu ou non, il apparaît comme une évidence que les connaissances dans ce domaine restent encore le plus souvent assez faibles. Une fois de plus, la collection « La Boîte à outils », avec ce numéro dont le sous-titre ressemble à une incantation, s'efforce de répondre à une question qui se pose avec acuité à des professionnels confrontés à l'obligation de porter une attention permanente et exigeante aux besoins d'usagers réels ou potentiels.
Diversité des approches
Le premier mérite de l'ouvrage est de rassembler des contributions qui relèvent d'une approche théorique ou méthodologique, et des relations d'expériences par des praticiens très avertis.
Marie-Hélène Knig problématise la question de la connaissance des publics en établissant un lien fort avec celle de l'évaluation du service public. Elle insiste sur l'importance du contexte dans lequel agissent les bibliothécaires en démarquant la démarche française du modèle américain. Elle souligne les vertus d'une approche aussi volontariste que pragmatique et définit avec clarté un champ méthodologique qui d'ordinaire épouvante le profane.
La partie centrale de l'ouvrage rédigée par l'équipe CAUTIC (Conception Assistée par l'Usage pour les Technologies, l'Innovation et le Changement), de Grenoble, apporte un éclairage original sur le rôle des bibliothèques dans le domaine de la médiation culturelle, sans omettre de rappeler que « l'offre de service dans les bibliothèques n'est pas universelle ». Autrement dit, qu'il s'agisse de penser l'évaluation des usagers au moment de la programmation d'une construction, comme le fait Véronique Chabbert pour la bibliothèque de l'université de Paris 8, ou de procéder à une enquête sur les publics, comme celle que présente Philippe Debrion à partir du travail effectué à Saint-Quentin-en-Yvelines, on ne parvient à un résultat efficace que si le contexte de l'opération est bien pris en compte et si les objectifs visés consistent à respecter un équilibre entre l'offre et la demande, et à améliorer la qualité du service.
Un exercice difficile
A cet égard, l'ensemble des études montre assez combien il convient de réduire le plus possible l'écart entre une méthode, dont Sophie Tiévant explique qu'elle gagne toujours à être complétée par d'autres techniques, et des procédés opérationnels qui, chaque fois qu'ils sont mis en oeuvre avec rigueur, comme à la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette, ainsi que le rapporte Olivier Las Vergnas, conduisent à susciter de « nouvelles démarches des usagers ».
On en viendrait presque à regretter que la réflexion par trop générale de Bertrand de Quatrebarbes sur les bibliothèques ait été placée au début de l'ouvrage. Présentée comme un plaidoyer en faveur du « marketing de service public », elle donne l'impression d'énoncer des propositions que les articles qui suivent ne confirment pas nécessairement.
Dans ces conditions, outre les nuances que chaque contributeur mentionne comme autant de balises pour un exercice somme toute risqué, il est important d'avoir aussi accordé une place à la législation et à la réglementation utile rappel formulé par Fatima Hamdi, et à la normalisation.
La précision des exposés, la clarté du propos, la force de conviction de chacun des auteurs, ajoutées à la présence d'un mémento très réussi, font de ce livre un outil désormais essentiel. Tirant profit d'une documentation de plus en plus abondante sur le sujet, il vulgarise à bon escient une démarche complexe, sans en dissimuler les obstacles et les limites.