Livre, édition, bibliothèques, lecture durant la guerre froide
Fabrice Forest
Anne Kupiec
Le colloque « Livre, édition, bibliothèques, lecture durant la guerre froide » s’est tenu à Paris les 11 et 12 juin derniers. Organisée par la Table ronde « Histoire des bibliothèques » de l’ifla, l’enssib (École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques) et Mediadix, cette rencontre, qui a réuni cinquante personnes, a permis d’aborder des aspects parfois méconnus de la censure et de l’instrumentalisation du livre. Ont également été étudiés des thèmes quelquefois passés sous silence durant la période s’étendant de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la chute du monde communiste. Les contributions 1 se sont organisées autour de trois pôles : bibliothèques, édition et lecture.
Les bibliothèques comme enjeu idéologique
L’exposé introductif de Donald G. Davis, de l’université du Texas, à Austin, a bien montré, à partir de l’examen des sources imprimées de l’ifla depuis 1946, la quasi-imperceptibilité des oppositions politiques et idéologiques entre l’Est et l’Ouest. Quand les événements s’imposent aux membres réunis en congrès annuel, son déroulement n’est guère modifié, que ce soit en août 1968 au moment de l’intervention soviétique à Prague, ou en août 1991, à Moscou, au moment du putsch des opposants à la libéralisation. Selon Donald G. Davis, c’est une « façade de professionnalisme » qui permet aux membres de l’association de trouver des points d’accord.
Mais il peut arriver que la bonne entente se rompe. En 1985, au Congrès de Chicago, le président de l’ala (American Library Association) proteste contre la présence de délégués de la République d’Afrique du Sud, tandis que Daniel J. Boorstin – bibliothécaire du Congrès – donne une communication sur le « mythe des échanges culturels » et souhaite qu’il soit mis fin à la censure des livres et des idées en urss. Ces deux interventions, parce qu’elles s’éloignaient des questions professionnelles et abordaient le domaine politique, provoquèrent un tollé.
Les conceptions du pouvoir politique ne sont pourtant pas sans effets sur la situation du livre et des bibliothèques, que ce soit en Chine ou aux États-Unis. En ce qui concerne la République chinoise, Cheng Huanwen, de l’École des sciences de l’information de Guangzhou, montra comment les bibliothèques publiques avaient fortement subi l’influence américaine dans la première moitié de ce siècle avant de passer – de 1949 à 1965 – sous l’influence soviétique. Le conflit territorial qui opposa la Chine à l’urss mit fin à ces échanges. C’est à ce moment-là que les débuts de la Révolution culturelle firent des bibliothèques un enjeu idéologique majeur conduisant à leur fermeture et à la persécution des bibliothécaires. Ce n’est qu’après la mort du Président Mao que les bibliothécaires chinois se tourneront, à nouveau, vers les États-Unis, important les normes américaines de catalogage et participant aux travaux de l’ifla à partir de 1981.
Pour autant, les bibliothécaires ne sont pas toujours sourds aux enjeux politiques et aux prises de position qu’ils exigent dans certains cas. La communication d’Edward Kasinec, de la New York Public Library, fut un exercice de mémoire. Il montra comment la fréquentation de la Bibliothèque Lénine, alors qu’il était étudiant à Moscou, en 1971-1972, lui apprit que livre et lecture étaient des questions sensibles. L’identification des documents était contrôlée par l’existence de catalogues et de bibliographies sélectifs et aux thèmes limités, seuls accessibles au public. D’autres, plus complets et aux classements plus maniables, étaient à l’usage exclusif des bibliothécaires. Les documents demandés devaient impérativement correspondre à la recherche déclarée tandis que leur reproduction était interdite.
