Les nouveaux services des libraires aux bibliothèques

Nathalie Verdier

La journée d’étude organisée par l’Association des conservateurs de bibliothèques (ACB) sur de nouveaux services des librairies aux bibliothèques s’est tenue le vendredi 13 mars 1998 à l’Institut national agronomique Paris-Grignon (INA-PG). Cette réunion, présidée par Noël Tanazacq, de l’ACB, et Yves Alix, des bibliothèques de la ville de Paris, a été l’occasion d’un échange d’expériences et d’une mise au point entre libraires et bibliothécaires.

Moindre coût et « mieux disant »

En ouverture de cette journée, il fut rappelé qu’un partenariat efficace entre bibliothécaires et libraires passe par une bonne écoute mutuelle des difficultés rencontrées et par une juste appréciation du coût des services proposés.

Si les exigences des bibliothèques publiques vis-à-vis de leurs fournisseurs sont multiples, les libraires font état d’un manque de prise en compte des services à valeur ajoutée, susceptibles d’être fournis, dans les contrats de marché public les liant aux bibliothèques. Le problème des remises libres, sans plafonnement, et l’interdiction de préférence locale visant à l’égalité des candidats, font jouer la loi de la concurrence et entraînent une moindre marge de manœuvre pour les fournisseurs, ce qui n’est pas sans conséquence sur le service offert.

A cet égard, ce sont les librairies locales qui semblent le plus pâtir du taux de remise demandé dans le cadre des contrats de marchés publics. Or il est clair que, par leur proximité, ces librairies jouent un rôle important auprès des bibliothèques, par leur aide à la sélection des ouvrages, la possibilité d’effectuer des repérages directement en magasin, la participation à des événements ponctuels, etc.

Si les fournisseurs français ou internationaux de taille plus importante supportent mieux le taux de remise demandé, il ressort des discussions engagées qu’un effort moindre est généralement accordé aux recherches de littérature grise, à l’obtention de livres issus de très petits éditeurs ou encore à la fourniture de documents non-livres – tels que cassettes audio, vidéos ou cédéroms – hors circuit éditorial classique.

De tels ouvrages, obtenus sans remise par les fournisseurs, représentent en effet une vente à perte aux collectivités. La capacité des libraires à fournir des services à valeur ajoutée aux bibliothèques – pratique des offices, suivi des commandes, recherche de littérature grise, obtention de documents non-livres, capacité à traiter des urgences ponctuelles, etc. – dépend en partie de la reconnaissance de ces critères qualitatifs dans le contrat les liant aux bibliothèques publiques.

Cela demanderait aux bibliothécaires de définir de façon plus détaillée leurs besoins, en vertu de quoi la prise en compte de ces nouveaux services des libraires aux bibliothèques pourrait se concrétiser contractuellement sous la forme d’un taux de remise moins élevé ou de deux taux de remise possibles, selon le service offert, sans oublier l’importance d’un paiement dans les temps aux fournisseurs. Mais les bibliothèques pour lesquelles les budgets sont en baisse ou gelés peuvent-elles réussir cette difficile conciliation entre intégration des caractères qualitatifs du service des libraires et maintien d’un bon volume quantitatif des commandes ?

Des nouveaux services offerts… à la remise en cause de la distribution des rôles. Au cours de cette journée, certaines interventions de sociétés ont mis à jour des évolutions dans les services offerts susceptibles de bousculer l’organisation des bibliothèques.

L’expérience innovante de Biblioteca

Née d’une réflexion sur le problème de la reliure en bibliothèque, Biblioteca, la société de Gérard Landrieu propose, depuis septembre 1995, une sélection mensuelle de nouveautés en littérature générale directement accessibles sous forme reliée. Chaque fin de mois, un bulletin recensant des argumentaires de livres à paraître le mois suivant est envoyé à 1 600 bibliothèques. Les commandes doivent être passées sous quinze jours et donnent lieu à la création d’une série reliée répondant à une tarification fixe, à l’exemplaire, dont la livraison est faite sous trois semaines après la date limite de commande.

Pour ne pas grever les budgets acquisitions des bibliothèques, les factures peuvent être ventilées avec une partie achat et une partie reliure. Ce système permet aux bibliothèques intéressées de mettre relativement vite en rayon des nouveautés parées pour une manipulation importante, tandis que le bulletin mensuel Biblioteca constitue un outil pour les bibliothécaires, offrant des informations avant parution sur une sélection de titres annoncés par les éditeurs. Dans le sens du service proposé par Gérard Landrieu, on pourrait envisager des livres fournis tout équipés, à savoir plastifiés, tamponnés et munis d’un antivol.

Autre exemple, celui des services liés à l’apport des nouvelles technologies : la société anglaise Crofthouse, spécialisée dans l’ouvrage académique et scientifique, fournit tout document publié au Royaume-Uni, mais aussi aux États-Unis et au Canada. Dawson, fournisseur anglais spécialisé dans le scientifique, technique, médical et les affaires, bénéficie d’un réseau international de librairies (France, Espagne et Angleterre). Ces deux sociétés ont en commun d’être présentes sur Internet et ce, avec un certain nombre de services proposés (base de données consultable sur leurs sites, possibilité de recevoir des informations par courrier électronique, de passer ses commandes directement sur le Web, etc.).

La société Dawson étudie la possibilité pour ses clients de recevoir les notices des ouvrages commandés, directement dans leur propre système en format MARC et bientôt UNIMARC, ceci par mode de transfert EDI (échanges de données informatisées), technique permettant la circulation d’informations structurées d’ordinateur à ordinateur. De telles perspectives invitent à la réflexion : les bibliothèques sont-elles prêtes à envisager un transfert de certaines de leurs tâches traditionnelles vers le fournisseur ? Ce qui constituerait un gain de temps, pouvant être réutilisé pour de nouveaux services offerts aux lecteurs, appellerait conjointement une réorganisation des fonctions du bibliothécaire et de la gestion des bibliothèques.