Usages et usagers du multimédia en bibliothèque

Une enquête à la médiathèque de Nancy

Claude Poissenot

L'introduction du multimédia en bibliothèque suscite de nouvelles questions concernant le public. Quel est le public usager de ce nouveau service ? Comment varient les usages de ce service selon les caractéristiques des usagers ? Comment s'articulent pratiques de lecture et consultation des cédéroms ? Une enquête sur les usagers de cédéroms à la médiathèque de Nancy apporte quelques éléments de réponse. Le choix des cédéroms et la façon dont est utilisé ce service diffèrent selon que le public est actif ou non et selon la nature de la formation suivie. Loin d'être antagoniques, lecture et consultation de cédéroms semblent se cumuler.

The introduction of multimedia into the library raises new questions concerning the public. Who is the user of this new service? How can the uses of this service be varied according to the characteristics of users? How can the reading and consultation practices of cd-rom users be articulated? An inquiry into the users of cd-roms in the Nancy «médiathèque» offers some responses to these questions. The choice of cd-roms and the way in which this service is used differs according to whether the public is active or not, and according to the nature of training followed. Far from being antagonistic, reading and consultation of cd-roms seem to be concurrent.

Die Einführung von Multimediaträgern in die Bibliothek wirft neue Fragen bezüglich der Benutzer auf. Welche Benutzer greifen auf dieses neue Angebot zurück? Wie unterscheidet sich die Wahrnehmung dieses Angebotes in Bezug auf die Charakteristiken der Benutzer? Wie äußern sich die Lesegewohnheiten und die Benutzung der cd-roms? Eine Untersuchung der Benutzer von cd-roms in der Mediathek Nancy ergibt gewiße Ansätze für Antworten. Die Wahl der cd-roms und die Art, wie dieses Angebot genutzt wird, unterscheiden sich dahingehend, ob die Personen im Berufsleben stehen oder nicht und welche Ausbildung sie genossen haben. Weit davon entfernt gegensätzlich zu sein, scheint sich Buchlektüre und Benutzung der cd-roms zu ergänzen.

L’informatique a connu une forte croissance au cours des quinze dernières années. Les ordinateurs se rencontrent de plus en plus souvent dans les entreprises mais également chez les ménages. Les bibliothèques ne restent pas à l’écart de ce processus de diffusion d’une nouvelle technologie de l’information. Dès la fin des années 80, les premiers postes destinés à l’usage de logiciels par le public étaient mis en place dans certaines bibliothèques. Aujourd’hui, la technologie informatique multimédia, qui repose sur la réunion du texte, de l’image et du son, commence à entrer dans les murs des bibliothèques publiques françaises.

Avec le développement de ce secteur, les bibliothécaires se heurtent à de nouvelles questions : faut-il sélectionner l’offre d’informations (sites Internet, cédéroms) et comment ? Quels sont les circuits d’approvisionnement propres à ces nouveaux supports ? Comment traiter ces nouveaux documents ? Comment mettre à disposition du public ces sources d’informations ?

En tant que sociologue, nos interrogations seront différentes mais pas contradictoires avec celles des bibliothécaires. Quels sont les publics de cette nouvelle technologie ? Quels sont les usages qu’ils en font ? Quels sont les rapports entre les comportements de lecture et la façon dont les usagers s’approprient ces ordinateurs ?

Recueil des données

Avant d’entrer dans l’analyse des résultats de l’enquête 1, il convient de présenter les conditions du recueil des données de façon à délimiter le domaine de leur validité. L’enquête a été réalisée entre septembre 1996 et février 1997 au troisième étage de la médiathèque de Nancy. Les postes de consultation des cédéroms ont été placés dans la salle qui rassemble des usuels et des ouvrages généraux. C’est une salle de travail fréquentée majoritairement par des lycéens et des étudiants. Les cédéroms sont en libre accès, les usagers n’ont donc pas besoin de réserver ni de recourir au personnel de la bibliothèque pour consulter 2. Une pile de questionnaires recto verso a été laissée à proximité de chaque poste, une affichette incitant les utilisateurs à y répondre. Deux cent seize personnes ont répondu à cette invite et constituent ainsi la population de l’enquête.

A quoi référer cette population ? Étant donné les déterminants sociaux de la fréquentation des bibliothèques, il ne serait pas acceptable de faire de cette population un échantillon représentatif de la population française. A titre d’exemple, plus d’un tiers des personnes interrogées possèdent un lecteur de cédéroms à leur domicile, alors qu’au même moment, on estimait à 15 % le nombre de foyers français équipés d’un micro-ordinateur (doté ou non d’un lecteur de cédéroms).

