La deutsche Bibliothek

Son rôle dans la création d'une bibliothèque numérique pour l'Europe

Klaus-Dieter Lehmann

C'est en mai 1997 qu'a été inauguré le nouveau bâtiment de la Deutsche Bibliothek, à Francfort-sur-le-Main, qui a pour mission de rassembler imprimés et documents numériques. Cette bibliothèque dispose d'un catalogue en ligne, d'un système multimédia et communique avec le monde extérieur par Internet. Comme centre de la bibliographie nationale, elle produit par an environ quinze millions de notices on-line et off-line. Elle fait partie d'un réseau de bibliothèques nationales européennes, qui souhaitent promouvoir la création d'une bibliothèque virtuelle européenne, la constitution d'une bibliothèque de dépôt des documents numériques et la définition de normes de catalogage matières pour les documents électroniques. Un accès et une passerelle ont été mis au point qui permettent de travailler avec d'autres systèmes utilisés par les bibliothèques et les centres d'information scientifique sans changer de langage de recherche. Ce programme lui permet à la fois de jouer un rôle d'intégration en Allemagne et d'être un partenaire efficace dans les projets de coopération internationale.

It was in May 1997 that the new building of the Deutsche Bibliothek was inaugurated at Frankfurt/Main. This library, whose mission is to gather printed matter and digital documents, offers an on-line catalogue on a multimedia system and communicates with the outside world by Internet. As a centre for national bibliography, it produces around fifteen million notices per year, both on- and off-line. It comprises a part of a network of European national libraries, which would like to promote the creation of a European virtual library, the constitution of a library of deposit for digital documents and the definition of cataloguing norms for electronic documents. A means of access and a gateway have been put into service which work with other systems used by libraries and research information centres without changing the research language. This programme permits the library to play an integrating role in Germany and to be an effective partner in projects requiring international cooperation.

Im Mai 1997 konnte der Neubau der Deutschen Bibliothek in Frankfurt a.M. eingeweiht werden. Er bietet Platz für 18 Millionen Bände. Zum Sammelauftrag gehören Druckmedien und digitale Publikationen. Die Deutsche Bibliothek verfügt über einen vollständigen Online-Katalog, über ein Multimedia-Bereitstellungssystem und sie ist Anbieter und Vermittler im Internet. Als nationalbibliographisches Zentrum vertreibt sie jährlich ca. 15 Millionen Buchdatensätze online und offline. Sie ist engagiert beim Aufbau einer lesitungs- fähigen Europäischen Bibliotheksvernetzung, u. a. Schaffung einer virtuellen Europäischen Bibliothel, Aufbau einer digitalen Depotbibliothek zur langfristigen Archivierung digitaler Publikationen und Festlegung von Erschließungskonventionen bei Netzpublikationen. Sie entwickelte ein Gateway über offene Kommunikationsschnittstellen, die es erlauben, ohne Veränderung in der Suchsprache, in unterschiedlichen Systemen der Bibliothek, der Fachinformation grenzüberschreitend zu arbeiten. Mit diesem Konzept wirkt sie integrativ in Deutschland und ist gleichzeitig ein leistungsfähiger Partner bei internationalen kooperativen Projekten.

Au terme d’un chantier qui aura duré près de cinq ans (creusement des fondations en 1992, achèvement du gros-œuvre en 1994, remise des clefs en 1996), le nouvel immeuble construit à Francfort-sur-le-Main pour la Deutsche Bibliothek a été inauguré par le chancelier Helmut Kohl le 14 mai 1997.

L’édifice est non seulement plus grand, plus spacieux et plus plaisant que celui auquel il succède (ce en quoi il répond aux exigences formulées dès la phase de conception), mais un examen plus attentif permet aussi d’y reconnaître une considérable avancée dans le processus d’intégration de la bibliothèque à la société globale de l’information.

Nous sommes ainsi en présence d’un lieu qui, tout en se prêtant aux rencontres et aux échanges, constitue un véritable nœud numérique au sein d’un réseau planétaire.

Ses deux grandes composantes – d’un côté les collections cataloguées et conservées pour être longtemps consultables, de l’autre le très riche fonds documentaire virtuellement accessible sur le réseau global – détermineront la nature des services offerts à l’avenir par cette institution.

