Le catalogue collectif de France

Edwige Archier

Yves Moret

Daniel Renoult

La Bibliothèque nationale de France a reçu délégation de maîtrise d'ouvrage du Catalogue collectif de France. Le Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation en constitue la première étape, disponible en ligne sur Internet. Les auteurs présentent les principaux objectifs du projet, les étapes de réalisation, l'architecture du système et les services offerts à l'utilisateur final.

The Bibliothèque nationale de France has been delegated to oversee the preparation of the Union Catalogue of France (Catalogue collectif de France). The Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation constitutes the first step, and is available on-line on the Internet. The authors present the principal objectives of the project, the steps towards its realization, the architecture of the system and the services offered to the end-user.

Die Bibliothèque nationale de France hat die Bearbeitung des französischen Gesamtkataloges übertragen bekommen. Das Nationale Verzeichnis der Bibliotheken und Dokumentationszentren stellt hierzu den ersten Schritt dar. Es steht online im Internet zur Verf¨ügung. Die Autoren stellen die wesentlichen Ziele des Projektes, die Schritte der Realisierung, die Architektur des Systems und die dem Endnutzer gebotenen Dienste dar.

L’idée de constituer un catalogue commun à l’ensemble des bibliothèques françaises est ancienne. Plusieurs applications ont été réalisées – Catalogue collectif national des publications en série, Pancatalogue –, pendant que l’informatisation des catalogues de la Bibliothèque nationale se développait et que celle des bibliothèques municipales ou universitaires se généralisait.

À l’occasion du projet de la Bibliothèque de France, et sous réserve de réaliser d’importants programmes de conversion rétrospective, les conditions semblaient remplies pour réaliser ce grand rêve des chercheurs. Aujourd’hui, après plusieurs années de travaux préparatoires, la première phase du Catalogue collectif de France (CCFr) entre en service. C’est l’occasion de faire le point sur la préparation et les grandes orientations du projet, sur son calendrier de réalisation, ainsi que sur le détail des services qu’il pourra rendre à tous, bibliothécaires et utilisateurs finals.

Principales étapes du projet

Au mois d’avril 1989, à l’occasion d’une communication en Conseil des ministres, le principe de la réalisation du Catalogue collectif de France est adopté. Cette volonté politique est confirmée en octobre 1990 par une lettre du Président de la République à l’Établissement public de la Bibliothèque de France, qui se voit confier la maîtrise d’ouvrage du projet.

Dès lors, les études préalables sont prises en charge, d’abord par l’Association pour la Bibliothèque de France, puis par l’Établissement public de la Bibliothèque de France en liaison avec les responsables des grands réseaux documentaires existants. Un groupe de travail, présidé par Jacques Bourgain, est constitué. Une première étude est commandée à la société GSI/ERLI (Schéma d’élaboration d’un Catalogue collectif national des fonds documentaires) et complétée par une étude de scénario technique, ultérieurement expertisée par Bull. Après de longues discussions, les premières propositions du groupe de travail sont validées par le comité de pilotage du CCFr qui approuve le lancement de trois études complémentaires :

– le schéma directeur stratégique, confié, après un appel d’offres, au groupe Tosca Consultants AITIC, est validé en décembre 1991 ;

– la maquette du poste de l’utilisateur du CCFr réalisée en mars 1992 par la société Triel ;

– le schéma directeur opérationnel du Catalogue collectif de France, étape préalable à la conception informatique. Cette étude, confiée à la société Steria en 1993, et qui définit principalement les choix fonctionnels et techniques, sera achevée en juin 1994.

À l’issue de ces études, le comité de pilotage du projet valide le recours à un marché global de conception, réalisation et équipement, dans le cadre d’un appel d’offres sur performances. Un programme fonctionnel détaillé est établi dans le courant de l’année 1995 en concertation avec les partenaires du projet, et l’appel public à concurrence est publié le 6 janvier 1996. Le choix de la société (Sema Group et Bull, avec Geac en sous-traitance) est effectué en décembre 1996.

Le marché de réalisation comprend les postes suivants : conception générale et conduite du projet, création des prototypes, conception détaillée et réalisation des différents modules de l’application, conception détaillée et réalisation du pilotage, architecture technique, formation et assistance technique. Commencée en 1997, la réalisation proprement dite devrait s’achever à la fin de l’année 1999. Le coût total du projet, études préalables et assistance à maîtrise d’ouvrage incluses, avoisinera 41,5 millions de francs.