Cette population n’est pas non plus représentative des usagers des bibliothèques, puisqu’elle a été sélectionnée à un seul étage, à l’exclusion des secteurs jeunesse, périodiques ou adultes.

Pour autant, les personnes ayant répondu sont-elles représentatives des usagers de la salle où sont disposés les micro-ordinateurs ? Il existe probablement des différences entre les usagers qui consultent les cédéroms et ceux qui, dans la même salle, n’utilisent pas ce service. Faute d’une enquête spécifique sur le public de cet étage, nous ne pouvons cerner les différences entre les uns et les autres.

Enfin, les usagers des cédéroms qui ont rempli les questionnaires forment-ils une population strictement comparable à celle des usagers dans leur ensemble ? Le fait même de répondre à un questionnaire n’implique-t-il pas un rapport différent à la bibliothèque 3 ? Si le fait de ne pas répondre engage des différences avec celui de répondre, nous ne sommes pas en mesure de le savoir.

La population de cette étude suit des contours propres aux conditions singulières dans lesquelles les personnes ont été interrogées. Il demeure néanmoins possible de ne pas sombrer dans un relativisme absolu. La population de l’enquête a en commun d’avoir utilisé un poste et répondu au questionnaire. Ces points communs autorisent à comparer entre eux des segments de cette population. On peut alors mettre à jour des variations dans les usages des cédéroms en bibliothèque en se gardant de généraliser de façon excessive les tendances observées.

Découvrir ce service

La mise à la disposition des usagers de postes où consulter des cédéroms constitue un nouveau service. Comment les usagers ont-ils découvert ce service ? Quelles sont les modalités de la diffusion de cette nouveauté ?

Les deux tiers des répondants ont appris l’existence de ces postes de consultation de cédéroms « en se promenant » dans la bibliothèque.

Viennent ensuite (dans l’ordre décroissant), les amis, les professeurs, les parents et, de façon très marginale, la presse locale et le bulletin municipal (3 %). Dans la population enquêtée, la découverte de ce service s’appuie sur la fréquentation directe de l’établissement ou s’est faite indirectement par l’intermédiaire d’amis, de professeurs ou de parents. La communication hors des murs de la bibliothèque de ce changement ne s’accompagne pas d’un afflux massif d’un nouveau public.

Le rôle de la fréquentation de la bibliothèque dans la découverte de ce service s’observe en comparant les inscrits à ceux qui ne le sont pas. Les premiers ont appris l’existence des cédéroms par leur fréquentation des lieux dans trois cas sur quatre contre un sur deux chez les non-inscrits. Pour ces derniers, la médiation de l’information par des amis (27 %) ou des professeurs (14 %) est essentielle. Bien sûr, le rôle des professeurs est important pour les usagers en formation par opposition aux actifs ou aux chômeurs. Plus précisément, il concerne surtout les collégiens et les lycéens (22 % des cas contre 1 % chez les étudiants). Les amis ont informé plus souvent les étudiants (du premier au troisième cycle) que les collégiens et lycéens (23 % contre 14 %). Chaque groupe social se caractérise par une modalité particulière de découverte de ce nouveau service : promenade dans la bibliothèque pour les inscrits, sociabilité amicale pour les étudiants, information professorale pour les élèves.

L’offre et son appropriation

Tous les postes auxquels ont accès les usagers proposent le choix entre un maximum de quinze cédéroms. Cette offre résulte de la sélection opérée par la bibliothécaire dans l’ensemble de la production disponible. Ce tri s’effectue en fonction de valeurs propres au groupe social des bibliothécaires. Les cédéroms éducatifs, érotiques ou ludiques ont ainsi été écartés de l’offre proposée au public. Les choix effectués peuvent être regroupés en quatre catégories qui composent l’univers des valeurs professionnelles :

– encyclopédies (Axis puis l’Encyclopédie Universalis) ;

– peinture, culture (Musée du Louvre ; Musée d’Orsay ; Musée de l’Homme ; Cézanne ; Delacroix ; Vermeer ; Rodin ; Matisse, Aragon, Prokofiev) ;

– histoire (Aux origines de l’Homme ; Sérinde : Les Oasis perdues des routes de la soie ; 1848-1914 toute une histoire ; Grèce antique ; Napoléon ; puis Trésor du San Diego) ;

– sciences et autres documentaires (Les Instruments de musique ; puis Le Défi de l’univers).