Dès le début, les utilisateurs ont manifestement apprécié les nouveaux locaux, et selon toute apparence, ils se sentent très à l’aise dans les vastes salles de lecture bien éclairées, où ils peuvent consulter sur place un important fonds d’ouvrages pour lequel nous avons adopté un service de rotation rapide et efficace.

La grande rotonde d’entrée surmontée d’un dôme massif en verre armé est caractéristique de la conception architecturale. De là, les visiteurs découvrent la quasi-totalité des espaces de la bibliothèque.

La nouvelle construction se caractérise également par la façon harmonieuse dont elle s’intègre aux immeubles d’habitation voisins, résultat qui n’a pu être atteint qu’en plaçant la plus grande partie de la structure (les deux tiers de la surface de plancher disponible) en sous-sol. D’une superficie de plus de 30 000 mètres carrés, les réserves souterraines peuvent abriter 18 millions d’ouvrages environ, dont 7 sont d’ores et déjà en place. Selon les calculs prévisionnels, les installations existantes ont une capacité suffisante pour accueillir les collections jusqu’en 2035. À l’heure actuelle, la bibliothèque s’enrichit chaque jour de près de 1 000 nouvelles acquisitions. Les plans de l’immeuble ménagent des possibilités d’extension pour pallier la croissance en volume prévue à partir de 2035.

La partie aérienne de la structure regroupe les services administratifs, prévus pour 300 employés environ, et les espaces ouverts au public, avec l’accueil, le service de documentation, les salles de lecture, le Deutsches Exil- archiv, ainsi que la salle de conférences située à l’avant du bâtiment, à côté du hall d’exposition, d’un restaurant et d’une cafétéria.

Les fonctions et le statut de bibliothèque nationale

Ce complexe permet à la Deutsche Bibliothek de Francfort d’assumer pleinement, de concert avec la Deutsche Bücherei de Leipzig et le Deutsches Musikarchiv, les fonctions de bibliothèque nationale pour plusieurs raisons :

– En tant que bibliothèque du dépôt légal, elle conserve la collection complète des publications éditées en Allemagne et/ou en langue allemande.

– En tant que centre national des archives électroniques, elle assure la disponibilité à long terme des documents numériques.

– En tant que centre de la bibliographie nationale, elle se charge d’indexer les publications, de constituer la Deutsche Nationalbibliographie, de produire et de diffuser les données bibliographiques. En 1996, elle a ainsi distribué dans le monde entier près de 17 millions de notices électroniques.

– À ces tâches proprement bibliographiques s’ajoutent le développement et l’extension des fichiers d’autorités (répertoire d’autorités matière, répertoire d’autorités collectivités, répertoire d’autorités noms propres), ainsi que la participation récente au projet multilingue « Subject Headings » mené conjointement par les bibliothèques nationales de Paris, Londres et Berne.

– Son statut de bibliothèque nationale lui impose de conformer ses ressources à la demande et à l’offre internationales. La coopération qui s’est engagée à cette fin entre les bibliothèques nationales d’Europe sur la base d’infrastructures documentaires efficaces est un facteur d’une importance décisive pour le dialogue culturel et l’échange d’information dans les milieux universitaires.

Promouvoir la coopération et le travail en réseau

Il faut à cet égard signaler que la réalisation des nouveaux bâtiments de la Bibliothèque nationale de France et de la British Library a incité la Deutsche Bibliothek à prendre des mesures opportunes en vue de cette coopération, et à définir des modus vivendi dans le but de renforcer les avantages réciproques des services disponibles.

Ces dispositions sont au cœur d’une alliance élargie à trente-huit bibliothèques nationales européennes, rassemblées sous les auspices de la Conférence des bibliothèques nationales européennes (CENL) afin de promouvoir, étape par étape, le développement et l’expansion d’une bibliothèque virtuelle européenne baptisée GABRIEL (http://www.ddb.de/gabriel/). Par ailleurs, la Deutsche Bibliothek travaille actuellement à l’élaboration d’un réseau ouvert répondant aux normes de communication internationales (Z39.50).

Ces initiatives internationales montrent bien à quel point l’efficacité des bibliothèques est désormais fonction de leur capacité à coopérer, et donc de l’existence d’une puissante infrastructure informatique. La coopération et le travail en réseau favorisent considérablement le dialogue culturel et l’échange des savoirs.