Louise S. Robbins, de l’université de Madison, dans le Wisconsin, s’attacha à rappeler la réaction de bibliothécaires américains au maccarthysme. L’ala avait adopté, en 1948, une Déclaration des droits des bibliothèques (Bill of Rights for Intellectual Freedom), mais dès 1950, des bibliothécaires furent invités à retirer des documents considérés comme subversifs, puis les collections des bibliothèques américaines à l’étranger furent visées. L’ala lança alors une forte campagne de sensibilisation en faveur de la liberté de lecture majoritairement soutenue par les bibliothécaires de lecture publique, bientôt suivie par des associations d’éditeurs, de libraires, de juristes et de journalistes. En 1953, un manifeste est rédigé – The Freedom to Read – et publié par de grands quotidiens (New York Times), et des hebdomadaires (Time, Newsweek) : bibliothécaires et éditeurs apparurent ainsi comme les plus fermes défenseurs de la liberté intellectuelle.
Durant cette même période, les publications pour enfants firent aussi l’objet de censure. Christine Jenkins, de l’université d’Urbana-Champaign, dans l’Illinois, fit une présentation des bibliothécaires américains des services jeunesse. A la fois sensibles à la création de l’onu (Organisation des Nations Unies) et de l’Unesco et favorables à la compréhension internationale, ils durent aussi faire face aux réactions de nombreuses associations qui lancèrent des campagnes anticommunistes confortées alors par les déclarations du Président Truman. C’est ainsi que des livres comme A Fair World for All de Dorothy Canfield, Partners : The un and Youth d’Eleanor Roosevelt furent proscrits par ces associations. La réaction des responsables du service jeunesse de l’ala fut d’abord la stratégie de l’ignorance afin de résister à ces associations. Cependant, il fallut des réponses de plus en plus argumentées au fur et à mesure que des attaques se firent plus virulentes : certains albums étaient considérés comme de « la propagande rouge ». Ce fut le cas pour The Two Reds et Finders Keepers de William Lipkind et Nicolas Mordvinoff publiés respectivement en 1950 et 1951 et qui avaient tous deux été lauréats d’un prix.
Publier pendant la guerre froide
Plusieurs communications traitèrent ensuite de la situation de pays sous contrôle soviétique en tentant de proposer de nouveaux modes d’étude des pratiques de censure.
La contribution de Kai Ekholm, de la bibliothèque de l’université de Seminaarinkau, concerna la censure politique dans les bibliothèques finlandaises entre 1944 et 1946. Quelques centaines de titres durent être retirés des rayons. Mais au-delà de ce constat, son propos mit en lumière les pratiques des bibliothécaires qui, à travers les acquisitions, ou plutôt leur absence, censurèrent les ouvrages susceptibles de provoquer des désaccords. De manière plus générale, il proposa, pour étudier de façon renouvelée les phénomènes de censure, de mettre en œuvre une approche herméneutique.
Oskar Stanislaw Czarnik, de la Bibliothèque nationale de Varsovie, fit une analyse minutieuse du contrôle de la communication littéraire dans la Pologne des années 1945-1956. Il montra bien comment celui-ci pouvait s’effectuer très en amont par l’encadrement de la production de papier, du fonctionnement des imprimeries et du tirage des livres et des périodiques. Le contrôle s’effectuait aussi par l’exclusion de titres de périodiques et de livres de recueils bibliographiques alors publiés. Furent ainsi rendus invisibles : British Book News, The New York Times Book Review ou encore The Times Literary Supplement, les ouvrages de Céline, Gide, Huxley, Malraux ou Heinrich Mann, par exemple. De manière complémentaire, des ouvrages déjà publiés firent l’objet de retraits : Dickens, Balzac ou London, mais aussi Sartre et même Brecht. Il précisa que, pendant cette période, la lecture pouvait rester un lieu d’asile puisque les bibliothèques personnelles étaient intactes, enrichies parfois par de nouveaux textes recopiés à la main.