Ce regroupement montre l’importance attribuée aux titres culturels (plus de la moitié de l’offre) et historiques dans l’offre proposée aux usagers. La consultation des cédéroms révèle un choix de titres très proche de celui de l’offre faite par l’institution. En effet, sur le nombre total de titres consultés, les titres culturels arrivent en tête (40 %), suivis des titres historiques (26 %), des encyclopédies (22 %) et des autres titres (12 %). Le parallélisme de l’offre et de la demande suggère que la première modèle ou entre en adéquation avec la seconde.

Actifs, élèves et étudiants

L’usage des cédéroms et le choix de consulter chacun des titres varient suivant les caractéristiques des usagers. Ainsi, le fait d’être engagé dans un processus de formation ou non se traduit par des choix différents.

Les élèves et étudiants sont plus souvent éclectiques dans leurs choix et plus attirés par les titres historiques. Ils motivent davantage leur consultation par la nécessité de réaliser une recherche. Les usagers qui ne sont pas en formation consultent plus exclusivement des titres culturels que les élèves et étudiants (47 % contre 27 %). De plus, ils découvrent une nouvelle technologie : ils possèdent moins souvent un lecteur de cédéroms chez eux et consultent pour la première fois un cédérom à la médiathèque dans une proportion plus grande (68 % contre 56 %). Ils viennent plus souvent à la médiathèque uniquement pour pouvoir utiliser les cédéroms (24 % contre 13 %). On comprend alors mieux qu’ils passent plus de temps à consulter : un tiers des usagers qui ne sont pas en formation passent en effet plus d’une heure devant le poste contre 14 % des élèves et étudiants.

Au sein de la population des usagers impliqués dans un processus de formation, on relève des différences dans leur usage des cédéroms. Les collégiens et lycéens, tenus par le temps scolaire, consultent plus souvent le mercredi que leurs aînés étudiants. L’institution scolaire secondaire guide aussi le choix des cédéroms. Les collégiens et lycéens mentionnent le besoin d’effectuer une recherche pour justifier leur recours à cet outil. D’ailleurs, ils ont plus souvent que les autres consulté majoritairement ou uniquement des titres encyclopédiques (31 % contre 13 %).

Les étudiants se tournent davantage vers les titres culturels (42 % contre 8 %) dans une proportion comparable selon qu’ils sont en premier ou en deuxième ou troisième cycle. Outre la prescription scolaire, le fait que les collégiens et lycéens possèdent davantage de lecteurs de cédéroms chez eux que les étudiants explique aussi leur attention exclusive aux titres encyclopédiques. Ils disposent chez eux de titres proposés ou non par la bibliothèque. Ils reproduiraient alors un schéma d’usage semblable à celui que l’on observe avec les livres : la bibliothèque sert à réaliser des travaux scolaires (souvent collectifs) et la lecture de détente se déroule dans l’espace privé, domestique. A l’appui de cette thèse, on constate que les étudiants utilisent plus souvent pour la première fois ce service et consultent davantage de titres comme s’ils entendaient découvrir une nouvelle technologie. Ils motivent d’ailleurs davantage leur consultation par le désir de « tester une nouvelle technologie ».

Littéraires et scientifiques

L’enquête réalisée en 1992 pour le ministère de l’Éducation nationale et de la Culture et Le Monde, concernant les étudiants et la lecture, a révélé de grandes disparités entre les étudiants dans leur rapport à la lecture, selon la filière qu’ils suivent. François de Singly perçoit un « désinvestissement des scientifiques pour la lecture » 4. Dans ce contexte, on cherche à identifier des différences dans les usages que scientifiques et littéraires 5 font de l’offre de cédéroms.

Les étudiants littéraires sont plus souvent inscrits à la bibliothèque que leurs homologues en sciences. Pour cette raison sans doute, ils sont moins nombreux à utiliser les postes de consultation pour la première fois (54 % contre 69 %). Cela explique aussi probablement le caractère moins éclectique de leur choix de cédéroms. Connaissant le lieu et l’offre, ils consultent de façon plus intensive et moins dans un souci de découverte ou de prise de connaissance. Ainsi consacrent-ils plus souvent plus d’une demi-heure à leur consultation (57 % contre 35 %).

Les étudiants littéraires sélectionnent davantage de titres culturels que les scientifiques : la moitié d’entre eux font un choix uniquement ou majoritairement composé de titres de ce type contre un tiers des autres. Leurs goûts s’accordent mieux avec la sélection opérée par l’institution. Ils justifient davantage leur choix par leur « goût pour la peinture ». Pour certains étudiants, la continuité de leurs goûts se traduit par un changement de support : du livre d’art au cédérom sur un peintre ou un musée.

