Le livre à la carte

Bruno Blasselle

Dans le cadre d’une expérimentation de nouveaux services proposés à ses lecteurs, la Bibliothèque nationale de France offre depuis le mois de mai 1997 la possibilité d’acquérir, à la demande, des réimpressions d’ouvrages du département des Livres imprimés. La BnF a demandé au Livre à la Carte (Libris Éditions), qui bénéficiait déjà d’une expérience dans le domaine des techniques d’impression numérique, de se charger de ce test qui doit s’achever à la fin de l’année 1997.

Fonctionnement

La convention prévoit que seules les collections du département des Livres imprimés sont concernées – les ouvrages de la Réserve des livres rares en sont donc exclus.

La numérisation est effectuée sur place afin de limiter à quarante-huit heures l’indisponibilité des ouvrages. Pour écarter tout risque, le service de la Conservation du département, seul juge en l’affaire, refuse tout prêt d’ouvrage fragile. Seules des reproductions intégrales sont autorisées, afin d’éviter qu’un même document ne soit sollicité plusieurs fois. Les ouvrages déjà reproduits sur microformes sont exclus, la numérisation pouvant être faite à partir de la microfiche ou du microfilm.

Le matériel utilisé offre une grande sécurité : le livre est posé sur une table (munie d’un mécanisme de type Roberval pour répartir les poids), et la caméra de numérisation placée sur une potence. La source lumineuse est une source de lumière froide. La définition est de 600 DPI.

La numérisation se fait au rythme de deux pages en huit secondes, avec un objectif de 400 pages à l’heure qui tient compte des opérations de post-production : recadrage, traitement des contrastes, traitement des images, etc. L’imprimante utilisée est l’imprimante numérique DocuTech, machine mise au point par la firme américaine Rank Xerox. Elle imprime 125 pages à la minute et peut être raccordée à une relieuse en ligne. Il est possible d’augmenter le corps des caractères pour certains ouvrages, de façon à en faciliter la lecture pour les lecteurs qui le désirent. Deux tarifs sont proposés aux lecteurs : 2,50 F par page pour un délai de trente jours ouvrables ; 4 F pour un délai de dix jours ouvrables. Sauf demande particulière, les livres sont réimprimés sur papier ivoire, et brochés. Moyennant un supplément, ils peuvent être livrés avec une reliure cartonnée.

Les ouvrages reproduits doivent être épuisés. S’ils sont encore protégés au titre du droit d’auteur (par exemple si l’auteur est décédé depuis moins de soixante-dix ans), Le Livre à la Carte doit fournir la preuve qu’il a obtenu l’accord de l’éditeur, de l’auteur ou de ses ayants droit.

Le Livre à la Carte est propriétaire des fichiers numériques des ouvrages réimprimés. Mais il en remet gracieusement une copie à la BnF en vue d’une utilisation non commerciale et notamment de la consultation sur écran.

Premières impressions

La publicité autour de cette expérience a été volontairement très limitée, puisqu’il ne s’agissait que d’un test réservé aux lecteurs fréquentant le département des Livres imprimés. Seules quelques affichettes les en ont informés. Durant les deux premiers mois, une permanence a été tenue par Le Livre à la Carte pour répondre aux nombreuses interrogations suscitées par cette innovation. Le personnel de la Bibliothèque a été bien sûr étroitement associé, mais renvoie sur le numéro de téléphone du Livre à la Carte pour toute demande de renseignement.

Les premiers résultats après trois mois de fonctionnement sont très encourageants. Du 25 mai au 25 août, le nombre de commandes s’est élevé à 140, prouvant l’intérêt du public. Les domaines les plus demandés, l’histoire en tête, correspondent logiquement aux thèmes de recherche habituels des lecteurs.

Quant à la proportion importante des brochures, elle s’explique par la difficulté plus grande de les trouver en librairie ou en bibliothèque, tout autant que par des raisons de coût. Malgré son caractère limité, ce test montre que ce service répond à une attente et qu’il est possible de numériser dans les meilleures conditions de conservation et à un coût raisonnable. L’intérêt qu’il a suscité auprès de plusieurs grandes bibliothèques dans le monde montre aussi que la Bibliothèque nationale de France s’est engagée la première dans une technologie de pointe, aux très riches potentialités.