Parallèlement à la réalisation de ces études, et afin de donner au CCFr, dès son ouverture, une masse critique de références, ont été réalisées des campagnes de rétroconversion des fonds des bibliothèques municipales (226 fonds dans 54 bibliothèques traitées) et des bibliothèques universitaires (31 bibliothèques traitées, dont 17 dans le cadre d’opérations financées par la BnF). Elles ont permis de traiter 2,5 millions de références bibliographiques correspondant à la créa- tion de 2,2 millions de notices d’ouvrages appartenant essentiellement à des fonds anciens (antérieurs à 1811), locaux ou régionaux pour les bibliothèques municipales. Ces notices constitueront un catalogue particulier des Bibliothèques municipales rétroconverties (BMR).

Pour les bibliothèques universitaires et de grands établissements, 750 000 notices décrivant des fonds de recherche seront chargées dans le catalogue du système universitaire (SU).

Principes directeurs et grandes fonctions

L’élaboration d’un catalogue collectif donnant accès à des applications de statuts variés et placées sous des tutelles ministérielles différentes (ministères chargés de la Culture, de l’Éducation nationale, et de la Recherche) a demandé des négociations assez difficiles, mais a obligé les partenaires à préciser ensemble les objectifs et les fonctions du CCFr. Trois grandes orientations caractérisent le projet : le partenariat, l’accès intégré et gratuit aux références documentaires, et la priorité donnée aux fonctions d’identification et de localisation.

Projet interministériel, le Catalogue collectif de France vise, en s’appuyant sur les réalisations développées par les ministères chargés de la Culture, de l’Éducation nationale, de la Recherche et les institutions responsables de la production et de la diffusion d’information bibliographique, à la mise en place d’un outil commun d’accès aux ressources documentaires d’intérêt national.

Catalogue des catalogues, le catalogue collectif de France permettra un accès unifié aux grandes ressources documentaires. Il intégrera dans un premier temps :

– le catalogue des imprimés et documents audiovisuels de la Bibliothèque nationale de France ;

– les catalogues des fonds anciens et spécialisés de grandes bibliothèques municipales ;

– les catalogues des bibliothèques universitaires et de recherche (système universitaire).

Enfin, le CCFr est un outil de localisation des documents. Ce n’est pas un réservoir de données bibliographiques, destiné à alimenter des catalogues locaux, ni un instrument complexe de recherche documentaire (pas de recherche par sujet pour les ouvrages des fonds anciens par exemple). Le CCFr n’entend pas non plus se substituer aux systèmes de fourniture du document (INIST, bibliothèques universitaires, etc.) : il est une passerelle mettant en relation l’usager avec les différents fournisseurs et l’invitant à choisir une bibliothèque de rattachement pour recevoir le ou les documents qu’il a choisis.

De ces orientations découlent les trois grandes fonctions du CCFr :

Guide des sources de documentation : il s’agit d’informer l’usager sur la localisation des fonds, la géographie des ouvrages de recherche disponibles en France, et sur l’accessibilité des documents grâce à un Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation (RNBCD). Ce Répertoire présente l’ensemble des sources documentaires avec une description aussi complète que possible de leurs fonds. Il permet des recherches thématiques et géographiques ;

Références des documents : il s’agit de donner accès, grâce à une interface unique, à un ensemble significatif de catalogues collectifs et de catalogues locaux qui décrivent les fonds documentaires français intéressant la recherche, pour offrir à l’utilisateur final une vision globale et structurée ;

Fourniture des documents : il s’agit d’améliorer l’accès aux documents eux-mêmes, en organisant la meilleure continuité possible entre les fonctions de consultation des références et les services de prêt entre bibliothèques et de fourniture de documents.

Calendrier de réalisation

Commencés en juillet 1997, les travaux comprennent une tranche ferme (huit mois) et deux tranches conditionnelles de dix mois chacune. La réalisation, qui va donc s’étaler sur trois années, de 1997 à 1999, comprend trois grandes étapes :

– réalisation et mise en service du Répertoire national des bibliothèques et des centres de documentation (RNBCD) en 1998. Après la vérification d’aptitude en mars 1998, la mise en service sur Internet devrait s’effectuer en mai 1998 ;

– réalisation des accès aux catalogues distants, au cours du premier trimestre 1999 ;

– réalisation et début de mise en service des fonctions de prêt entre bibliothèques et de fourniture d’accès aux documents en décembre 1999.