Jirina Smejkalova, de l’université de Durham, s’intéressa à la censure des livres tchèques. L’intervention de l’État dans l’édition, précisa-t-elle, ne fut pas uniquement communiste, elle existait déjà entre 1918 et 1938, même si elle présentait alors des caractéristiques différentes. Elle rappela, évidemment, que des listes d’ouvrages interdits furent dressées à la fin des années 40, des éditeurs privés furent évincés et remplacés par des structures éditoriales étatiques, notamment dans le domaine de la littérature pour enfants et dans celui de la littérature étrangère. Ce qui eut pour effet de diminuer le nombre de titres publiés tandis que le nombre d’exemplaires augmentait.
Après 1968, le contrôle porta aussi sur l’approvisionnement en papier ; des auteurs, des traducteurs furent exclus de l’Union des écrivains. De surcroît, il était alors impossible de feuilleter les livres avant de les acheter, excepté dans les librairies d’occasion qui le permettaient. L’augmentation du prix du papier, l’inadéquation entre l’offre et la demande créèrent, dans les années 80, des dysfonctionnements qui favorisèrent les échanges de livre au marché noir et accrurent considérablement les stocks d’invendus dans les dépôts des éditeurs d’État. Elle souligna qu’en dehors de l’édition officielle, subsistèrent, pendant toute la période, des textes autopubliés par des cercles dissidents et clandestins. Les propos de Jirina Smejkalova furent ambitieux. Le censeur n’est pas un agent autonome dont il faudrait se débarrasser pour régler le problème de la censure. Le concept de censure, ajouta-t-elle, autorise aisément un portrait de livres brûlés, d’auteurs décimés et de lecteurs décervelés. Au-delà de ces images qui choquent, il est nécessaire de discerner la complexité pour mieux rendre compte du phénomène qu’est la censure.
Les tensions entre l’Est et l’Ouest prirent des formes variées. Ainsi, Mary Niles Maack, de l’université de Californie, à Los Angeles, s’intéressa à la diffusion des livres en tant qu’instruments de la diplomatie américaine dans l’Afrique francophone. Dans une contribution très documentée, elle compara l’action des Américains, des Britanniques et des Français en termes d’ouverture de bibliothèques à l’étranger. Christine Martin montra comment la revue Les Temps modernes se situait au cœur des oppositions résultant de la guerre froide à la fois par la composition de l’équipe rédactionnelle et par les choix éditoriaux.
La contribution de Thierry Crépin, du lycée Guy Mollet, à Arras, porta sur le Comité de défense de la littérature et de la presse pour la jeunesse (cdplj), créé en juillet 1949 sous l’influence du Parti communiste français. Ce comité tenta de résister à l’accroissement des publications d’origine américaine (Le Journal de Mickey), ou de celles qui s’en inspiraient, afin de lutter « pour l’amélioration de la littérature de jeunesse et contre la corruption de la presse enfantine ». C’est sans doute grâce à cette action, entamée dès les années 30, que la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse introduisit le délit de démoralisation de la jeunesse par voie de presse.
Cette première journée se révéla fort riche d’apports multiples, qui montrèrent, de manière complexe et nuancée, que le livre – l’imprimé en général – constitue un enjeu politique considérable particulièrement visible en période de tensions.
Méfiances et croyances dans le pouvoir de la lecture
Les interventions de la seconde journée du colloque furent particulièrement riches en réflexions sur l’ampleur des effets persuasifs attribués à la lecture par les autorités politiques des deux blocs, sur l’instrumentalisation des bibliothèques pour maîtriser ces effets au service de la lutte idéologique, et sur les conditions de réception des textes par les publics.
