Rapport mondial sur la communication
les médias face aux défis des nouvelles technologies
Publié, comme le Rapport mondial sur l'information, sous l'égide de l'Unesco, le Rapport mondial sur la communication en est à sa deuxième édition, la première ayant été publiée en 1989, année charnière s'il en est d'un point de vue politique. De fait, et comme le constate l'introduction, « le monde est devenu hybride, à la fois libéré et difficile à saisir ».
C'est toute l'ambition des différents auteurs que de poser les principes et les moyens d'une communication libre, avec des médias indépendants et pluralistes, qui pourraient, par exemple, aider les jeunes démocraties à se développer et à se renforcer, et où l'information pourrait circuler librement. Le vieux rêve d'accès universel aux produits et services est, plus que jamais, à l'ordre du jour, à l'heure de la mondialisation obligée et autoproclamée de la communication.
Un rapport en trois parties
Le rapport est, très classiquement, divisé en trois parties : la première consacrée aux nouvelles technologies, la seconde aux « paysages médiatiques », la troisième aux relations dangereuses ou constructives des médias et de la démocratie. Dans chaque partie, différents auteurs étayent des points de vue qui ont le grand, le très grand mérite, de présenter la situation dans des pays, voire des continents, qui échappent le plus souvent à l'attention et à l'intérêt des chroniqueurs occidentaux.
La première partie n'apprendra que peu de choses au professionnel averti, même si elle a l'intérêt de bien poser la dimension technologique de la circulation de l'information. Rappeler que l'ordinateur est l'« un des grands responsables » des mutations communicationnelles de cette fin de siècle relève du truisme, comme montrer en parallèle le développement des techniques de numérisation et de compression de tous types de données, alliés à la puissance de traitement, en progression quasi-exponentielle, des machines.
De même, l'idée rebattue de la « convergence des télécommunications, de l'informatique et de l'audiovisuel » est maintenant bien connue, sinon avérée. Les auteurs ont cependant l'intelligence de rappeler que cette convergence est avant tout un « construit social », que la technique propose, et que (jusqu'à présent) la société dispose, comme l'éclairera la seconde partie de l'ouvrage.
L'avènement des réseaux
Autre phénomène marqué, l'avènement des réseaux, ceux de la société de l'information (satellite, câble, hertzien, Internet, etc.) et des outils utilisés, « mobiles » et « nouveaux terminaux », au service de ce que l'on devrait plutôt qualifier d'économie de l'information ; celle-ci, en effet, participe au premier rang à la dématérialisation accélérée des échanges commerciaux, phénomène majeur dont les répercussions devraient être plus grandes que les progrès techniques qui l'ont accompagnée, voire permise.
Dans ce monde sans freins, où tous les échanges sont possibles, où les contraintes techniques sont presque abolies, l'idée de régulation a bien du mal à s'imposer. Concilier interventionnisme économique des pouvoirs publics et mécanismes du marché, notamment dans le domaine audiovisuel ou dans le monde de la presse, devient de plus en plus difficile à concevoir, ce qui pose la question de l'avenir d'un service public en ce domaine.
L'accentuation des clivages
Pour les rédacteurs et l'on retrouve en cela la « marque de fabrique » Unesco, tout aussi importante paraît l'accentuation du clivage entre pays industrialisés et pays pauvres, même dans ces domaines, ainsi que, dans chacun de ces pays, entre pauvres et nantis. Là encore, le constat est banal. Le rapport a le mérite de l'étayer, dans sa seconde partie, par une présentation très détaillée de « l'état du monde » dans le domaine de la presse, de la radio et de la télévision.
Caractérisée par le recours accru aux technologies informatiques (numérisation, impression à distance, contrôle par ordinateur du processus de fabrication), l'évolution de la presse est contrastée, marquée par une crise et une baisse de la diffusion dans les pays développés, mais aussi par des initiatives foisonnantes sinon abouties par exemple en Amérique latine ou en Asie. L'édition électronique, que la presse reprend à son compte plutôt que d'en être la victime, pourrait être, dans une situation de recul de l'imprimé, une voie d'avenir.
On pourra trouver curieusement démesurée la part laissée à la présentation de la radio dans le rapport, mais c'est l'un des attraits de l'ouvrage de faire voisiner des considérations techniques sur la diffusion numérique radiophonique et le fractionnement de l'audience avec le compte rendu d'expériences de radio rurale au Sénégal. Gageons cependant que ce ne sera pas le chapitre qui retiendra le plus l'attention du lecteur.
Le chapitre consacré à la télévision est, lui aussi, très détaillé, mais plus à la mesure de l'influence de cette « folle du logis » qui n'en finit pas de diviser ses contempteurs et ceux qui estiment que la télévision peut contribuer au bien-être et au développement des populations. A l'heure de la télévision numérique, de la télévision interactive, les auteurs ne peuvent que constater que, entre multiplication de l'offre et segmentation des programmes, le Paysage Télévisuel Mondial est une cacophonie insigne, étonnante par la diversité bien rendue des situations, mais où les esprits chagrins pourront considérer que, derrière les chiffres et les contrastes, se cache une médiocrité elle bien uniforme.
Les médias et la démocratie
La troisième partie, « Les médias et la démocratie », s'interroge, d'une manière plus générale et là encore plus convenue, sur les grandes questions qui agitent épisodiquement ceux-là mêmes qui en sont les acteurs. Jusqu'où peut aller la liberté de l'information ? Les médias servent-ils la démocratie, ou la propagande ? Les médias sont-ils libres et, si oui, de quoi ? Autant de sujets qui ressemblent fort à des travaux scolaires et qui, de fait, sont traités de manière consciencieuse, synthétique, mais peu originale.
On en retiendra cependant une certaine méfiance à l'égard de la logique de marché qui, en concentrant de manière accélérée l'ensemble des moyens de communication et de production des données entre les mains de petits groupes à l'échelle mondiale, ne peut guère favoriser le pluralisme et la transparence réclamés par ailleurs, sinon de manière factice. On retrouve l'idée de « confusion des genres », où obligés et obligeants se trouvent prisonniers d'une toile inextricable, où l'objectivité n'a plus guère de place.
Au final, les auteurs prônent, entre marché et État, une « troisième voie » bien hypothétique, et que, d'une certaine manière, les faits exposés, les chiffres rapportés, sinon contredisent, du moins ne laissent guère entrevoir.
Le Rapport mondial sur la communication ne prétend pas apporter, sur tous les sujets abordés, des éléments neufs ou décisifs, même si certaines données statistiques sont rarement collectées ailleurs. Il s'agit plutôt d'une mise au point claire et concise, qui, en tant que telle, pourra être une aide à l'étudiant ou au professionnel, structurant autant que faire se peut l'appréhension d'un monde informationnel en désordre avancé, sans perspectives d'avenir claires ou viables, et où nombre de questionnements sont, ailleurs, escamotés ou traités d'une manière superficielle.