Usages et usagers de l'information

par Maria Witt

Yves-François Le Coadic

Paris : ADBS : Nathan. 1997. --128 p. ; 18 cm. - (Collection 128 ; 174 Série Information et documentation). ISBN 2-09-190 366-3 : 49 F

Ce manuel pratique, premier de la série « Information et documentation » de la collection 128 1, traite des usages et usagers de l'information. Fini, diront certains, « l'heureux » temps où les bibliothèques et les centres de documentation pouvaient fonctionner sans les usagers. Certes ! Ils perturbent l'organisation interne, la manière de classer et de « cacher » l'information. Mais ils sont de plus en plus exigeants, et ils donnent leur sens à des institutions dont la mission est l'information et la documentation, et qui, sans eux, ne seraient que des centres de conservation morts. Il est donc de notre intérêt de mieux les connaître, et de développer des services d'information/documentation satisfaisants, des plus simples au plus sophistiqués.

Définitions des publics

« Qu'on le souhaite important ou confidentiel, docile ou insoumis, silencieux ou doué de parole, composé de pairs ou de vulgaires, savant ou ignorant, le public est toujours le référent ultime, celui qui légitime la proposition et ses coûts, celui sur lequel, d'une manière ou d'une autre, on souhaite agir, celui que l'on veut toucher. L'intérêt pour le public est aujourd'hui un moteur dans l'évolution des institutions culturelles », non seulement des musées, mais aussi des bibliothèques et des centres de documentation et d'archivistique.

« Existe-t-il un grand public ? [] Cette notion n'est pas à rejeter. Elle rejoint l'idée d'un collectif potentiellement universel, la totalité de la population, d'usagers unis par un lien social ténu, conçu sur le modèle de partage, du rassemblement, de l'agrégation identitaire ».

« Par l'approche orientée-usager, l'usager passe du statut d'utilisateur final à celui de partenaire à part entière des systèmes d'information. Il subsiste encore trop de non-usagers. Quant à l'ensemble des usagers d'un système d'information, il constitue le public de ce système. L'hétérogénéité de ces usagers conduit à la représentation non pas du public, mais d'une pluralité de publics qui cohabitent dans chaque système en développant des comportements spécifiques dans des environnements d'usages propres ».

Cette approche signifie que les commentaires et les critiques des usagers-partenaires sont pris en compte dans l'amélioration des services. Il faut non seulement les écouter, mais aussi les solliciter, susciter la création de clubs de lecteurs de toutes catégories, et n'en rejeter aucun.

« L'usage d'un système d'information est une mesure importante de son efficacité : plus il est utilisé, plus il est efficace ». Mais attention aux interprétations trop hâtives ! Yves-F. Le Coadic met le lecteur du manuel en garde : « Certains livres à haute valeur informationnelle ne peuvent être que rarement empruntés ! Et inversement ».

Après la partie introductive qui va des définitions et des descriptions des usages de l'information et des systèmes d'information, aux typologies des usagers, à leurs comportements, leurs pratiques culturelles et informatives (liées à la lecture, à l'utilisation des bibliothèques, à la fréquentation des musées), Yves-F. Le Coadic donne des conseils sur la manière de mieux connaître « son » ou « ses » public(s).

On trouve notamment dans les chapitres 4 « Les études des usages et des usagers de l'information » et 5 « Les techniques d'étude », une brève description des techniques documentaires, statistiques, infométriques, sociales (questionnaire, entretien, observation, agenda, sondage).

Former l'utilisateur, le faire participer, le motiver

Le dernier chapitre, intitulé « La formation des usagers », souligne l'importance du professionnel de l'information bibliothécaire, documentaliste, éducateur, promoteur des produits, des services et des systèmes d'information. Selon l'auteur, « l'usage effectif d'une bibliothèque n'est pas acquis ». Il propose donc de « ne délivrer, à l'université, la carte de bibliothèque qu'aux étudiants ayant suivi une formation à ces usages ».

L'apprentissage peut et doit commencer dès le plus jeune âge, pour aboutir à un enseignement adapté aux besoins des utilisateurs dans leur discipline - l'exemple est donné d'une formation pour les étudiants du Conservatoire national des arts et métiers (cent heures depuis 1985). Une meilleure coopération avec le milieu éducatif peut être un progrès.

Mais on pourrait aussi songer à une organisation des collections qui soit plus explicite et plus simple, à des catalogues clairs et mis à jour, à un libre accès aux documents, aux terminaux et aux ordinateurs, à une meilleure disposition des lieux, à une signalétique mieux pensée. L'élaboration de modes d'emploi courts et faciles compléterait parfaitement la médiation humaine, ainsi que l'abandon d'un certain jargon au profit de termes compréhensibles par le public, la promotion de l'offre et des services, etc. Cependant, tout au long de l'ouvrage, revient la question « A quel degré d'autonomie les utilisateurs doivent-ils être menés ? ».

L'auteur souligne l'importance du travail en réseau entre les institutions documentaires (bibliothèques, centres de documentation), dont les horaires d'ouverture ne sont pas assez larges ; ainsi que celle d'une réorientation supposant l'accès à des outils fiables et rapides.

« Apprendre à s'informer, c'est apprendre à apprendre et à tenir à jour ses compétences », proclame l'auteur du livre ; acquérir des réflexes s'avère utile dans la vie quotidienne et professionnelle. Connaître sa profession et son milieu professionnel, être curieux, se tenir au courant et ne pas se sentir dépassé par les technologies et l'évolution de l'environnement de l'information, tel est notre rôle. N'ayons pas peur non plus d'être dépassés par les connaissances du public.

« Quel que soit le domaine d'activité, si l'on n'a pas ces connaissances, il est difficile de choisir pertinemment quelles revues lire, quelles banques de données interroger, à quel congrès participer. On n'aura de sa discipline qu'une image très partielle ; ce qui peut conduire par exemple à continuer à travailler sur des thèmes de recherche en voie d'abandon ! De même, si l'on ne sait pas comment fonctionnent les techniques électroniques et photoniques, nouvelles jour après jour, on ne peut pas les utiliser avec profit ».

Pour terminer, quelques remarques. La bibliographie se limite au thème général : il manque une bibliographie relative aux usages particuliers, comme, par exemple, celui de l'OPAC. Des articles récents auraient pu être cités et remplacer les références plus anciennes 2. Parmi les revues de base, le Bulletin d'informations de l'abf aurait mérité d'être mentionné, ainsi que quelques manifestations qui se préoccupent de l'usager, par exemple, la table ronde « User Education » de l'IFLA, et des conférences ou journées d'étude consacrées à ce sujet.

Quelques erreurs auraient pu être évitées : LISA et ISA (p. 124) ne sont pas des revues, mais des bases de données ; ADBS ne veut pas dire Association des professionnels de l'informatique et de la documentation (verso de la page de titre).Mais ces quelques observations n'enlèvent rien de sa valeur pratique à ce livre utile à tous les professionnels de l'information ou à toute autre personne intéressée par le sujet.

  1. (retour)↑  La nouvelle série « Collection 128 », coéditée par le département Université de Nathan et l'ADBS (Association des professionnels de l'information et de la documentation), est destinée aux étudiants de premier cycle, futurs professionnels d'information, aux formateurs, chercheurs, documentalistes, bibliothécaires, archivistes, muséologues et médiologues...
  2. (retour)↑  Par exemple, « Why are on-line catalogs still hard to use ? », de Christine L. Borgman, dans Jasis, en 1996 ; ou un article sur l'utilisation des OPAC par les enfants, de Sandra G. Hirsh, dans Library Trends, en 1997.