Autant de raisons qui expliquent l’attention particulière portée à cet aspect de la conception de l’équipement technologique de la bibliothèque. En pratique, cela s’est traduit par la définition d’une nouvelle plate-forme technique, valable pour tous les espaces de la bibliothèque et qui prévoit :

– la mise en place d’un nouveau réseau de communication et de nouveaux terminaux informatiques ;

– le remplacement de l’ordinateur central et l’adoption d’un nouveau système bibliographique ;

– l’installation d’un système d’accès multimédia (MMB) pour les documents électroniques.

Un nouveau réseau de communication (ATM)

Le nouveau réseau de communication utilise les derniers développements de la technologie ATM (Asynchronous Transfer Mode). En sus d’intervenir au niveau du serveur et de l’« épine dorsale » (le réseau fédérateur), il assure la liaison avec les terminaux. Au total, le système supporte environ 900 connexions passives, 50 ordinateurs multimédias et quelque 600 terminaux, architecture qui a nécessité la pose de 1 150 kilomètres de câble. Les bibliothèques centrales de Leipzig et de Berlin y sont intégrées via un réseau ATM logique.

Pour le reste, la Deutsche Bibliothek passe par Internet pour communiquer avec le monde extérieur. Nous avons, dans ce but, créé un accès et une passerelle au moyen d’interfaces ouvertes (Z39.50). Celles-ci permettent aussi bien au personnel et aux utilisateurs de la bibliothèque d’entreprendre des recherches globales (sans devoir changer de langage de recherche) dans les divers systèmes utilisés par les services de documentation, les bibliothèques et autres fournisseurs d’informations, que d’être contactés par le même canal.

Toutes les fonctions de traitement des données ont été converties comme prévu en applications sous UNIX. Cette opération a essentiellement concerné le secteur des services bibliographiques nationaux.

Un système d’accès multimédia (MMB)

Au nombre des objectifs, il y avait également l’institution d’un système d’accès multimédia (MMB). La Deutsche Bibliothek a mis au point un procédé permettant d’installer et de désinstaller automatiquement les documents numériques sur le réseau. Les utilisateurs peuvent donc consulter ces documents sans nécessairement posséder de grandes compétences techniques.

Grâce au MMB, il est possible :

– d’avoir accès au catalogue en ligne, aux documents numériques et à Internet ;

– de relier le catalogue et les collections de documents numériques ;

– de travailler dans l’environnement du Web (réseaux Internet et Intranet) ;

– d’utiliser des documents déjà installés ;

– d’imprimer et de télécharger les résultats obtenus ;

– d’archiver les documents numérisés afin d’en assurer la disponibilité à long terme.

À l’heure actuelle, la Deutsche Bibliothek reçoit chaque année entre 4 000 et 5 000 documents numérisés sur des supports d’information matériels. Si cela représente approximativement 2 à 3 % du total de ses acquisitions annuelles, il est prévu que cette proportion atteigne 20 % en l’an 2000. La Deutsche Bibliothek entend bien exploiter dès le départ toutes les possibilités à sa disposition, afin de garantir la disponibilité à long terme de cette forme éphémère d’information et de remplir, comme elle en a vocation, son rôle de mémoire objective pour tous les types de supports d’information, y compris numériques.

Le système autorise l’identification, l’administration, la recherche et la présentation des documents aussi bien électroniques que classiques, audiovisuels et autres, archivés sous forme numérique sur cédérom. Il devient ainsi possible de traiter des documents électroniques, des films, des séries de diapositives, des fonds d’archives de périodiques et des fonds documentaires de la même manière, comme des objets numériques, et de les mettre à la disposition du public au moyen d’une interface normalisée.

L’interface utilisateur

Conformément aux standards Intranet, cette interface a été conçue comme un navigateur. En suivant grâce à une version modifiée de l’Explorer de Microsoft une procédure ne requérant pratiquement pas d’explications, les utilisateurs accèdent d’abord aux catalogues où sont répertoriés les documents archivés dans la bibliothèque, puis aux documents eux-mêmes, à condition bien sûr qu’ils aient été installés dans le MMB. Il suffit donc de manipuler la souris pour consulter n’importe quel document publié dès le départ sur disquette ou sur cédérom.

Au terme d’une deuxième phase, en cours de réalisation, cela vaudra également pour les séries de diapositives ou les copies d’ouvrages menacés par la détérioration. Toutes les opérations que requiert ce programme sont entièrement automatisées et se déroulent « derrière l’écran » sans que l’utilisateur ait besoin d’intervenir.

