Rapport mondial sur l'information 1997/1998
Le premier Rapport mondial sur l'information préparé par les services de l'Unesco, et édité par les services de l'organisation en 1997, propose au lecteur une revue globale et statistique des services et structures d'information, de bibliothèques et d'archives à travers le monde.
Articulé en trois parties, le rapport est préfacé par Federico Mayor, directeur général de l'Unesco, préface suivie d'une présentation de l'ouvrage par ses principaux artisans, Yves Courrier, de la Division de l'information et de l'informatique, et Andrew Large, directeur de l'École supérieure de bibliothéconomie et de sciences de l'information de l'Université McGill (Canada).
Bibliothèques et archives
La première partie de l'ouvrage est divisée en deux blocs thématiques, « Bibliothèques et services d'information », d'une part, et « Archives » d'autre part. A l'intérieur de chacune de ces deux subdivisions, un découpage géographique dit « géopolitique », distingue un certain nombre de zones régionales, d'ailleurs différentes selon qu'il s'agit de bibliothèques ou d'archives.
Cette première partie offre un panorama des systèmes nationaux d'information et de bibliothèques, des associations professionnelles, des programmes de formation et d'enseignement des sciences de l'information. Y figurent un certain nombre de tableaux statistiques. L'ensemble propose un bilan des réalisations à ce jour, ainsi que des obstacles de toute nature qui s'opposent à la modernisation des institutions étudiées. A cette approche institutionnelle traditionnelle s'ajoute une mise en valeur de l'utilisation des technologies de l'information et de la communication éventuellement mises en uvre dans le domaine. L'approche géographique adoptée dans la première partie se clôt sur un chapitre thématique consacré aux archives audiovisuelles dans le monde.
Les cinq chapitres suivants, qui forment la seconde partie de l'ouvrage, décrivent les infrastructures mises en oeuvre pour la réalisation de la « société de l'information ». Ils traitent à la fois des développements récents de l'informatique, des technologies multimédias, des technologies des télécommunications, d'Internet, et des critères de conceptions des grands bâtiments des bibliothèques.
La troisième et dernière partie de l'ouvrage, « Débats et tendances » se veut un espace de discussion qui aborde les « grands problèmes actuels », sous un angle général, philosophique, politique, économique, social, juridique, sans oublier bien sûr l'aspect technologique. Il traite des problèmes de coopération internationale et de l'assistance dans le domaine de l'information.
Insatisfaction
Ce premier Rapport mondial sur l'information est le résultat d'une collaboration de l'Unesco avec trente-deux auteurs issus de toutes les parties du monde.
S'il permet au lecteur de mieux connaître les développements des activités d'information, des bibliothèques et des archives dans le monde, il n'échappe pas à la critique sur certains de ses aspects. Le fait même qu'il s'agisse d'une « première » autorise pour l'avenir l'espoir que des améliorations notables pourront y être apportées. Les critiques venues « de l'intérieur » de l'Unesco ont été relativement nombreuses et virulentes.
C'est au cours de la onzième session en décembre 1996 du Conseil intergouvernemental du Programme général d'information de l'Unesco, organe institutionnel qui regroupe trente-six états membres de l'organisation, plus un certain nombre d'observateurs dont ceux de l'IFLA, que le Rapport mondial a été présenté et a fait l'objet d'une discussion.
Le compte rendu des travaux du Conseil fait état d'une insatisfaction exprimée par de nombreux délégués. Cette insatisfaction porte d'une part sur le déséquilibre de la représentation géographique dans le choix des auteurs (en particulier ceux qui ont traité les deuxième et troisième parties sont pour les deux tiers issus des pays industrialisés), et d'autre part et ce fut sans doute le reproche le plus virulent exprimé, sur le manque flagrant de données statistiques fiables et comparables.
Le Conseil a estimé que ce manque ôtait à l'ensemble de l'ouvrage son statut indiscutablement « mondial » généralement attribué aux rapports semblables de l'Unesco. Une autre critique faite à ce rapport consistait à dire que la place faite aux domaines traditionnels de l'information était bien trop importante et qu'ainsi l'Unesco démentait sa réputation d'organisation novatrice. Cette critique, si elle peut sembler très outrée au lecteur du rapport, n'en est pas moins essentielle à la compréhension du contexte qui a donné lieu à son édition, et elle pointe certaines ambiguïtés quant à sa destination.
Un projet éditorial flou
Le Rapport mondial sur l'information est un ouvrage rédigé par des spécialistes cooptés sur des bases parfois un peu opaques. Le manque éventuel de concertation dans le choix des auteurs provoque l'édition d'un rapport dont on ne sait pas vraiment quels sont les destinataires, grand public ou « décideurs », spécialistes et experts, économistes ou statisticiens, sociologues. Est-ce une tribune ? Un document d'étape ? Où est la vision claire du futur qui, souvent, fait l'intérêt des travaux de l'Unesco ?
Le projet éditorial flou du rapport ne laisse pas deviner les choix politiques de l'organisation, qui semble vouloir répondre à tous les besoins sans se donner vraiment les moyens de ses ambitions. La qualité très moyenne des statistiques réalisées dans ce premier rapport, l'inégalité qualitative des chapitres de présentation des zones géographiques mettent en valeur les deuxième et troisième parties, le discours l'incantation ? au détriment d'outils de comparaison utiles à la mise en oeuvre d'une coopération internationale efficace.
L'édition de futurs rapports mondiaux sur l'information devra montrer la capacité de l'organisation internationale à collecter et traiter les données de manière plus appropriée, et de choisir, dans sa dimension thématique, une approche un peu plus spécifique des problèmes. Si le choix clair de l'Unesco est de réaliser un rapport destiné au grand public, il faudra d'autre part privilégier une approche qui, au lieu d'opposer les anciens et les modernes, rats de bibliothèques contre cybernautes, sache montrer de manière plus forte pourquoi et comment les rats ont adopté les souris.