Pour Martin Meyer, dès l’après-guerre, Russes et Américains, chacun dans leur zone d’occupation, investissent d’importants espoirs de rééducation de la population allemande grâce au livre. Ils espèrent la conversion idéologique des intellectuels pour en faire des leaders d’opinion au service des systèmes communiste ou capitaliste. Alors que la politique de diffusion littéraire des Russes convoite les « intellectuels bourgeois », celle des Américains, à travers l’action des Armed Services Editions (ase) et des Overseas Editions (ose), s’adresse plus spécifiquement à « la gauche non communiste ». Dans cette « guerre des idées » livrée à la politique culturelle soviétique, la diplomatie américaine fait du livre une arme au service de la « propagation des principes démocratiques » : pour la cia, les pouvoirs persuasifs de l’écrit ne font aucun doute, « avant tout par le fait qu’un seul livre peut provoquer chez le lecteur une modification radicale d’attitude et de comportement, et d’une ampleur qu’aucun autre moyen ne peut à lui seul égaler » 2. Les conséquences de ces politiques d’américanisation culturelle sur la production littéraire et sur l’évolution des goûts culturels en Allemagne et en Europe restent à étudier.
L’échange culturel, surtout bibliothéconomique, est donc un « instrument de bataille » essentiel dans la stratégie de consolidation des deux blocs en direction de pays souvent ennemis pendant la Seconde Guerre mondiale : Ilkka Makinen a décrit la mise en place du programme asla (Grants from Finlands American Loans) d’aide culturelle américaine à la Finlande. Dès les années 60, alors que la propagande avait privilégié les médias de masse pour une « information de courte durée », le livre s’impose dans un objectif d’éducation de l’opinion pour faire de la Finlande un « pays démocratique occidental » : les dispositions américaines sur l’échange culturel international assurent au livre la fonction de transmission d’un message « plus durable et plus influent que l’information transmise par un média plus immédiat, comme la radio ».
Par le renforcement de la censure à partir des années 60, caractérisée par l’interdiction de la plupart des livres étrangers et par la diffusion massive des textes socialistes, le pouvoir soviétique, souligna Valeria Stelmakh, espère « freiner la décomposition » de l’urss. Cette censure est profondément intégrée dans la société russe où éditeurs, libraires, bibliothécaires et lecteurs la pratiquent spontanément. L’édition d’État, touchant une majorité de lecteurs, infiltre la culture de masse en véhiculant des valeurs conformes à l’idéologie soviétique : « Elle loue le culte du travail au nom de l’État et elle blâme le repos et la distraction. Ainsi la littérature soviétique de masse contredit l’esprit même de la culture de masse ». Cette propagande socialiste enracine dans la mentalité du « lecteur soviétique » la « perception orgueilleuse » d’une culture socialiste supérieure. Pour empêcher la familiarisation des lecteurs « avec l’avant-garde qui diffuse un nouveau type de mentalité, de perception du monde, du comportement social », les bibliothécaires doivent contrôler les lectures non conformes qui menacent la culture socialiste des individus.
Des bibliothèques pour maîtriser les effets de la lecture
Dans l’importance stratégique des politiques de diffusion du livre, les bibliothèques sont investies d’un rôle de persuasion massive de l’opinion avec, selon les camps, des conceptions différentes retracées par l’exposé de Pamela Spence Richards. Suspicieuse à l’égard des livres, l’urss soumet les bibliothèques à la propagande du parti pour améliorer « la conscience politique des masses ». Les bibliothécaires étrangers sont formés comme des « agents actifs de la lutte des classes ».
A l’opposé, les États-Unis conçoivent leurs bibliothèques fédérales en « forums de la diversité intellectuelle » devant inciter les citoyens à la lecture pour conforter la république. Cependant, la diffusion des livres d’inspiration socialiste est étroitement surveillée par des bibliothécaires très coopérants sous la pression populaire anticommuniste, souvent raciste, d’organisations patriotes qui attribuent aux livres d’énormes pouvoirs subversifs : « Les livres sont dangereux. Ils provoquent des révolutions » 3. La politique extérieure en matière de bibliothèques appuie la diffusion des techniques d’information américaines pour supplanter la bibliothéconomie soviétique.