L’accès aux supports d’information

Une procédure hybride a été adoptée pour permettre l’accès aux supports d’information installés dans le MMB :

1. Les documents CD les plus souvent demandés (on en dénombre aujourd’hui 150) sont transférés sous forme d’images dans un système de stockage dénommé Raid (d’une capacité actuelle de 80 gigaoctets), et de là « récupérés » via les serveurs média.

2. Les autres cédéroms fréquemment consultés sont rapidement accessibles si on les classe dans des juke-box pouvant en contenir jusqu’à 150. L’évolution très prometteuse du rapport coût/performance du système Raid conduit à s’interroger sur la nécessité de porter comme prévu la capacité des juke-box à une contenance de 1 000 disques. Car en plus de faciliter le travail, grâce à une vitesse de transmission aujourd’hui très supérieure à celle des lecteurs de cédéroms ou des juke-box classiques, le système Raid permet également de consulter un même cédérom à partir de plusieurs postes à la fois. Étant donné la priorité d’emblée accordée à la progression et à la souplesse de toutes les composantes du système, il est à tout moment possible de procéder à des ajustements de capacité de cet ordre. Les deux catégories de documents électroniques sont automatiquement consultables à partir du poste de travail de l’utilisateur grâce à des programmes d’installation.

3. Les CD les moins souvent demandés sont sortis manuellement des réserves à la demande, et, par l’intermédiaire du réseau, peuvent être consultés sur les lecteurs de CD qui équipent la bibliothèque (aujourd’hui au nombre de vingt-huit) ; ils peuvent aussi être insérés manuellement dans l’ordinateur personnel de l’utilisateur.

Tous les axes qui, à partir des postes de travail informatisés, convergent vers la salle de lecture, ne mènent pas uniquement aux collections de la bibliothèque : ils permettent aussi un accès au réseau Internet.

Cette configuration très complète, qui comprend également des fonctions comme le prêt entre bibliothèques, le téléchargement et l’impression des données dans le respect des règles sur la propriété intellectuelle et les droits d’exploitation, et jusqu’aux opérations de facturation et de comptabilité, a été conçue par la Deutsche Bibliothek en collaboration avec CSC Ploenzke.

Ce système tout nouveau, où l’information multimédia est acheminée aux postes de travail par des câbles en fibres optiques à la vitesse actuelle de 155 mégaoctects par seconde, constitue très certainement l’un des réseaux ATM les plus modernes d’Europe. Les futurs plans devraient porter à 622 mégaoctets la vitesse des transmissions sur l’« épine dorsale ». La passerelle pour Internet et les serveurs centralisés qui gèrent les applications sont également intégrés au réseau ATM local.

Le système d’archivage des documents électroniques

Pour assurer la disponibilité à long terme, il est indispensable d’uniformiser dans la mesure du possible la conception de l’archivage. L’objectif fut ici de créer un serveur central couplé à un réseau local rapide, lui-même connecté au réseau global par des interfaces de communication ouvertes (Z39.50).

Les publications numériques comportent presque toujours du texte, mais aussi des sons (langage et musique), des images, etc., associés sur une même application. L’architecture du système doit donc être conçue de telle sorte que les différents éléments d’information puissent être stockés, acheminés et affichés ou présentés.

À l’avenir, la Deutsche Bibliothek archivera les quatre catégories de documents suivants :

– documents numériques sur support d’information matériel ;

– documents diffusés sur le réseau (exclusivement accessibles en ligne) ;

– documents numérisés après conversion ;

– transformations d’objets analogiques.

À la différence des documents imprimés sur leur support d’origine, les documents numériques ne peuvent être archivés sous forme d’originaux ou d’artefacts matériels, étant donné la diversité des formes sous lesquelles ils sont distribués et la multiplicité qui en découle au niveau des équipements informatiques, qu’il s’agisse des informateurs ou des logiciels.

À procéder ainsi, on aurait vite fait de transformer la bibliothèque en musée de la technologie. Priorité doit donc être donnée à la conservation du contenu sur le stockage de l’artefact, même si, parfois, cela se traduit par une perte de la dynamique interactive prévue sur le support de distribution d’origine.

