Du fichier au cédérom
Les 50 ans du plus grand catalogue collectif régional d'Allemagne
Gernot U. Gabel
Ce sont les millions de fiches rangées dans les bacs tournants de classeurs métalliques qui ont autrefois été à la base de la gigantesque opération de catalogage menée autour du catalogue collectif du Land de Rhénanie-Westphalie (zk-nw : Zentralkatalog für die Wissenschaftlichen Bibliotheken des Landes Nordrhein-Westfalen). Aujourd’hui, les lecteurs de cédéroms contenant quantité d’informations ont pour une large part remplacé cet encombrant matériel, et les responsables du Catalogue ont bon espoir de mener leur tâche à bien d’ici quelques années.
Des changements profonds
Hébergé dans un immeuble sans prétention de la banlieue de Cologne, le Catalogue collectif a introduit des changements profonds dans les pratiques de prêt entre bibliothèques universitaires. L’entreprise a démarré au cours des difficiles années consécutives à la Seconde Guerre mondiale, au temps du lent processus de remise sur pied du réseau des bibliothèques allemandes, autrefois si efficace. L’État prussien, qui jusqu’alors formait le plus grand ensemble territorial du Reich, avait été découpé par les Alliés en plusieurs régions administratives, dont la Rhénanie-Westphalie.
Dans ce nouveau Land, qui a vu officiellement le jour en 1946, se trouvaient les riches mines de charbon de la vallée de la Ruhr et plusieurs villes prospères bâties sur le cours inférieur du Rhin. Relevées des décombres à la fin de l’année 1945, ses quatre universités (Aix-la-Chapelle, Bonn, Cologne, Münster) reprenaient leurs programmes de cours et de recherche. Parallèlement, leurs quatre bibliothèques réaménageaient leurs rayonnages et leurs collections, ou ce qu’il en restait, dans des locaux chichement éclairés et souvent dépourvus de chauffage. Tous les titres désormais déclarés indésirables ou perdus dans les bombardements aériens furent alors supprimés des catalogues.
La disparition du réseau prussien de prêt entre bibliothèques, centralisé par la Deutsche Staatsbibliothek de Berlin, contraignit chacune des nouvelles entités territoriales à repartir sur de nouvelles bases. Les collections de la bibliothèque universitaire de Cologne étaient celles qui avaient le moins souffert de la guerre, et au vu de leur relative importance, il fut décidé que leur catalogue servirait de point de départ au nouveau catalogue collectif des monographies conservées dans les bibliothèques universitaires de Rhénanie-Westphalie.
Après une phase préparatoire, la constitution du zk-nw commença officiellement en mars 1947. Ce travail se déroulait dans les locaux du bâtiment de l’administration centrale de l’université de Cologne, où se trouvait également la bibliothèque (jusqu’en 1966). La tâche fastidieuse consistant à recopier, à la main et à la machine à écrire, des milliers de fiches de catalogue venait de commencer. Au bout d’un an, 100 000 fiches environ avaient ainsi été recopiées et envoyées aux autres bibliothèques de façon à recenser tous les titres identiques.
Ce début de réorganisation du système de prêt entre bibliothèques s’avéra extrêmement précieux pour les chercheurs qui, jusqu’à la réforme de la monnaie en 1948 et à la fondation de la République fédérale d’Allemagne de l’Ouest, en 1949, n’avaient guère la possibilité de voyager et d’acheter des livres. La situation économique restait encore très difficile au début des années cinquante, mais petit à petit les collections des bibliothèques se sont étoffées et le budget de l’enseignement supérieur fut établi sur des bases solides. Chaque nouveau titre reçu (par acquisition, don ou échange) était dûment répertorié dans le zk-nw par le personnel des bibliothèques qui recevait et traitait des boîtes entières de fiches. En 1962, quinzième année d’existence du Catalogue collectif, les fichiers recensaient plus de deux millions de titres correspondant à des réserves de quatre à cinq millions de volumes.
Des fonds supplémentaires
Dans le courant des années soixante, une initiative visant à allouer un budget plus important à l’enseignement supérieur entraîna la création d’universités dans tous les Länder d’Allemagne de l’Ouest. Plus d’une demi-douzaine d’universités et un nombre plus conséquent d’instituts de technologie virent le jour dans la seule Rhénanie-Westphalie.
Les bibliothèques de ces nouveaux établissements bénéficièrent de fonds supplémentaires pour constituer en l’espace de quelques années de considérables collections de recherche. Ce qui, bien sûr, se traduisit par un accroissement substantiel de la charge de travail requise par le zk-nw. Mais l’ordinateur ayant, dans l’intervalle, fait son entrée dans les bibliothèques, les dernières nées des bibliothèques universitaires cessèrent d’enregistrer leurs acquisitions sur fiches pour créer des fichiers informatiques.
1973 vit la création d’un service central des entrées de catalogue, le Centre informatique des bibliothèques universitaires (Hochschulbibliothekszentrum), auquel fut également confié l’établissement du zk-nw. Désormais le catalogage avait un double visage, d’un côté les fichiers de classement « manuels » et, de l’autre, les fichiers informatiques.
Au cours des années suivantes, les bibliothécaires qui travaillaient selon les méthodes traditionnelles se virent de plus en plus fermement incités à adopter la nouvelle technologie. Le dernier pas fut franchi à la fin des années 80, quand la dernière des bibliothèques universitaires « ancien système » se rallia à l’ensemble des autres.
Pour autant, le zk-nw est loin d’en avoir fini avec les deux systèmes de catalogage. Entre 1947 et 1990, ses bureaux ont reçu près de quinze millions de fiches, nombre qu’il convient de ramener à six millions environ du fait des titres en plusieurs exemplaires. Pour que ce gigantesque fichier devienne accessible et puisse servir au prêt entre bibliothèques, il a été entièrement transféré sur microfiches et envoyé à tous les établissements universitaires. Cette décision a considérablement allégé la tâche du personnel employé à la constitution du zk-nw, puisque chaque bibliothécaire est désormais en mesure de localiser lui-même les ouvrages conservés dans d’autres bibliothèques que celle où il travaille.
Un catalogue en ligne
Pendant le dernier quart de siècle, en travaillant parallèlement sur les deux catalogues papier et informatique, les services du zk-nw ont constitué un catalogue en ligne qui comprend aujourd’hui quelque sept millions d’entrées représentant quatorze millions de livres environ. Deux fois par an, ces entrées sont transférées sur un cédérom distribué à l’ensemble des bibliothèques de la République fédérale.
Avec au total treize à quatorze millions de titres, le zk-nw de Cologne est le plus important des dix catalogues collectifs régionaux d’Allemagne. Toutefois, les utilisateurs n’apprécient que modérément les catalogues sur microfiches, la recherche documentaire à partir d’un catalogue en ligne étant plus simple que la lecture de microfiches. Pour assurer le transfert de l’ensemble des titres sur un unique catalogue, le ministère a récemment accepté de financer une gigantesque opération de reconversion des fichiers papier qui devrait être menée à bien en trois ans. Après la phase d’études, ce projet a été mis sur pied en juillet dernier. Grâce à lui, le zk-nw deviendra sous peu le catalogue en ligne le plus important d’Allemagne.