Les bibliothèques départementales de prêt dans la société de l'information

Annie Le Saux

Le lieu était bien choisi pour traiter de la société de l’information : l’Institut international de la prospective, près du Futuroscope de Poitiers, a accueilli du 12 au 14 novembre 1998 les directeurs de bibliothèques départementales de prêt pour les douzièmes journées de leur association 1. Partant d’un état des lieux, où l’on constate que les BDP sont encore peu engagées dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ces journées se sont voulues informatives, pédagogiques et incitatives.

Des actions à différents échelons

Interprète de la politique de l’État face à la société de l’information, Jean-Claude Van Dam, de la Direction du livre et de la lecture, insista sur le rôle essentiel des BDP dans l’aménagement du territoire 2. Le ministère de la Culture et de la Communication entend faire participer les BDP, bien implantées dans le tissu local, à l’une de ses priorités, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

Pour ce faire, l’État a entrepris de favoriser l’accès au contenu multimédia francophone et d’inciter les bibliothèques à créer des contenus sur le Web, par le biais de la numérisation d’ouvrages anciens, de cartes postales, de la presse locale… Parmi les actions menées par la DLL et la Datar (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale), citons l’appel à projet aux communes de moins de 5 000 habitants, lancé en avril 1998 pour soutenir l’équipement des bibliothèques en multimédia : sur les 237 dossiers déposés, 98 ont été retenus. Le soutien à la création et au fonctionnement des espaces culturels multimédias (ECM), projet émanant du ministère de la Culture, vise, quant à lui, à offrir l’accès à Internet et à organiser des programmes de formation dans des structures déjà existantes. Parmi les 90 projets retenus, 30 proviennent de bibliothèques.

Syndicat mixte intercommunal à vocation unique, labellisé par le gouvernement, les Inforoutes de l’Ardèche s’appuient également sur les structures existantes, écoles, hôpitaux et, bien entendu, bibliothèques, pour permettre aux habitants d’un département, en l’occurrence l’Ardèche, d’avoir accès aux NTIC 3. Actuellement, 8 centres de communication sont opérationnels – à terme, ce sont 30 centres que les Inforoutes de l’Ardèche envisagent de créer. Parmi les programmes que ces inforoutes développent, l’accès aux NTIC est associé, là aussi, à une réflexion sur les contenus à mettre sur les serveurs. France Télécom a été le premier partenaire de cette entreprise (à raison de 10 MF), suivi par le Département (4 MF), puis par l’État (2 MF) et par l’Union européenne (3 MF).

Autre exemple de sensibilisation des populations rurales aux NTIC, les actions développées par le Centre de ressources multimédias Erasme 4. Service de la communauté des 14 communes du canton de Saint-Laurent-de-Chamousset dans le Rhône, ce centre a un rôle de support et de formation auprès des bibliothèques du canton, relais appropriés, à qui il prête les 200 cédéroms qu’il possède, et qu’il équipe et forme à l’usage d’Internet.

Cédéroms et Internet

Cédéroms et Internet vont de plus en plus faire partie du quotidien des bibliothécaires, les premiers correspondant plus à une lecture loisir et le second à une recherche d’information. La BDP de Meurthe-et-Moselle a, par exemple, intégré à son fonds les cédéroms, qui vivent la vie des autres supports présents en bibliothèques : catalogués, classés, ils sont prêtés comme les livres, les disques et les vidéos.

Internet offre aux bibliothécaires plusieurs sites professionnels, qui furent présentés, sur grand écran, par Dominique Lahary, de la BDP du Val-d’Oise et Alain Caraco, de la BDP de la Savoie : ceux de l’ABF, de l’ADBDP et de l’ENSSIB 5. Hervé Le Crosnier, maître de conférences à l’université de Caen, compléta ces informations en décrivant la liste de diffusion, biblio-fr, dont il est l’actif modérateur 6. Les congressistes non encore équipés en multimédia avaient par ailleurs l’occasion de naviguer sur ces sites grâce aux micro-ordinateurs mis à leur disposition sur le lieu du congrès.

Est-il possible de prévoir jusqu’où les transformations auxquelles les bibliothécaires sont déjà confrontés peuvent aller ? Si l’on en croit François Reiner, nouveau directeur des systèmes d’information à la Fondation nationale des sciences politiques, nous sommes à un tournant, où les pratiques intellectuelles vont changer, où la notion d’auteur va être revue, où la pratique d’accumulation « au cas où », qui aboutit à vouloir tout acquérir, va être remplacée par la pratique du « juste à temps », permise par l’accès, possible techniquement, à n’importe quelle information.

Tout en n’occultant pas ce qui constitue encore et toujours un problème majeur, à savoir la formation, ces journées, associant des intervenants d’horizons divers, ont offert un panel de ce qui se fait et de ce qui peut se faire dans le domaine des NTIC, et ont contribué à mieux identifier les aides et les ressources, dont peuvent bénéficier et auxquelles peuvent participer les bibliothèques. A condition de bien garder à l’esprit la phrase que Jean-Claude Groshens, président du Conseil supérieur des bibliothèques, a prononcée dans son discours d’ouverture : « La responsabilité intellectuelle des bibliothécaires n’a pas à s’effacer devant l’emprise croissante de la technique ».