Mais, même dans ce cas, la bibliothèque ne saurait faire l’économie d’un processus d’adaptation continu. Son infrastructure documentaire change tous les cinq ou dix ans. Le renouvellement du parc d’ordinateurs, l’adoption d’un nouveau système d’exploitation ou de nouvelles bases de données ne sont pas toujours compatibles avec les méthodes jusqu’alors employées pour l’archivage et l’accès à l’information. Aussi les bibliothécaires sont-ils contraints de planifier des solutions de migration adéquates.

Il est possible de prévenir la détérioration physique des documents numériques en les recyclant sur un support de même nature, ou par conversion des données sur un support différent et plus stable. Si la transcription sur papier peut, à première vue, sembler séduisante, ce n’est souvent pas la meilleure formule, car elle suppose de sacrifier d’importantes qualités du multimédia. Toutefois ces mesures ne sont pas suffisantes. Il faudrait en réalité disposer d’un système de migration qui permette de convertir à intervalles réguliers les documents numériques d’une configuration informatique à une autre, ou d’une génération de machines à une autre. Parce que la conservation à long terme réclame du temps, des moyens financiers et une somme de travail considérables, les bibliothèques nationales européennes ont décidé d’unir leurs efforts et de chercher ensemble des solutions. Dans le contexte de la CENL et sous l’égide du comité directeur de COBRA (COmputerised Bibliographic Record Action), l’EUNEDLIB a donc soumis un nouveau projet sur ce point.

Le dépôt légal des documents électroniques

Les problèmes posés aux bibliothèques nationales par le dépôt légal des documents électroniques viennent au premier plan des préoccupations de COBRA. À son instigation, la Commission européenne a financé dans le cadre du Programme des Bibliothèques une étude portant spécifiquement sur cette question. Les résultats en ont été examinés lors d’une réunion entre des représentants des bibliothèques nationales européennes, des éditeurs et des experts, organisée en décembre 1995 par la DG XIII/E de la Commission européenne. Le Forum de COBRA a ensuite soumis à la Commission un projet sur la création d’une Bibliothèque européenne de dépôt des documents numériques. La proposition a été favorablement accueillie, et le contrat portant sur la réalisation du projet NEDLIB (Networked European Deposit Library) est en passe d’être ratifié.

Le projet NEDLIB

NEDLIB sera confié à un groupement d’institutions européennes comprenant des représentants de neuf États membres et financé par le Programme des Bibliothèques de la DG XIII/E-4. Sa mise en œuvre devrait donc influer de façon décisive sur l’évolution des méthodes de stockage à long terme et sur les solutions imaginées pour relever le défi de la consultation des documents électroniques dans le cadre des bibliothèques nationales. Ce projet qui se traduira, souhaitons-le, par des bénéfices culturels et économiques, élargira aussi le savoir et l’expérience que les bibliothèques européennes ont acquis dans ce domaine.

Le rôle des bibliothèques et des archives nationales est de maintenir un point d’accès central au patrimoine documentaire. L’arrivée des documents électroniques soulève bien des interrogations quant à leur authenticité, leur contrôle et leur accessibilité. Mais les nouveaux médias étant désormais une réalité, force est aujourd’hui de se pencher sur ces questions. Si l’Europe échoue dans ce domaine, elle risque de perdre l’un de ses services existants, à savoir l’accès aux publications, simplement parce que celles-ci ne sont pas disponibles sur support papier. L’enjeu dépasse l’horizon de 1997. Les possibilités d’accès des citoyens de demain seraient en effet gravement compromises si l’on repoussait l’examen des difficultés inhérentes à la conservation à long terme.

NEDLIB doit poser les bases de l’infrastructure sur laquelle édifier une bibliothèque européenne de dépôt fonctionnant en réseau. Cette charpente sera composée de structures techniques, organisationnelles et administratives. Si ces dernières doivent être plus précisément définies, l’expérience pratique qu’apportera le projet NEDLIB est plus importante encore, dans la mesure où son principal objectif est de mettre au point des produits de démonstration. Les réalisations de NEDLIB pourront ainsi servir à élaborer des modèles (comptables) pour la gestion des bibliothèques de dépôt en réseau et les infrastructures techniques à long terme. Les recommandations de l’ELDEP (European Legal Deposit of Electronic Publications) servent à cet égard de points de comparaison, et les réalisations auxquelles ont donné lieu des projets voisins financés par la Commission européenne sont également prises en compte.

