Les conditions de vie des étudiants

Les 13 et 14 janvier derniers, l’Observatoire de la vie étudiante organisait à la Cité internationale universitaire de Paris, un colloque intitulé « Les conditions de vie des étudiants ».

Conditions et financement de la vie étudiante, manières d’étudier, structure des cursus, furent les thèmes des séances plénières. Les pratiques culturelles, la santé des étudiants, la gestion du temps, de la vie à Paris et en province, la citoyenneté étaient au programme des ateliers, organisés durant les deux après-midi. Bruno Van Dooren, du SCD de l’université de Paris IV et président de l’ADBU (Association des directeurs de bibliothèques universitaires), évoqua la place de la bibliothèque universitaire dans la vie étudiante lors de la séance plénière intitulée « Les manières d’étudier ».

Le propos de Bruno Van Dooren, pour qui il est essentiel d’intégrer la fonction documentaire dans la réflexion sur les conditions de vie et de travail des étudiants, concernait la situation du 1,471 million d’étudiants des seules universités. Parmi les points de vue exprimés dans le public, on remarqua celui d’un directeur confronté à certains usages de la bibliothèque, aux attentes des étudiants, et donc soucieux d’apporter des améliorations.

Diversité des situations documentaires

Les situations documentaires sont d’une très grande diversité. Pour expliquer cet état de fait, il est nécessaire de prendre en compte, d’évaluer et de croiser plusieurs facteurs : les effectifs à encadrer ; les disciplines et les pédagogies ; les filières, courtes ou longues, générales ou spécialisées ; la question des cycles pour les études longues (la bibliothèque dite de premier cycle a-t-elle un sens ?) ; les géographies universitaire et documentaire : en effet, les sites d’enseignement peuvent être ou non dispersés, l’offre documentaire environnante plus ou moins riche grâce à la présence de bibliothèques municipales, spécialisées...; enfin, le caractère ancien ou récent de l’université en y incluant le cas des antennes universitaires.

Cette diversité et ces facteurs invitent à écarter les solutions clés en main et univoques, mais il ne faut pas pour autant favoriser le bricolage documentaire, et décourager l’élaboration de politiques documentaires nationales et universitaires.

Malgré les efforts incontestables réalisés depuis 1987 1, le constat général est préoccupant. On ne compte qu’une place pour dix-huit étudiants, et moins d’un demi-mètre carré par étudiant. Seulement 40 % des collections sont en libre accès (il en faudrait 80 %), et les sites d’enseignement peuvent être extrêmement dispersés. On compte actuellement cinquante heures d’ouverture hebdomadaire (il en faudrait 60), et 3 800 emplois – 2 500 créations seraient nécessaires.

La réalité de la modernisation des bibliothèques universitaires ne peut cependant pas être réduite à une question quantitative. En plus des moyens versés par l’État, ce sont les universités elles-mêmes qui doivent s’investir dans leurs bibliothèques.

Crise des bibliothèques universitaires ou crise de la pédagogie ?

Les bibliothèques universitaires accusent un retard certain si on les compare à leurs homologues allemandes ou anglaises 2. Ce retard peut s’expliquer par plusieurs facteurs : une poussée des effectifs en pleine crise documentaire ; des raisons historiques et institutionnelles, un développement et une gestion séparés du reste de l’université ; une grave dissociation de la pédagogie et de la documentation, et l’absence d’un lien organique fort entre les deux.

Les bibliothèques universitaires n’ont longtemps été considérées que comme une simple infrastructure, et non comme un équipement pédagogique et scientifique. Les notions d’encadrement documentaire des étudiants, d’apprentissage de la méthodologie documentaire, d’autonomie et d’autodidaxie par la recherche documentaire n’ont cours que depuis peu dans les universités.

La bibliothèque universitaire 3 n’est pas prioritaire dans le fonctionnement de l’université. Pour Bruno Van Dooren, la crise des bibliothèques universitaires est donc plutôt une crise de la pédagogie, trop longtemps mise de côté.

Cependant, se mettent en place de nouveaux modèles, qui privilégient la proximité, et par lesquels on apprend à apprendre, afin d’être plus autonome. L’acquisition de bases dans la recherche d’information est capitale ; se repérer dans le maquis de l’information, soumettre l’information au jugement critique doivent faire partie de la formation des étudiants et de leur citoyenneté.

Les étudiants au cœur de l’université

La pédagogie est la condition de la modernisation des bibliothèques universitaires. Les solutions et les investissements relèvent autant de l’État que des universités, qui doivent redéployer des moyens. Mais il s’agit de refuser les fausses solutions et de ne pas généraliser les exceptions :

– refuser la création de bibliothèques dites de premier cycle – ce qui consisterait en un retour à la salle de travail ou de permanence pourvue de quelques dictionnaires et d’usuels vite hors d’usage –, et de bibliothèques hors de l’enceinte universitaire ;

– revendiquer la notion de « bibliothèque d’étude », du premier cycle à la recherche, dans un continuum documentaire ;

– ne pas substituer l’aide personnalisée aux étudiants aux investissements universitaires et communautaires, c’est-à-dire ne pas céder au mirage et au miracle de la bibliothèque virtuelle. La bibliothèque, lieu ouvert à tous les étudiants, doit inscrire dans le territoire de l’université la permanence de sa mission d’enseignement et d’apprentissage ;

– refuser la répercussion sur les étudiants des taxes et redevances relatives à la photocopie et au prêt des ouvrages à domicile.

Il faut recourir, au contraire, à la construction, à la rénovation, à la modernisation, et à l’encadrement :

– pour que l’accès aux collections en libre accès soit le plus large possible, procéder au redéploiement des collections stockées en magasins par la construction de nouvelles surfaces et par le remembrement des locaux universitaires ;

– faciliter l’accès aux technologies de l’information et de la communication dans les bibliothèques ;

– en ce qui concerne l’encadrement, intégrer la méthodologie documentaire dans les cursus dès le premier cycle ; généraliser la constitution d’équipes pédagogiques associant enseignants et bibliothécaires, la mise en place de séances de travail en petits groupes ;

– développer le tutorat documentaire et pédagogique et les instruments d’autoformation au niveau national. Enfin, associer les étudiants aux commissions consultatives de la documentation, qui proposent la politique documentaire de l’université.

  1. (retour)↑  Le budget des bu a été multiplié par six (de 85 à 500 MF en 1998), le nombre des heures d’ouverture hebdomadaire est passé de 40 à 50, 350 000 volumes ont été achetés en 1988, 826 000 en 1996, 65 000 abonnements en 1988, 96 200 en 1996.
  2. (retour)↑  Le coût annuel moyen d’un étudiant français est de 32 000 F, celui d’un étudiant allemand de 35 000 F (Rapport Fauroux) ; or les bibliothèques allemandes achètent cinq fois plus de livres, ont des collections cinq fois plus importantes, au moins une place pour cinq étudiants, au moins 1,5 m2 par étudiant... et un nombre d’étudiants comparable.
  3. (retour)↑  La massification de l’enseignement supérieur et la réponse qu’a constitué le plan Université 2000 se sont traduites par une augmentation des heures de cours et par la construction prioritaire d’amphithéâtres et de salles de TD, les bibliothèques ayant connu un démarrage très tardif.