Les manuscrits enluminés occidentaux du VIIIe au XVIe siècle à la Bibliothèque nationale de Russie de Saint-Pétersbourg
France, Espagne, Angleterre, Allemagne, Italie, Pays-Bas
Tamara Voronova
Andrei Sterligov
Les éditions Parkstone et Aurora publient ici un fort beau livre, dans lequel sont présentées près de quatre cents miniatures appartenant à soixante et onze manuscrits, dans une excellente qualité de reproduction.
Constitution de la collection
Andrei Sterligov propose une brève histoire de l'enluminure occidentale qui permet à un lecteur cultivé, mais non spécialiste, de mieux saisir l'évolution des styles des illustrations et des écritures.
La collection des manuscrits occidentaux de Saint-Pétersbourg a été constituée à partir de la bibliothèque d'un fonctionnaire de l'ambassade de Russie à Paris, Pierre Dubrowsky (1754-1816), « clé de voûte » de ce fonds russe. Selon Florent Gille 1, Dubrowsky aurait cédé à son pays 1 065 manuscrits.
A cette collection s'est ajoutée celle de Pierre Suchtelen, ambassadeur de Russie à Stockholm, puis les manuscrits de la bibliothèque privée du tsar (appelée collection de l'Ermitage), et enfin, après la Révolution d'Octobre, quelques manuscrits des palais de Pavlovsk et Peterhof, ainsi que ceux des hôtels des princes Stroganov et Ioussoupov.
Des manuscrits français
L'histoire de ces collections, rédigée par Tamara Voronova, est en fait une page de l'histoire des bibliothèques de France. Les deux principaux lots du fonds Dubrowsky, acquis dans des conditions assez douteuses, proviennent des bibliothèques de la Bastille et de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés 2, après les saccages de la Révolution. Les manuscrits français forment la partie de loin la plus importante de ce livre. Leurs notices sont accompagnées d'une bibliographie, mais les légendes des illustrations sont un peu sommaires.
La plus ancienne pièce décrite est un manuscrit de Lettres de saint Jérôme provenant du scriptorium de Corbie, vers 700. De Corbie, peut-être aussi, un Évangéliaire pourpre de la fin du IXe siècle. Le Missel à l'usage de Saint-Nicaise de Reims (entre 1285 et 1297) contient, entre autres, la suite des miniatures ornant le Symbole des Apôtres, selon la légende transmise par Rufin d'Aquilée (345-410) : après la Pentecôte, chacun des Douze formula l'une des douze propositions du Credo.
Les Louanges de Monseigneur saint Jehan l'Évangéliste, d'un dominicain appelé ici Jean de Germanie (inconnu de Kaeppeli et Panella, « Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi »), sont illustrées de miniatures en grisaille avec des rehauts d'or et de couleurs, et constituent incontestablement l'un des chefs-d'oeuvres des manuscrits de la seconde moitié du xive siècle.
On ne sait quelle page décrire, tant les romans courtois, les livres d'histoire et de médecine, les bestiaires, ou les Heures, sont des exemplaires princiers, tous splendidement illustrés. Ce livre peut figurer dans les fonds d'une bibliothèque municipale et devenir un beau cadeau pour un lecteur cultivé.