Bibliothèques d'art et nouvelles technologies
Isabelle Masse
Où en sont les nouvelles technologies dans les bibliothèques d’art ? C’est à cette question que la dizaine d’intervenants et les quelque deux cents personnes 1 réunies dans l’hémicycle d’honneur de l’École nationale supérieure des beaux-arts (énsb-a) ont tenté de répondre les 19 et 20 septembre derniers. La Sous-section des bibliothèques d’art de l’Association des bibliothécaires français – qui fête cette année son trentième anniversaire – y tenait en effet sa cinquième réunion nationale.
Catherine Lupovici, de la Société Jouve, présenta le dernier né des cd, le Digital Versatile Disc (dvd), disque numérique à usages variés, qui remplacera sous peu le cd classique. Simple ou double face, ses capacités de stockage sont accrues ; sa vitesse est de trois fois la vitesse d’un cd actuel, ce qui impliquera un changement de matériel de lecture 2. Dans les bibliothèques, le dvd permettra la constitution – et même la création lorsque la bibliothèque sera éditeur – de collections de documents électroniques.
La norme de catalogage de l’image fixe va enfin paraître. Marie-Claude Thompson, du Département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France (BnF), en a énuméré le contenu. Reposant sur l’isbd, elle contient des notions propres à ce support, par exemple la distinction entre œuvre et exemplaire, ou une application aux documents multipliables. Sa grande souplesse autorise le traitement pièce par pièce, par ensemble factice ou non factice...
Des réalisations intéressantes
Depuis le 19 septembre 1997, le catalogue du Centre de documentation du Musée national d’art moderne-Centre de création industrielle du Centre Georges-Pompidou est accessible sur Internet, dira Jean-Paul Oddos. Informatisé depuis 1988, il contient un fonds de revues, de catalogues d’expositions, de photographies d’œuvres, de dossiers sur des créateurs... C’est la norme Z39.50 qui a été choisie, car elle répond le mieux aux attentes d’un public spécialisé.
Une réalisation fort séduisante fut présentée par Catherine Donnellier : la banque d’images des collections spécialisées de l’énsb-a. Ces collections regroupent des dessins, des peintures, des estampes, des photographies, des sculptures et des manuscrits, soit au total 200 000 œuvres. La base contient environ 42 000 notices et 4 000 images numériques. C’est en 1990 que fut prise la décision d’informatiser des fichiers et inventaires jusqu’alors disparates et lacunaires. Le logiciel Micromusée de la société Mobydoc a été choisi, car il peut traiter de collections spécialisées variées ; il permet également la saisie en lot, un catalogage sommaire ou détaillé, la gestion et la circulation des œuvres, et il est capable de gérer des images.
Commencée en 1992 à partir des inventaires et fichiers existants, l’informatisation est aujourd’hui achevée, du moins pour l’ensemble du rétrospectif. Il reste à saisir « pièce à pièce » des œuvres pour lesquelles il n’y a pas d’inventaire. C’est en 1995 que les images ont été intégrées, chargées puis liées aux notices.
Le Musée historique des tissus, rattaché à la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon, possède des collections, tissus et échantillons, de provenance et de datation diverses, très mal inventoriées jusque-là. Depuis le printemps 1994, une banque d’images est accessible, qui permet un accès plus large aux collections, la préservation des originaux, et une meilleure connaissance des fonds. Les images, stockées dans un juke-box de cédéroms, sont consultées par les fabricants de tissus, le milieu de la mode, les professionnels de l’habillement, ou de la décoration.
Daniel Renoult, directeur de l’Informatique et des nouvelles technologies de la BnF, présenta les projets et réalisations de cet établissement. En 1998, le Catalogue collectif de France permettra l’accès à un répertoire informatisé de 5 000 bibliothèques françaises ; en 1999, treize millions de titres pourront être localisés. La numérisation, qui touche à sa fin – 100 000 ouvrages (86 % du programme sont achevés) et 300 000 images –, n’a pas pour objectif la conservation, mais l’amélioration de la gestion des collections, la communication de documents incommunicables en l’état, et la transmission à distance de documents. Le choix scientifique est celui de documents du xixe siècle et antérieurs. Le projet Gallica, dont la mise en place a eu lieu en octobre 1997, propose sur Internet une sélection de ces images et textes numérisés du xixe siècle francophone.
L’Institut national d’histoire de l’art
Michel Laclotte, qui préside la mission pour l’Institut national d’histoire de l’art, en fit une rapide description. Le futur Institut national d’histoire de l’art prend forme. Ce projet, lancé il y a au moins vingt-cinq ans par André Chastel pour renouveler l’histoire de l’art en France, envisageait la création d’un institut national qui regrouperait les différentes composantes de la communauté scientifique française. Après la publication de plusieurs rapports successifs, les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale y apportent aujourd’hui leur soutien.
Du côté de l’enseignement et de la recherche de 3e cycle, un certain nombre d’institutions seront juxtaposées 3, chacune gardant ses professeurs, ses méthodes, ses moyens, dans les locaux de la BnF, rue Vivienne, qui vont se trouver libres après le départ des imprimés à Tolbiac. En ce qui concerne la bibliothèque, une grande concertation a lieu entre la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques Doucet, la médiathèque de l’énsb-a, et la Bibliothèque centrale des musées nationaux. Tout en conservant chacune leur identité, leur personnel, leurs moyens, leur spécificité, elles devraient mettre en commun leurs collections, leurs systèmes informatiques. Quant au service de documentation – iconothèque, photothèque... –, il devra rassembler les photographies et les documents intéressant la communauté des historiens d’art (architecture, iconographie profane, bibliographie d’histoire de l’art rétrospective).
Fermetures et déménagements
La matinée du 20 septembre fut consacrée à trois tables rondes. L’une d’elles, animée par Isabelle Le Masne de Chermont, de la Direction des musées de France, avait pour thème les problèmes importants posés par les fermetures et déménagements de bibliothèques de musées, en particulier à Paris, où la situation est très délicate. Le musée Guimet et sa bibliothèque, la Bibliothèque du musée des Arts décoratifs, dont les travaux sont liés à ceux accomplis dans tout le bâtiment du musée des Arts décoratifs et à la fin de la programmation du Grand Louvre, ne rouvriront que dans deux ans au minimum. Le Centre Georges-Pompidou a fermé ses portes jusqu’au 31 décembre 1999. La documentation du mnam-cci restera ouverte jusqu’en décembre 1997. La Bibliothèque pu-blique d’information, fermée depuis le 29 septembre 1997, a rouvert au public le 19 novembre dans un ancien supermarché proche du Centre, dans le quartier de l’Horloge 4. L’offre de documents est réduite – 60 000 documents –, mais les horaires d’ouverture restent les mêmes, ainsi que le budget d’acquisitions pour 1998.
Les autres bibliothèques vont devoir réagir à l’afflux des demandes : elles subiront sûrement les retombées de ces fermetures prolongées, mais accueilleront le public dans la mesure des places dont elles disposent 5. La consigne générale fut celle du renvoi systématique sur la Bibliothèque nationale de France à Tolbiac qui offre cent cinquante places assises en littérature et art, 10 000 ouvrages, environ cent périodiques, et cinq cédéroms d’art.