Le système élaboré permettra de traiter les publications électroniques quelle que soit l’origine du support et les rendra accessibles aussi bien aux utilisateurs finals qu’aux organismes chargés de les archiver. Parallèlement, les intérêts commerciaux des éditeurs et leurs droits d’exploitation seront protégés par des outils de contrôle mis en place au moment du stockage des documents et activés à chaque consultation. Le système doit précisément viser à assurer un « accès immédiat » et une « protection après-coup ».

Programmé pour une durée d’un an et demi environ, NEDLIB prendra fin en décembre 2000. Y participent les organismes mentionnés dans l’encadré de la page précédente.

Une indexation internationale normalisée

Les projets et les services de documentation numérique ne se limitent pas aux nouvelles publications. Dans les milieux universitaires, l’accélération de la communication conduit de plus en plus les grandes bibliothèques à mettre en œuvre des programmes de numérisation rétrospective de leurs collections.

Pour mieux garantir la qualité de l’information et offrir aux chercheurs toutes possibilités d’utiliser ces copies numérisées, il est indispensable d’instituer des procédures d’identification et de traitement appropriées. Il faudra les définir dès la phase d’élaboration.

L’interaction des moteurs de recherche et de l’indexation bibliographique par article d’une part, de l’auto-indexation et du traitement intellectuel d’autre part, est particulièrement importante en ce qui concerne les processeurs.

Du fait de la rapide prolifération des données sur le réseau, il serait irréaliste d’exiger que chaque publication qui y est diffusée soit indexée par un bibliographe. Ceci étant, eu égard à la recherche, la validité des publications numériques repose au premier chef sur la possibilité de les identifier sans risque d’erreur.

Il faudra par conséquent s’entendre sur un procédé qui évite la surcharge par des champs de données, fixe des normes d’indexation internationales fondées sur un format de métadonnées de taille maniable. Les données devront être fournies par les auteurs et les éditeurs. Au bout du compte, il faudra adopter une approche différenciée de l’indexation, en distinguant, parmi les publications accessibles sur le réseau :

1. celles qui exigent une saisie des métadonnées (ou données de base, par exemple, le Dublin Core Set) ;

2. celles qui supportent une indexation automatique ;

3. celles pour qui la forme simplifiée des métadonnées doit être assortie d’une description bibliographique plus élaborée. Les décisions à prendre à cet égard seront fonction de l’usage que le groupe cible devrait faire de ces différentes publications. Le Dublin Core Set a ici un rôle important à jouer.

La tendance est aujourd’hui de considérer que, malgré l’utilisation des nouveaux mécanismes et structures de recherche installés sur le réseau (y compris des outils comme les moteurs de recherche), les structures d’information numérique gagneront de façon significative en valeur ajoutée si on leur incorpore des outils conventionnels d’indexation bibliographique. Souscrire à cette opinion oblige à définir dès le départ le type d’indexation conventionnelle qu’il conviendra d’adopter, étant entendu que, dans ce contexte, c’est le type de traitement, autrement dit le traitement intellectuel, qui est « conventionnel », alors que le document particulier dont il s’agit et les éléments qu’il contient ne le sont pas nécessairement.

La Deutsche Bibliothek travaille en ce moment sur un projet où des métadonnées comparables au Dublin Core Set sont enrichies par des éléments bibliographiques nationaux, dont :

1. l’expansion bibliographique des champs de données ;

2. la création de liens avec les fichiers d’autorités ;

3. la création de liens avec les systèmes de comptage.

Les résultats seront bien sûr communiqués aux bibliothèques nationales européennes, ainsi qu’aux services bibliographiques nationaux qui leur sont associés.

Indispensables, les services bibliographiques jouent un rôle essentiel dans la démocratisation du savoir universitaire. Ils informent et attirent l’attention, non seulement sur la production des maisons d’édition, mais également sur les publications qui échappent au secteur de l’édition, tels les documents publiés par les institutions de recherche, les organismes gouvernementaux, les entreprises du secteur privé, etc. Bien souvent, ce sont les seules sources disponibles pour les informations de ce type. Aujourd’hui, ils sont accessibles de tous les points du globe grâce à l’échange international des données assuré, par exemple, par la British Library à Londres ou la Bibliothèque du Congrès à Washington.