Les étudiants en sciences sont moins souvent membres de la bibliothèque, comme si la nature de leur formation convergeait moins bien avec l’offre de l’institution que celle de leurs homologues de lettres 6. La mise à disposition du public d’une technologie nouvelle les attire. C’est au nom de cet intérêt pour la technique qu’ils procèdent à leur choix. De ce fait, ils se focalisent moins sur un seul centre d’intérêt et sélectionnent des titres appartenant à plusieurs thèmes.

Inscrits et non-inscrits

Parmi les usagers, l’inscription engage des comportements différents au sein de la bibliothèque 7. La consultation des cédéroms n’échappe pas à ce principe de différenciation.

Quand ils ne sont pas inscrits, les usagers utilisent plus souvent pour la première fois les postes de consultation de cédéroms. Comme si la non- inscription allait de pair avec une fréquentation plus épisodique de la bibliothèque qui diminuerait les chances de découvrir ce service. Cette moindre fréquentation s’observe chez ceux qui n’utilisent pas les postes pour la première fois. Les usagers non-inscrits sont plus nombreux à déclarer une consultation de cédéroms moins d’une fois par mois (54 % contre 38 %). Cette moindre utilisation des non-inscrits se retrouve dans le nombre de titres consultés. Ils ont plus souvent consulté un seul titre que leurs homologues inscrits (55 % contre 43 %).

Comme le suggèrent Anne-Marie Bertrand et Jean-François Hersent, les usagers utiliseraient la bibliothèque en conformité avec leur statut d’inscrit ou non. Le fait de posséder une carte d’inscription se traduirait par un usage plus intensif du lieu, tandis que ne pas disposer de ce statut se traduirait par une utilisation plus réservée. Le libre accès aux postes de consultation limite probablement l’incidence de l’inscription sur la fréquence d’utilisation de cette technologie. Cette modalité d’offre favorise les usagers non inscrits par rapport à un accès supposant une réservation ou le recours à un représentant du personnel.

Inscrits et non-inscrits se différencient aussi par les titres choisis. Comme on l’a déjà souligné, les inscrits opèrent un choix qui met en avant les titres de même nature que ceux mis en avant par l’institution. Ils sont plus nombreux que les non-inscrits à consulter uniquement ou majoritairement les titres culturels (36 % contre 25 %). Les non-inscrits se tournent plus vers les titres historiques (26 % contre 15 %).

Lecture et cédéroms

Les professionnels de la lecture s’interrogent sur les incidences probables des nouveaux médias sur la lecture et le rapport au livre 8. Ce type de question générale demande à être précisé pour trouver un début de réponse. A partir de notre enquête limitée, nous pouvons chercher à savoir, parmi les usagers de la médiathèque (sous-ensemble de la population des utilisateurs de nouveaux médias), si le recours aux postes de consultation de cédéroms varie en fonction (ou en fonction inverse) de l’engagement dans la lecture. Nous distinguerons l’intensité de la lecture (mesurée par le nombre de livres lus par an) et le goût pour la lecture (mesuré par la question « aimez-vous lire ? »).

L’articulation des pratiques de lecture et de consultation des cédéroms peut donner lieu à trois hypothèses. La première correspond au cumul des pratiques : plus les usagers sont investis dans la lecture, plus leur consultation de cédéroms est intensive. La deuxième, l’antagonisme des pratiques, correspond à une variation inverse des pratiques de lecture et de consultation des cédéroms. La troisième hypothèse renvoie à l’absence de relation entre les deux pratiques.

On mesure l’intensité de la consultation des cédéroms par le temps passé à cette activité, la fréquence des consultations et le nombre de titres consultés. Aucun résultat ne valide l’hypothèse de l’antagonisme des pratiques. Les petits lecteurs ou ceux qui aiment peu ou n’aiment pas lire n’utilisent pas plus intensément les postes de consultation de cédéroms que les gros lecteurs ou ceux qui aiment beaucoup la lecture.

La tendance serait plutôt à observer un léger cumul des pratiques. La moitié des gros lecteurs passent au moins une demi-heure à la consultation contre 37 % des petits lecteurs. De même, ceux qui aiment beaucoup ou assez lire tendent à demeurer un peu plus longtemps devant l’écran. Dans le même sens, les gros lecteurs sont moins nombreux à utiliser les ordinateurs pour la première fois que les petits (54 % contre 63 %). Enfin, les usagers qui déclarent aimer beaucoup lire ont consulté trois ou quatre titres dans une proportion plus élevée que ceux qui aiment peu ou pas lire (25 % contre 16 %).

