Le triomphe de l'édition
histoire du livre, vol. 2
Bruno Blasselle
Cet ouvrage, second volume d'une Histoire du livre 1 au « format de poche » publiée chez Gallimard Jeunesse en 1997, est dû à la plume de Bruno Blasselle, auteur de La Bibliothèque nationale de France, mémoire de l'avenir, paru dans la même collection 2 et que l'on vient de rééditer.
Il faut à nouveau souligner l'originalité de l'illustration et le choix des témoignages qui constituent une partie intéressante de l'ouvrage, structurée de façon assez attendue suivant quatre thèmes : les éditeurs, les libraires, les auteurs et les lecteurs. Quant à la présentation générale du volume, elle est fidèle au parti pris de la collection qui s'adresse en priorité à un public jeune. Les lecteurs de cette collection, s'ils sont habitués aux pages Web et au multimédia, ne seront pas déroutés par l'interpénétration du texte compact et des images sans encadrement.
Le livre en France
Dans le premier volume, l'auteur retraçait, au fil des pages, l'évolution du livre depuis l'Antiquité jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Ses différents aspects (support, écriture, fabrication, reliure, illustration, etc.) étaient abordés de façon succincte mais précise. Le parcours se faisait à grandes enjambées.
Le second volet ne couvre que deux cents ans. Le tour de force présenter en cent soixante pages la réalité foisonnante de deux siècles de mutations semble donc moins spectaculaire, mais il n'en reste pas moins redoutable.
On pourra regretter que l'accent ait été mis uniquement sur les évolutions du monde européen, et presque exclusivement sur le cas français. Il suffit pour s'en convaincre de parcourir rapidement la table des matières et de lire les titres des rubriques : « Voyages dans l'ancienne France, Michel Lévy, Hachette, Mame, Jules Verne, Bonjour tristesse ». Dans le texte lui-même, seules quelques phrases situent ces très « hexagonales » références dans un contexte plus large.
Un siècle de transformation
En suivant un découpage à la fois chronologique et thématique, les cinq chapitres nous permettent de parcourir les principales transformations du monde du livre entre 1800 et 1998. Après quelques pages qui rappellent les progrès de l'urbanisation et de l'alphabétisation, le premier chapitre intitulé « Un siècle de transformations » est consacré à l'imprimerie et plus largement à la fabrication des livres au XIXe siècle, une époque où « la mécanisation depuis la production du papier jusqu'aux opérations de reliure est placée sous le signe de l'invention permanente ». Du coup, l'activité débordante des presses ne semble plus devoir se ralentir. Elle s'accompagne de la disparition de l'atelier traditionnel et d'une spécialisation des tâches.
Dans le chapitre suivant, on découvre ce nouvel acteur-clé du monde du livre qu'est devenu l'éditeur, « intermédiaire intelligent entre le public et tous les travailleurs qui concourent à la confection d'un livre » 3. Ayant, en quelque sorte, pris la place du libraire-éditeur de l'Ancien Régime typographique, il joue désormais un rôle essentiel : il contrôle de son bureau toutes les étapes de la publication d'une oeuvre. Auteurs, libraires et imprimeurs sont relégués au second plan. Le chapitre « Toutes sortes de livres » montre comment l'élargissement des publics et les nouvelles possibilités qu'offre la mécanisation de la production amènent une diversification plus grande des contenus. Livres scolaires, livres bien-pensants, romans, livres pour enfants, dictionnaires, livres d'histoire, livres de vulgarisation scientifique, ouvrages pratiques se développent parallèlement, cette diversification s'accompagnant de la spécialisation des maisons d'édition.
Que sont les livres devenus ?
La première moitié du XXe siècle est placée sous le signe de la littérature ou plutôt des « littératures », l'essor de la radio et du cinéma n'étant ici qu'évoqué. De nouvelles maisons d'édition se créent comme Gallimard ou Grasset et commence alors la course aux prix littéraires.
Le dernier chapitre a un titre poétique et un peu nostalgique : « Que sont les livres devenus ? ». Une première crise est intervenue, dans les années 50, à l'apparition du « format de poche ». Mais, en définitive, l'émergence de ces livres d'un autre type a permis un renouveau de la lecture et a relancé le marché. L'édition électronique provoque une nouvelle rupture.
Au terme du parcours, Bruno Blasselle présente les nouveaux modes de lecture et d'écriture que l'on a vu apparaître durant les vingt dernières années. Le support de l'écriture change, la lecture se modifie. Ces progrès s'accompagnent d'une profonde mutation socio-économique. Les éditeurs n'ont plus le rôle vedette. La fonction dominante, qui était remplie par l'éditeur ou l'entreprise éditoriale, est passée aux mains du distributeur. Le livre désormais est largement concurrencé. Les serveurs électroniques se préparent à dominer le monde de l'information et des médias.
Même si l'ouvrage se termine sur l'évocation du « plaisir de la lecture associé à la forme traditionnelle du livre », même si la quatrième de couverture nous rappelle que « le livre a encore de beaux jours devant lui », on devine une pointe de mélancolie dans les dernières pages de cette Histoire du livre.