Le rôle des bibliothèques nationales

La communication n’est pas le produit d’un réseau global, dont la seule fonction est de diffuser l’information. Le contenu et le retentissement de cette dernière sont déterminés par les sources d’information elles-mêmes, à savoir les collections de textes ou autres vecteurs d’information. De ce fait, il sera tout aussi crucial à l’avenir de savoir si les ressources locales ou nationales peuvent être employées à créer des liens avec les ressources globales.

En ce qui concerne les publications électroniques, le problème ne se limite pas à la latitude laissée aux institutions de les choisir et de les administrer. Les vraies questions portent sur l’authenticité des textes, la protection de la propriété intellectuelle et la longévité de ces informations transitoires. Si chaque culture est fondée sur une tradition historique qui lui est propre, chaque discipline universitaire s’appuie sur un savoir publié, susceptible d’être reproduit et cité.

En ce sens, les documents publiés sont l’expression d’activités et de réalisations culturelles et intellectuelles. Si, demain, ce savoir est diffusé aussi bien sous forme électronique qu’imprimée, le nouveau média doit tout autant que le mot imprimé entrer dans la mémoire collective. L’important, ce n’est pas le média, mais le contenu. Et on ne saurait écarter les documents numériques sous prétexte que leur disponibilité à long terme pose des difficultés sensiblement plus importantes. Cela devrait au contraire stimuler la recherche de solutions adaptées.

Conformément à la conception traditionnelle du rôle des bibliothèques, tous les grands pays du monde, ou presque, ont une bibliothèque nationale chargée d’entretenir et de conserver la collection complète des œuvres imprimées publiées à l’intérieur de leurs frontières ou dans leur(s) langue(s). Sortes de ponts entre le passé et le présent, ces bibliothèques sont en règle générale légalement mandatées pour remplir leurs fonctions. Tout à la fois conservatoires patrimoniaux, instruments culturels et institutions d’État, elles ont connu au cours de leur longue histoire maintes transformations d’ordre technologique mais dont aucune, peut-être, ne fut aussi radicale que la révolution qui se déroule actuellement dans le domaine de l’information.

S’il est assurément juste et bon que les bibliothécaires restent fidèles au livre, il n’est pas moins vrai que les bibliothèques (et les bibliothèques nationales en particulier) doivent continuer à se développer. Et il est essentiel que ce développement se fasse en fonction des spécificités culturelles nationales et des besoins des chercheurs et des universitaires du pays.

À l’heure qu’il est, cela implique que ces établissements adoptent les technologies numériques de la communication. Aussi est-il logique que les bibliothèques nationales prennent en compte les documents numériques dans le dépôt légal et les indexent en conséquence. En procédant de la sorte, elles continueront comme par le passé à jouer leur rôle de mémoire nationale, même si leurs fonctions deviennent à l’avenir moins statiques et plus dynamiques.

La mise en place de structures informatiques efficaces et productives est ici une condition préalable nécessaire, qui renforcera la position des bibliothèques en tant qu’institutions de première importance pour le monde de l’entreprise et les milieux universitaires. Cela leur permettra également de coopérer plus étroitement entre elles dans les échanges de services et de documents numériques.

À partir de là, il est parfaitement envisageable que des bibliothèques nationales qui continuent de s’attacher en priorité aux principes d’universalité et de centralisation de leurs collections en viennent à se considérer comme autant de composantes d’une grande bibliothèque virtuelle, et participent, avec d’autres, à la diffusion des documents numériques sur le réseau. Telle est, en tout cas, la façon dont la Deutsche Bibliothek conçoit la solution à imaginer au niveau européen pour relever le défi qui nous est lancé.

Soutenue par un équipement matériel moderne et une technologie efficace et productive, cette collabo- ration nous offrirait une occasion unique d’élargir comme jamais auparavant le dialogue culturel et intellectuel en Europe – raison d’être, au fond, d’une bibliothèque européenne.

Mars 1998

Illustration
Les organismes participant au projet NEDLIB

  1. (retour)↑  Cet article est le texte d’une intervention prononcée lors d’une journée organisée par le British Council, le 4 novembre 1997, dans ce même établissement. Il a été traduit par Oristelle Bonis.
  2. (retour)↑  Cet article est le texte d’une intervention prononcée lors d’une journée organisée par le British Council, le 4 novembre 1997, dans ce même établissement. Il a été traduit par Oristelle Bonis.