L’introduction d’ordinateurs multimédias au sein de la bibliothèque ressemble à certaines caractéristiques observées à propos de l’appropriation par le public de services audiovisuels à la fin des années 70. Jean-Claude Passeron et Michel Grumbach notent que « l’usage du service audiovisuel se trouve généralement lié au pôle privilégié de la hiérarchie socioculturelle » 9.

D’après notre enquête, les ordinateurs ne sont pas pris d’assaut par les faibles lecteurs. Il semblerait plutôt qu’un fort investissement dans la lecture crée des conditions plus favorables à la consultation de cédéroms. On s’accorde alors avec la critique du messianisme technique à laquelle parvenaient les auteurs : « Aucune innovation technologique n’a jamais eu raison, par la seule grâce du médium, des inégalités culturelles produites et reproduites par le jeu bien rôdé des structures et des hiérarchies sociales » 10.

La façon dont le public s’approprie l’offre de cédéroms, selon son investissement dans la lecture, confirme l’existence de variations sociales dans l’utilisation de cette technologie. Les moyens et gros lecteurs sélectionnent plus généralement des titres culturels que les petits lecteurs (34 % contre 24 %). De même, ceux qui aiment assez ou beaucoup lire choisissent des titres encyclopédiques beaucoup moins souvent que ceux qui aiment peu ou pas lire (15 % contre 42 %). Du point de vue de la demande, les titres offerts ne sont pas perçus comme uniformes. Les titres culturels attirent le public le plus investi dans la lecture, tandis que les encyclopédies séduisent davantage les faibles lecteurs. Comme le marché du livre, le marché du cédérom se segmente socialement en suivant les mêmes principes. Les dictionnaires et encyclopédies touchent un public plus large que les livres d’art. S’il existe un cumul des pratiques de consultation de cédéroms en bibliothèque avec celles de lecture, les deux s’articulent à partir de ce qui les structure : des goûts et des propensions socialement inégaux.

Octobre 1997

  1. (retour)↑  L’enquête a été réalisée par un groupe d’étudiantes en deuxième année de dut « Métiers du livre » à Nancy, dans le cadre d’un projet thématique dont le thème était « Métiers du livre et multimédia ». Nous remercions Isabelle Mansuy, Anne-Laure Mendès-Ferreira, Clarisse Outhier, Nathanaëlle Perrot et Nathalie Scrémin.
  2. (retour)↑  Cette mise en forme de l’offre a pour conséquence de laisser place à une appropriation de l’espace par les usagers en rupture avec le projet initial. En cas de pénurie de places assises dans la salle, certains s’installent à la table de travail pour utiliser le bureau et non l’ordinateur.
  3. (retour)↑  Notre enquête sur les jeunes usagers de la bibliothèque municipale de Rennes (Les Adolescents et la bibliothèque, Paris, BPI, 1997) révèle que les jeunes ayant répondu le plus précocement au questionnaire qui leur était envoyé étaient aussi plus proches de la bibliothèque : ils la quittaient moins et appréciaient davantage son ambiance.
  4. (retour)↑  François de Singly, « Savoir hériter : la transmission du goût de la lecture chez les étudiants », in Emmanuel Fraisse (dir.), Les Étudiants et la lecture, Paris, PUF, 1993, p. 52.
  5. (retour)↑  Pour distinguer le type de formation, nous avons pris en compte la filière suivie et l’établissement fréquenté. Ainsi, le type de bac passé ou préparé, ou le fait de suivre une formation à l’université de Nancy II (lettres) ou à Nancy I (sciences) nous ont permis d’établir cette opposition. Nous avons laissé à part les étudiants des filières « mixtes » telles que le droit ou les sciences économiques.
  6. (retour)↑  Signalons que le campus de la faculté des sciences est sensiblement plus éloigné de la médiathèque que celui de lettres.
  7. (retour)↑  Anne-Marie Bertrand, Jean-François Hersent, « Les usagers et leur bibliothèque municipale », BBF, 1996, n° 6, p. 8-16.
  8. (retour)↑  Cf. par exemple, Jean Lissarrague, « Quels lendemains pour le livre ? », Esprit, oct. 1997.
  9. (retour)↑  Jean-Claude Passeron, Michel Grumbach [et alii], L’Œil à la page, Paris, bpi, 1985, p. 281.
  10. (retour)↑  Jean-Claude Passeron, Michel Grumbach [et alii], op. cit., p. 292.