Editorial
Bertrand Calenge
Pendant longtemps, les bibliothécaires se sont défendus de tout rôle pédagogique, préférant prôner l'autonomie du lecteur face à l'autorité des textes proposés. Mais le public s'est chargé de rappeler que, dans le terme « information », source des services des bibliothèques, il y avait le mot « formation » : la multiplication des documents comme l'apparition des technologies avancées ont introduit la nécessité d'une médiation pédagogique, et ce dans tous les types de bibliothèques.
Pour atteindre les publics, l'offre documentaire seule ne suffit pas, et pas davantage les moyens nouveaux. Les connaisseurs d'Internet n'ignorent pas qu'aujourd'hui la question n'est pas de savoir combien de millions de pages seront accessibles demain, mais quelles seront les aptitudes des utilisateurs à sélectionner les informations pertinentes. Entre prescription et autonomie, il y a aujourd'hui place pour une éducation à l'autonomie.
Des multiples recherches et expériences menées récemment, et qu'on découvrira dans ce numéro, il ressort plusieurs interrogations, et quelques vérifications. Citons quelques conclusions en vrac. Tout d'abord, les formations souvent initiées à cause des outils technologiques touchent très rapidement à la démarche même de recherche documentaire, portant par là sur l'ensemble de l'offre documentaire, et abordant même la réflexion sur les cursus des étudiants. Ensuite, une formation efficace nécessite l'élaboration d'outils nouveaux, qui transforment les traditionnels outils d'information des bibliothèques et encouragent à créer des trames pédagogiques, des référentiels, des guides voire des manuels. Enfin, il apparaît que la formation des usagers, au-delà de la seule utilisation des moyens et outils, ne peut être cantonnée à la seule action des bibliothécaires et au seul territoire de la bibliothèque : les actions réussies sont basées sur des partenariats - notamment entre enseignants et professionnels.
Faut-il ajouter que ces formations mettent en jeu bien davantage que l'utilisation du service d'information ? Dans les universités, on constate qu'une part du succès du système éducatif tient à cette formation documentaire ; peut-être dira-t-on plus généralement que cette question place en première ligne l'intégration du lecteur-citoyen dans la vie de la cité. A ces différents titres, la formation des usagers est appelée à occuper une place éminente dans les services rendus par les bibliothèques, et sans doute également dans la formation même des bibliothécaires.