Société pour l'histoire des auteurs, de la lecture et de l'édition
Rencontre annuelle
Jacqueline Sichler
La 5e rencontre annuelle de la Société pour l’histoire des auteurs, de la lecture et de l’édition (Society for the History of Authorship, Reading and Publishing, ou sharp) 1 s’est tenue au Magdalene College, à Cambridge, du 4 au 7 juillet 1997.
Durant la première matinée, le point fut fait sur les avancées de la rédaction des différentes histoires du livre actuellement en chantier en Angleterre, au Canada, en Australie, aux États-Unis, en Écosse, au Pays de Galles, et en Nouvelle-Zélande. L’après-midi, consacré aux archives des maisons d’édition en France, en Angleterre, au Canada et aux États-Unis, fut l’occasion de présenter l’Institut mémoires de l’édition contemporaine de Paris. Furent ensuite évoqués les différents outils bibliographiques disponibles pour le chercheur en histoire du livre, entre autres, la Bibliographie annuelle d’histoire du livre (Annual bibliography of the history of the book, ou abhb), publiée aux Pays-Bas avec la collaboration de nombreux comités nationaux. Enfin, furent présentés quelques centres pour le livre à travers le monde. Ce rapide tour d’horizon de l’état actuel des lieux et des projets en cours fut une excellente mise en condition pour la suite du colloque.
La rencontre fut officiellement inaugurée le lendemain par James Raven et Jonathan Rose, fondateur et actuel président de sharp. Dans son allocution de bienvenue, ce dernier rappela brièvement l’histoire du réseau et la place de plus en plus importante que prend l’histoire du livre dans la recherche et l’enseignement universitaires.
Guerre mondiale et guerre froide
Les conférences prononcées par les chercheurs étaient comme à l’habitude réparties en sessions. Pour ne s’en tenir qu’à quelques-unes, citons L’imprimé et la propagande dans les années 40, au cours de laquelle Valerie Holman, de l’université de Westminster, dans une intervention intitulée « Le lecteur imaginé d’outre-mer », présenta au public de nombreuses reproductions de pamphlets et d’ouvrages imprimés en Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale. La majorité des imprimés de ce pays était destinée à être larguée par avion sur les pays occupés.
L’intervention de Martin Meyer, de l’université de Kassel, sur Les imprimés du corps de l’armée : des armes dans la guerre des idées ? retraça l’immense machinerie éditoriale mise en œuvre par les Américains afin de fournir des ouvrages aux soldats américains. Ces imprimés ne traitaient pas que de questions d’actualité, la plupart étaient des romans, tels ceux de Jack London, Howard Fast ou Sinclair Lewis.
La troisième intervention prit en quelque sorte la suite chronologique des deux précédentes. Elle traita en effet des débuts de la guerre froide à partir du procès contre le livre de Boris Vian, J’irai cracher sur vos tombes, publié sous le pseudonyme de Vernon Sullivan en 1947. Martine Poulain, de l’enssib, suivit les aléas de ce « roman noir », qui heurta les sensibilités de l’époque.
En parallèle durant cette matinée, furent notamment évoquées l’alphabétisation des Indiens aux États-Unis au xixe siècle, les bibliothèques et la librairie en Amérique après la Guerre civile.
Manuscrits et imprimés
Les sessions de l’après-midi portèrent sur les trois différents systèmes d’écriture de l’imprimé au Vietnam, sur les ensembles de signes utilisés par les indigènes au Canada, ainsi que sur les ouvrages critiques traitant de la conquête de l’Amérique par l’Espagne.
D’autres se penchèrent sur la situation des manuscrits après l’introduction de l’imprimé, sur la production d’imprimés par les sociétés religieuses en Angleterre en 1790 et 1860, sur la littérature, la presse et la librairie en France au xviiie siècle – notamment Dominique Varry, de l’enssib, lors de son intervention intitulée Autour de la rue Mercière : gens du livre à Lyon au xviiie siècle.
Les sept groupes de sessions qui se déroulèrent ensuite confirmèrent l’impression de la première journée : d’une part, les liens réels existant entre les trois interventions de chaque session ont amené des discussions animées entre le public de l’auditorium et les conférenciers ; d’autre part, l’importance et la diversité des recherches entreprises dans le domaine de l’histoire du livre ne font que croître.
Parmi les interventions présentant un très grand intérêt, signalons celle prononcée par Mark Vessey, d’All Soul’s College d’Oxford, sur les problèmes d’auteur, à partir des traductions entreprises par saint Jérôme, celle aussi de Douglas Trevor, de l’université de Harvard, sur Thomas More et ses polémiques contre les textes de Martin Luther, celle enfin de Jacob Soll, de Magdalene College, sur l’emploi par les courtisans et les ministres des textes de Tacite en France au xviie siècle.
La rencontre s’est terminée par l’assemblée générale des membres de sharp qui marquait officiellement le début de la présidence de Simon Eliot, de l’Open University de Bristol, en Angleterre, succédant à Jonathan Rose.