Formation et nouvelles technologies de l'information et de la communication

Élisabeth Noël

Les 3 et 4 décembre 1997, l’Institut de l’homme et de la technologie de Nantes organisait deux journées de colloque, sur le thème des nouvelles technologies de l’information et de la communication (ntic) et la formation. Ces deux journées ont rassemblé des interlocuteurs très variés : formateurs – formation initiale et continue –, chercheurs et directeurs d’établissements venant principalement d’écoles de commerce et d’ingénieurs, bibliothécaires.

Les préoccupations, les approches et les objectifs très différents des participants ont contribué à l’enrichissement des débats, orientés selon deux axes, le multimédia dans l’éducation et l’enseignement supérieur d’une part, et dans les formations professionnelles, d’autre part. Kim Veltman, de l’université de Toronto, fit une présentation générale de ce que peuvent apporter ces fameuses nouvelles technologies de l’information dans l’éducation. L’utilisation de la réalité virtuelle, de bases de données multimédias locales et mondiales peut enrichir les travaux de recherche, par exemple en histoire de l’art.

Expériences

Les intervenants présentèrent ensuite leurs réalisations multimédias, et l’expérience de l’utilisation de ces outils dans l’enseignement. Alain Meyer relata ainsi celle du Conservatoire national des arts et métiers des Pays de la Loire, où l’autoformation qualifiante et accompagnée à distance existe depuis 1987, à destination d’un public éloigné (zones rurales) ou de personnes qui ne veulent pas suivre une situation pédagogique classique. Christian Joye, du Centre d’entraînement européen Hewlett Packard, utilise le multimédia dans le cadre de la formation continue de cette entreprise internationale. La durée de vie des produits Hewlett Packard étant très courte, il est indispensable que le personnel se forme fréquemment et rapidement. Prendre du temps pour développer des produits de formation est peu rentable, la longévité des cours se raccourcit avec l’évolution des nouvelles technologies.

L’Intranet permet de mettre à la disposition des employés des informations sur les stages, et d’évaluer si ceux qui sont demandés sont adaptés, d’après la logique des formations déjà suivies. Des cours en ligne, très pratiques, sont aussi disponibles, par exemple, la reconstitution, sur un simulateur, de toutes les étapes de démontage et de tests qui permettent de déterminer la cause d’une panne. Cela permet une auto-évaluation chronométrée avant le stage lui-même.

Alain Chaix et Jean-Paul Sanna, de l’Institut de régulation et automation d’Arles, proposèrent un logiciel multimédia de validation des compétences. L’évaluation se fait par des questions (questionnaire à choix multiples, réflexion…) qui permettent de situer la personne par rapport à un métier déterminé, et de définir ses besoins réels en formation. Christine Corbou, de la ville de Nantes, présenta un cédérom destiné à la formation à la sécurité des éboueurs, public de faible niveau de qualification. Ce produit, complètement innovant, est utilisé en présence d’un formateur. D’une utilisation simple et claire, il semble adapté.

Yves Thomas et Francis Brucelle, de l’Institut de l’homme et de la technologie de Nantes, commentèrent plusieurs produits pédagogiques sur cédéroms ou disponibles par Internet. Les produits multimédias sont souvent la transposition de cours classiques, sans que l’aspect pédagogique et interactif soit repensé. Il faut cependant s’attacher à reproduire un processus pédagogique, par une structure guidée qui propose un cheminement. Même si ces outils permettent de remotiver les élèves, leur utilisation doit toujours se faire avec un accompagnement.

La formation

Deux directeurs d’établissements retracèrent, d’un point de vue plus théorique, leurs expériences de l’utilisation du multimédia dans le cadre d’une formation. Pour Roger Mezin, de l’École de commerce d’Amiens, nous devons absolument passer d’une pédagogie de la transmission des savoirs (l’enseignant énonce son cours devant l’élève) à une pédagogie de l’information (l’élève doit apprendre à chercher, à traiter, à évaluer l’information). En effet, les savoirs acquis évoluent très vite, il faut donc donner à l’élève les moyens de s’adapter.

Le multimédia peut alors s’insérer dans la pédagogie à travers la recherche d’information et la gestion de bases de données, auquel l’étudiant doit être préparé. Par ailleurs, l’utilisation de supports comme les cédéroms facilite, en un temps réduit, l’acquisition des connaissances de base par l’autoformation (ou temps autogéré). Cette efficacité s’explique par les différents types de données (sons, textes, images) fournies et la concentration induite par le travail sur machine.

Les pratiques et le métier des enseignants doivent évoluer, car l’utilisation du multimédia dans la pédagogie entraîne des rôles nouveaux. Ils doivent se spécialiser, dira Roger Mezin, proposant la typologie suivante : le professeur-auteur, qui écrit les cours ; le professeur-concepteur (didacticien), qui étudie leur mise en forme pédagogique sur support multimédia ; le professeur-animateur, qui encadre les séances de formation et donne le sens ; le professeur-conférencier, expert dans la discipline ; et enfin le professeur-tuteur, qui encadre les formations.

Gérard Unternaehrer, de l’École des mines d’Alès, insista sur le changement qu’introduit l’utilisation des technologies numériques de l’information et de la communication (terme préférable à celui de « nouvelles technologies de l’information et de la communication ») dans le processus d’apprentissage des élèves. Les expériences pédagogiques liées au multimédia et menées dans cette école sont restées peu concluantes, car il ne suffit pas de plaquer ces nouveaux outils sur une pédagogie ancienne, qui serait à repenser dans sa totalité. Cependant, à la demande des petites et moyennes entreprises (pme), le tiers des heures d’enseignement en formation continue se fait par le multimédia (visioconférences, forums de messagerie électronique pour les projets), avec succès.

Ainsi le multimédia s’insère dans l’enseignement, à la fois par le rapprochement des connaissances et par le développement de technologies utilisées pour la formation elle-même. Mais les professionnels butent encore sur certains problèmes, liés aux matériels (réseaux, manque de moyens, réalisations lourdes à mettre en place) et aux dispositifs nouveaux qu’il faut créer (reconnaissance politique, adhésion des enseignants pour faire évoluer la pédagogie).

Un outil d’accompagnement

Au-delà des opinions, tous les participants à ces journées se sont accordés pour dire que les outils multimédias ne remplacent pas l’enseignant ou le formateur. Le multimédia n’est pas une solution miracle, c’est un outil qui peut accompagner l’acte d’apprendre, mais la médiation humaine reste indispensable. Il faut, par ailleurs, repenser la pédagogie en général.

La conception d’outils pédagogiques multimédias nécessite de faire intervenir plusieurs interlocuteurs : enseignants, pédagogues, techniciens… Leur ergonomie, leurs aspects cognitif et méta cognitif commencent à peine à être abordés (alors que, pour créer des outils réellement efficaces, il semble essentiel d’appréhender le retentissement pédagogique de la manipulation et de l’utilisation d’un support multimédia en terme d’apprentissage et de mémorisation).

Lors de ces journées, le rôle et la place croissante de l’information sont apparus comme cruciaux à tous, au début d’une « ère de l’information ». Cependant, les personnels des bibliothèques ne sont absolument pas ressentis comme des interlocuteurs possibles, ni dans la recherche de l’information, ni dans un contexte pédagogique. À nous, professionnels, par nos initiatives et nos innovations, d’apporter notre contribution dans une perspective pédagogique.