La mise en service des différentes étapes du CCFr dépend étroitement de l’avancement des principaux systèmes partenaires : la Bibliothèque nationale de France, les universités et l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (ABES), les bibliothèques municipales. La mise en service du système d’information de la Bibliothèque nationale de France s’effectuera en octobre 1998 pour les accès publics sur place et au deuxième trimestre 1999 pour les accès distants. Le calendrier du Système universitaire aboutit à une phase de déploiement début 2000. Les rétroconversions de bibliothèques municipales sont disponibles dès 1998.

Au vu de ces calendriers comparés, la nécessaire synchronisation des projets aboutira donc à une montée en charge progressive du CCFr, donnant d’abord accès aux fonds des bibliothèques municipales et de la BnF, puis aux fonds des bibliothèques universitaires via l’ABES.

Principes techniques, architecture, exploitation

Les spécifications du CCFr en font un produit conforme aux normes internationales : Z39.50 version 3 (1995) pour les échanges liés à la recherche bibliographique et à la localisation, et ISO 10 160 et 10 161 (ILL) pour les échanges avec les systèmes externes de prêt entre bibliothèques. L’interrogation pourra se faire via les principaux modes d’accès à Internet.

Les scénarios techniques de réalisation du CCFr ont donné lieu à de nombreuses discussions, tant entre les experts qu’entre les partenaires. Fallait-il concevoir ce catalogue collectif comme une fusion de toutes les bases de données existantes, ou au contraire considérer qu’une interrogation simultanée de toutes les bases distantes était possible sans nécessairement intégrer toutes les données sur un seul serveur ? L’évolution très rapide de l’informatique et l’émergence d’Internet a finalement donné raison aux partisans de la seconde solution (cf. schéma p. 25).

L’architecture globale du CCFr est celle d’un serveur Web qui se compose de cinq serveurs dédiés : un pare-feu (firewall), un gestionnaire d’accès, un serveur supportant les fonctions de consultation et de travail du RNBCD, un serveur supportant les principaux référentiels du système, un serveur hébergeant les catalogues des bibliothèques municipales. À ces serveurs, s’ajoute un serveur destiné à tester les développements informatiques et une station ISM permettant l’exploitation automatique des machines.

Aujourd’hui, l’équipe de maîtrise d’ouvrage du CCFr comprend quatre personnes : un chef de service, qui dirige le projet, un ingénieur, un responsable fonctionnel et un chargé d’études. Devraient s’adjoindre bientôt une assistance technique et un administrateur des données. L’exploitation informatique proprement dite est assurée par la direction des systèmes d’information de la BnF dans le cadre d’un contrat d’infogérance passé avec la société Syseca.

Le Répertoire national des bibliothèques et des centres de documentation

Le Répertoire national des bibliothèques et des centres de documentation est accessible via Internet depuis le mois de mai 1998 (adresse http://www.ccfr.bnf.fr). Ce Répertoire fournit des informations d’ordre pratique et scientifique sur environ 3 500 bibliothèques et centres de documentation (nom, adresse, téléphone, télécopie, site web, historique, accès, fonds particuliers, services offerts, partenaires). Les recherches peuvent être menées à partir des critères suivants :

– recherche sur le nom de la bibliothèque, de la ville ou du département ;

– recherche à partir d’une interface cartographique (par région, par département, par ville) ;

– recherche sur le nom d’un fonds particulier ;

– recherche d’un ensemble de documents sur un thème particulier.

Le système permet la combinaison de plusieurs recherches et la constitution de paniers, ainsi que la connexion, quand elle est possible, au site Web de la bibliothèque.

Les notices décrivant les bibliothèques et centres de documentation proviennent de deux grandes sources :

– 3 000 notices descriptives sont issues du Répertoire des bibliothèques membres du Catalogue collectif national des publications en série (RBCCN), régulièrement mises à jour par les centres régionaux du CCN et transmises au CCFr par l’ABES ;

– 1 000 notices descriptives sont extraites du fichier de la Direction du livre et de la lecture et mises à jour lors des enquêtes annuelles sur les bibliothèques publiques. Ce fichier comprend les bibliothèques départementales de prêt, les bibliothèques municipales des communes de plus de 10 000 habitants, et les relais-livres en campagne.

Le Répertoire sera mis à jour par lots. Les notices du RBCCN seront extraites périodiquement du fichier de l’ABES et rechargées dans le RNBCD, Répertoire national des bibliothèques et centres de documentation, tandis que les notices venant de la DLL seront mises à jour annuellement. Le CCFr transmettra aux sources les différences éventuelles, afin de garantir la cohérence des données. Pour les bibliothèques publiques, des fonctions de mises à jour, via un formulaire accessible par un navigateur Web, seront mises à disposition dès l’ouverture. Toutefois, ces notices ne seront chargées qu’après validation par l’administrateur du CCFr. Pour les bibliothèques ne disposant pas d’un accès Internet, les mises à jour pourront être envoyées par courrier, télécopie ou tout autre moyen.

