International Encyclopedia of Information and Library Science
Cette encyclopédie anglaise des sciences de l'information, qui paraît en même temps que le Dictionnaire encyclopédique de l'information et de la documentation 1, ne peut que provoquer une réflexion parallèle. Le point de vue adopté est identique, à savoir que la science de l'information s'est développée à partir de la bibliothéconomie, et que celle-ci est maintenant devenue une sous-discipline d'une science beaucoup plus large.
L'encyclopédie anglaise cherche à « exposer la théorie de l'information, mais aussi le stockage de cette information, son traitement, sa recherche et sa communication à ceux qui la demandent ». Déjà, l'ambition est plus large que celle de son homologue française et son point de vue plus équilibré. « L'essence du sujet qui nous occupe », est-il écrit dans la préface, « est l'information qui est maîtrisée afin d'être accessible et, par conséquent, utilisable ». Disons que la bibliothéconomie y est plus largement traitée.
La structure de l'ouvrage reflète la conception des auteurs. Neuf articles principaux en constituent le squelette parce qu'ils sont considérés comme ayant une fonction centrale : communication, économie de l'information, informatique, gestion de l'information, politique de l'information, théorie de l'information, industries du savoir, bibliothèques, organisation du savoir.
Ces articles sont plus longs que les autres, comme, par exemple, l'article « Informatique », ou l'article « Gestion de l'information » 2. Son équivalent ne figure pas dans le livre français. Ce sont donc de véritables essais. Autour de cette charpente, de nombreux articles décrivent en quelques lignes des sujets plus limités (« Tradition orale », « Libre accès », « Ephemera ») et de courtes rubriques apportent des définitions complémentaires 3.
Une philosophie différente
La philosophie est aussi différente, les articles sont plus historiques et exposent les différentes conceptions du sujet et donc son évolution dans le temps. Ils ressemblent à ces revues de littérature sur un sujet donné, exhaustives et annuelles, dont les Anglo-Saxons ont le secret 4. Ainsi, l'article « Théorie de l'information », qui est suivi de cinquante-sept références, résume la pensée de Claude Shannon (1948), puis l'évolution du concept avec Wersig, les sciences cognitives, le constructivisme, la théorie des systèmes, Jürgen Habermas, pour finir par la définition suivante : « La théorie de l'information est celle d'une réduction de la complexité ». Figure aussi un article sur la « Philosophie de la bibliothéconomie », qui résume les pensées de Antonio Panizzi, de Melvil Dewey, de Ranganathan.
De même, l'article « Organisation du savoir » est, avec ses seize pages et ses soixante-quatre références, l'un des plus importants. Le savoir est dans l'esprit humain, l'homme a appris à le représenter dans des messages rassemblés dans des documents, qui, pour être accessibles, doivent être classés. L'article décrit en détail l'indexation, le catalogage et la classification qui permettent de mettre en ordre ces documents, en faisant appel aux sciences cognitives pour comprendre les mécanismes d'appréhension des « catégories ».
Comme son homologue français, cet ouvrage contient des petites monographies sur certains types de bibliothèques, telles les bibliothèques universitaires, scolaires, médicales, musicales, les bibliothèques de livres rares et précieux et les bibliothèques de recherche, mais on ne trouve rien sur les bibliothèques de droit ou de sciences.
De même, certaines institutions comme la Bibliothèque nationale de France (par Martine Poulain), la British Library, l'American Library Association, le Council on Library Resources, font l'objet de rubriques indépendantes, alors que beaucoup d'autres sont simplement mentionnées dans des articles plus larges. Quelques pays font aussi l'objet d'un article indépendant, telles la France, l'Allemagne, la Russie, d'autres étant regroupés dans des ensembles régionaux, comme l'Amérique du Sud, l'Asie du Sud-Est, ou le Moyen-Orient.
L'index, très bien fait, offre une entrée à de nombreux pays analysés dans ces ensembles, ainsi qu'à de nombreux sujets qui n'ont pas d'articles spécifiques, comme « architectes » ou « Archives nationales de France », citées dans l'article sur les archives nationales. Curieusement, aucun article n'est spécifiquement consacré aux États-Unis (encore qu'un article décrive rapidement les bibliothèques nord-américaines) ou à la Grande-Bretagne, dont il est cependant beaucoup question dans la plupart des articles particuliers.
De nombreux articles biographiques figurent aussi dans cette encyclopédie, concernant surtout des personnalités anglo-saxonnes, comme Francis Bacon, John Baird, Theodore Besterman, Samuel Bradford, Charles Evans, Jesse Shera. En revanche, les bibliothécaires français ayant droit à une rubrique entière sont peu nombreux : ce sont Eugène Morel et Gabriel Naudé. Jean Mabillon a droit à une citation dans la rubrique sur la paléographie.
L'absence des réseaux
Il est aussi étonnant de ne voir aucun article sur les réseaux de bibliothèques (bien qu'il y ait un article sur les réseaux en général, avec une description d'Internet) et de très courtes mentions d'oclc, de rlin, d'unimarc. Une brève histoire du format marc figure sous « Catalogage lisible en machine »
Malgré ces quelques remarques, l'encyclopédie de John Feather et Paul Sturges constitue un ensemble très riche, plein d'explications sur la « Société de l'information », la « Traduction automatique », la « Programmation orientée-objet », la « Propagande », etc., dont on ne peut que conseiller la lecture à un bibliothécaire curieux de son métier en général et des autres pays en particulier. Elle n'est pas aussi complète ni aussi approfondie que la troisième édition de la World Encyclopedia publiée en 1993 par l'American Library Association, qui était aussi plus illustrée, mais elle est plus récente. Il est évident aussi que cette encyclopédie reflète une vision anglo-saxonne des bibliothèques et donne beaucoup plus d'informations sur les organismes ou les techniques anglais ou américains. Ce n'est cependant pas un défaut, puisqu'une grande partie de ce métier se construit dans les pays anglophones. Un bibliothécaire français a tout intérêt à savoir ce qui s'y passe.