Conscients des performances de la technologie et des systèmes d’organisation bibliothéconomiques occidentaux, les Russes s’en inspirent, expliqua Boris Volodin, tout en combattant l’idéologie « bourgeoise » qu’ils servent : en 1950, la bibliothéconomie française est même dénoncée pour sa soumission à un gouvernement « réactionnaire » et sa prosternation « devant les patrons américains de Wall Street et leur culture ». L’importance de la bibliothéconomie dans la rivalité des deux superpuissances était déjà présente dans les instructions de Lénine, pour qui les bibliothèques doivent « savoir se débarrasser de leur tendance réactionnaire et mener la lutte contre toute la ligne des forces et des classes qui nous sont hostiles » 4.
Examinant les fonds des principales bibliothèques universitaires et de recherche chinoises, Priscilla C. Yu a décrit leur mission dans la construction de la République populaire de Chine avec l’aide bibliothéconomique des Russes dès 1950. En censurant les livres contraires à l’élaboration du socialisme, les bibliothèques doivent s’opposer au « capitalisme, au féodalisme, à l’idéalisme, à l’impérialisme et à l’individualisme » 5. La prééminence des ouvrages techniques et scientifiques socialistes, provenant essentiellement d’urss jusqu’en 1974, traduit la volonté d’une contribution productive à l’économie par la formation d’un personnel socialiste au service du développement national. Cette raison d’État explique le « déni d’accès égal de la Chine aux ouvrages et connaissances étrangers » pendant la guerre froide.
Lectures dans le débat public
La méfiance des pouvoirs politiques envers la lecture n’est pas totalement injustifiée, comme le montra Valeria Stelmakh dans son analyse du développement du marché noir des livres, les samizdats, véritables « actes de résistance » idéologiques impliqués dans la désintégration de l’urss : « La croissance et la différenciation des demandes des lecteurs et des besoins d’information – ce véritable élan culturel – ébranlent la base du pouvoir et de son idéologie ». Les samizdats, dont l’origine remonte aux censures révolutionnaires de 1917, révèlent une culture « de l’ombre » qui répond aux « besoins réels » d’une « intelligentsia » lettrée et avant-gardiste. Dans les années 60, ils confortent les « leaders culturels opposés au pouvoir répressif » et conservent « le potentiel culturel et moral de la société » : ils incarnent une phase de « réappropriation » de « l’héritage culturel inconnu ». Dans les années 80, la tendance plus politique des samizdats trahit « la formation d’une opinion publique indépendante ».
En France, Bernard Pudal décrit le « dispositif politico-symbolique » qui permet au Parti communiste, au moins jusqu’en 1956, de neutraliser l’influence des textes critiques à l’égard du socialisme, « redéfinis dans la catégorie du faux », par projection d’une suspicion morale et politique sur leurs auteurs. Dans un contexte de guerre civile idéologique qui politise toute prise de position, ce dispositif repose sur les inclinations communistes des intellectuels qui refoulent leurs facultés critiques traditionnelles en déléguant le jugement des textes à leur camp idéologique. Une sociologie approfondie du champ intellectuel français pendant la guerre froide permettrait de mieux comprendre ces processus de « remise de soi » à une conformité idéologique tenue pour « vraisemblable ».
La réception française du livre d’Arthur Kœstler, Le Zéro et l’infini 6, analysée par Martine Poulain, exacerbe les tensions en proposant une réflexion sur les dérives du régime soviétique et sur l’existence individuelle dans les enjeux politiques. Les communistes, qui persistent à croire en leur idéal et refusent l’évidence d’un totalitarisme dénoncé par les textes, adoptent la « stratégie du soupçon » pour en discréditer l’auteur, ancien communiste considéré comme renégat au service de l’impérialisme étranger et d’un art réactionnaire. Pourtant, la modération des revues Esprit et Les Temps modernes dans leurs critiques du roman, entre « les tares du capitalisme et les abus du communisme », démontre l’existence d’une intelligentsia intermédiaire. Le livre de Kœstler révèle la diversité des horizons d’attentes politiques d’un lectorat critique et indécis cherchant « à se forger une opinion par la lecture d’un livre ». En cela, il est « un exemple majeur du rôle de la lecture comme exercice public de la raison » 7