La description des fonds proprement dits est gérée par l’ABES pour les bibliothèques universitaires, et par le CCFr pour les bibliothèques de lecture publique. Des éléments succincts figurent déjà dans les notices du Répertoire des bibliothèques et organismes de documentation publié par la Direction des bibliothèques et de la lecture publique en 1971 et mis à jour en 1973.

Accès aux catalogues distants

On l’a vu, la réalisation des accès aux catalogues distants est étroitement dépendante de la mise en service des systèmes des partenaires. La montée en charge, qui sera progressive, permettra de donner accès, dès l’an 2000, à environ quatorze millions de notices : 7 millions pour la BnF, 4,5 millions pour le système universitaire et 2,5 millions pour les catalogues de bibliothèques municipales.

Il s’agira pour l’usager d’interroger un catalogue virtuel par une seule requête, envoyée simultanément au serveur Z39.50 de chacune des composantes : catalogue de la BnF, catalogue du système universitaire et catalogue des produits de la conversion rétrospective des catalogues de bibliothèques municipales. Chaque ensemble de réponses est alors retourné au Catalogue collectif de France.

Le résultat global sera ensuite soumis à un traitement particulier, qui correspond à un dédoublage à la volée, afin de présenter à l’utilisateur une liste d’information la moins redondante possible : en effet, si, au sein d’une même base de données, les administrateurs peuvent procéder à la fusion des notices, il est fort probable que chacune des trois bases consultées contienne au moins une fois la même notice bibliographique. Si un nombre limité de notices identiques ne devrait pas gêner outre mesure la consultation, il est souhaitable qu’une telle liste ne dépasse pas un trop grand nombre d’occurrences. Ces regroupements interviendront par passes successives, afin de lever les ambiguïtés correspondant à chaque type d’information : auteur, titre, édition et localisation.

Si l’accès banalisé au CCFr se fait depuis le Web, l’usager du système universitaire bénéficiera d’un dispositif particulier : il sera vu depuis le CCFr comme un poste client Z39.50.

Ce choix d’architecture permettra de relancer la même requête sur les bases BnF et BMR si celle-ci a été infructueuse sur le système universitaire. Les points d’accès concernent l’auteur, le titre, l’éditeur et l’imprimeur.

Accès au prêt entre bibliothèques

Si sa recherche de localisation est fructueuse, l’usager peut souhaiter consulter le document sous forme originale ou sous forme de reproduction, sans avoir, pour sa demande de prêt, à ressaisir les informations concernant le document ou l’établissement qui le détient.

Le CCFr développera l’application de « prêt interbibliothèques » (PIB) pour les bibliothèques de lecture publique. Le PIB est fondé sur la notion de bibliothèque de rattachement, garante de l’usager emprunteur auprès de la bibliothèque prêteuse, que celle-ci appartienne au réseau des bibliothèques publiques ou à celui des bibliothèques universitaires. En effet, le CCFr servira d’interface entre le PIB et le PEB, prêt entre bibliothèques, qui intéresse prioritairement les bibliothèques et centres de documentation du futur Système universitaire.

L’aiguillage des demandes sera régulé, afin de ne pas surcharger les réseaux existants, et dans le respect des règles de gestion des différents partenaires institutionnels. Le CCFr jouera enfin le rôle de passerelle avec le Service de fourniture à distance de documents que prépare la BnF.

Perspectives

L’orientation des programmes de rétroconversion (les fonds anciens, les ouvrages de recherche) montre bien que le public des chercheurs au sens large est le premier visé par le CCFr. L’accessibilité sur Internet en fait les premiers destinataires.

Le public des professionnels des bibliothèques et de la documentation, chargés d’orienter et de guider les lecteurs, est bien évidemment l’autre public préférentiel de cet instrument de travail.

L’évaluation des services rendus et l’amélioration de l’outil font partie des tâches de l’équipe chargée de gérer le CCFr.

Le développement très rapide d’Internet fait entrevoir d’autres services qui pourraient compléter les fonctions du catalogue collectif : repérage des bibliothèques numérisées, catalogue des sites Web, etc.

L’architecture retenue, fondée sur le Web, devrait se révéler bien adaptée à la fonction de guichet de services complémentaires, qui offrent la possibilité de rebondir de l’un à l’autre.

Mars 1998