Les bibliothèques
Anne-Marie Bertrand
Il est rare que des éditeurs non spécialisés et des collections destinées à un large public fassent place à des ouvrages consacrés aux bibliothèques. Seuls les deux précieux livres de Denis Pallier 1 d'une part, de Catherine Gaillard et Jean-Pierre Casseyre 2 d'autre part, viennent confirmer cette exception. On n'en saluera donc qu'avec d'autant plus d'intérêt le petit livre d'Anne-Marie Bertrand qui, dès son introduction, met l'accent sur « la place visible dans l'espace public » qu'occupent aujourd'hui les bibliothèques, qui rend difficilement explicable le dédain de l'édition à leur endroit.
Un pari difficile
Ce type de publication constitue toujours un pari difficile. Comment être concis sans être caricatural ou imprécis ? Comment être didactique sans être sec et ennuyeux ? Comment s'adresser à un large public sur un sujet spécialisé ? On peut l'écrire d'emblée, Anne-Marie Bertrand a parfaitement su relever ce défi en une centaine de pages d'une grande lisibilité, tant par la forme que par le contenu. .
Il semble bien que cette réussite tienne en grande partie au parti pris adopté par l'auteur : situer les bibliothèques, leur histoire, leurs problèmes, leurs perspectives, dans le contexte plus large des évolutions politiques, sociales et culturelles. En témoigne, par exemple, ce qu'écrit Anne-Marie Bertrand à propos des publics : « Décrire les publics des bibliothèques équivaudrait ainsi à décrire la population française ». Autre ligne de force qui sous-tend le propos de ce livre, tenter de décrire pour un public souvent ancré dans une vision obsolète des bibliothèques le « nouveau visage » de ces établissements.
Pour atteindre cet objectif, Anne-Marie Bertrand, qu'elle évoque l'histoire proche ou lointaine des bibliothèques, leur organisation, leurs rôles ou leurs publics, combine astucieusement les analyses générales et les développements propres à chaque type d'institution. La netteté du plan et des objectifs de l'ouvrage, la qualité de l'écriture (style élégant et absence de jargon) et la fiabilité des informations présentées contribuent à en rendre la lecture agréable et pleine de profit. .
S'il arrive que, dans certains ouvrages, le recours trop systématique aux encadrés et aux vignettes oblige le lecteur à d'épuisantes et infructueuses gymnastiques hypertextuelles, il n'en est rien ici : les encadrés viennent avec bonheur aérer et étayer le propos de l'auteur. Une quinzaine de tableaux de chiffres puisés aux meilleures sources illustrent efficacement le propos de l'auteur. Viennent s'y ajouter, également sous forme d'encadrés, de brèves citations, toujours pertinentes, parfois teintées d'humour par les échos ou les contradictions qu'elles suscitent. Enfin, certains sujets sont traités sous cette forme brève et peuvent ainsi être facilement repérés et utilisés par le lecteur. Les références bibliographiques, limitées, mais bien choisies et allant à l'essentiel, sont regroupées en fin de volume.
Une salutaire propédeutique
Les nombreux mérites de cet ouvrage incitent à en recommander la lecture et l'usage tant au large public auquel l'éditeur destine cette collection, mais aussi, bien entendu, à tous ceux qui s'engagent dans une formation de bibliothécaires, pour lesquels il constituera une salutaire propédeutique. Son optique très « transversale » permettra également à des professionnels confirmés de se mettre à l'écoute des problèmes d'établissements et de secteurs dont leurs priorités quotidiennes les tiennent parfois éloignés. Avec ce livre, Anne-Marie Bertrand, en poursuivant avec talent et conviction le cheminement engagé dans ses nombreux travaux antérieurs, présente les bibliothèques comme des lieux de liberté, fortement insérées dans la société et propres à incarner les valeurs de la République. On ne peut que souhaiter que ce manuel fasse à l'avenir l'objet des réactualisions nécessaires et prenne rang de « classique » sur ce sujet.