Formation des utilisateurs dans les bibliothèques universitaires d'Île-de-France

Élisabeth Noël

En avril 1996, lors d’une séance du gremi (Groupe de recherche sur l’enseignement des méthodologies de l’information), j’ai présenté l’ébauche d’un recensement des formations documentaires. Cette recherche a ensuite été approfondie, afin d’établir un panorama de la formation documentaire proposée par les bibliothèques universitaires d’Ile-de-France pour l’année 1996-97 1, qui apparaissent dans l’annuaire du ministère 2. A terme, 81 sections de bibliothèques, quelles que soient leurs disciplines ou leurs implantations, ont été contactées par téléphone. L’enquête a porté sur tout enseignement formalisé, qu’il s’agisse de présentation, de visite, de cours, effectué par des bibliothécaires pour les étudiants.

En ont été exclues les formations méthodologiques effectuées par des professeurs ou des documentalistes, les formations destinées à des tuteurs, les formations effectuées par les bibliothèques des grands établissements ou non universitaires, la formation continue du personnel, et la formation des enseignants.

Sur les 81 bibliothèques interrogées, 40 (soit 49 % des sections) – dont 15 bibliothèques de médecine – ne proposent aucune formation. La plupart d’entre elles expliquent qu’elles manquent de temps ou de personnel pour organiser des cours destinés à leurs utilisateurs. Une assistance à la recherche est proposée, au cas par cas, de manière personnalisée, à toute personne qui demande de l’aide. Mais il s’agit surtout de répondre à des questions précises posées par le lecteur 3, sans que l’on puisse parler d’une réelle formation méthodologique.

Donner des repères

En Ile-de-France, le panorama de la formation est le suivant : les étudiants de premier cycle se voient proposer quelques présentations de la bibliothèque (de 15 à 30 minutes) en amphithéâtre, mais surtout des visites d’une heure en moyenne, axées sur les catalogues, qui donnent des repères à l’intérieur de la bibliothèque. Aux deuxième et troisième cycles sont proposés des cours, généralement de deux à quatre heures, axés sur la recherche d’information (utilisation des bases de données bibliographiques sur cédéroms) et de documents (catalogues).

Des formations brèves (une heure) à la recherche documentaire informatisée (utilisation des bases de données bibliographiques sur cédéroms) sont proposées à tous sur inscription préalable. Toutes ces formations sont généralement courtes et pratiques.

Les formations documentaires qui existent actuellement dans cette région sont encore trop rares, brèves et aléatoires ; elles sont rarement systématisées et restent très orientées vers la recherche documentaire (peu d’apprentissage de techniques de travail...). Elles existent surtout grâce à des enseignants conscients de la nécessité pour leurs étudiants de recevoir un tel enseignement, et qui demandent aux bibliothécaires d’intervenir. Ces derniers, eux aussi convaincus que les bibliothèques ont une telle mission à assumer, éprouvent une réelle difficulté à insérer les formations qu’ils proposent dans le cursus universitaire.

Un secteur à développer

La formation des étudiants par les bibliothécaires reste à développer en Ile-de-France, même si, ponctuellement, certaines bibliothèques ont réussi à mener des actions élaborées et pertinentes. Un recensement des formations qui existent en France, quantitatif et qualitatif, est à entreprendre. Au niveau national, d’après les chiffres de l’esgbu 1995 (Enquête statistique générale sur les bibliothèques universitaires), à peine 5 % des étudiants inscrits en bibliothèque reçoivent une formation, quelle qu’elle soit.

Les professionnels ont souvent la certitude que la formation est nécessaire, face aux nouvelles technologies de l’information de plus en plus présentes dans les bibliothèques. Mais celle qui est dispensée, quand il y en a une, n’est pas suffisante pour les lecteurs (pour le nombre de lecteurs concernés et le temps de formation dispensée), ni satisfaisantes pour les bibliothécaires, qui ont souvent l’impression de faire du bricolage.

Le résultat des expériences menées à l’université de Paris viii, où des étudiants de deug suivent une formation à la méthodologie de la recherche documentaire donnée par des enseignants, montre cependant le rôle que celle-ci joue dans la réussite et l’insertion professionnelle des étudiants 4. Il reste beaucoup à faire afin de donner à tous les étudiants la possibilité d’utiliser pleinement les services des bibliothèques, et contribuer ainsi à leur réussite, ce qui est notre rôle en tant que service de l’université.

Devant cette nouvelle mission des bibliothèques qu’est la formation, il est nécessaire de déterminer ce que notre profession doit prendre en charge, dans quelles conditions et avec quels moyens. Les bibliothécaires devraient peut-être établir, en concertation, un contenu de base, un programme de formation commun par niveau d’étude. Il faut aussi réfléchir aux conditions nécessaires de mise en place et de systématisation d’une telle formation dans le cursus universitaire – des heures et du personnel spécialement dévolus à cette mission –, et se pencher sur le rôle du système du tutorat auprès des étudiants de premier cycle.

Apprendre à un étudiant à repérer l’information, à comprendre l’organisation et l’accès aux documents, définir les concepts, c’est aussi lui donner les moyens d’organiser sa pensée, de décoder les règles qui régissent le travail intellectuel et, par-là, de s’affilier au système universitaire et de réussir 5. En tant que professionnels de l’information, quel rôle voulons-nous assumer dans ce processus ?

  1. (retour)↑  Les résultats complets de cette enquête (tableaux et chiffres), ainsi que le compte rendu de l‘enquête d’avril 1996, sont disponibles sur le site de l’urfist de Paris, rubrique gremi : http://www.ccr.jussieu.fr/urfist/
  2. (retour)↑  Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Sous-direction des bibliothèques, Adresse des organismes documentaires placés sous la tutelle de la DISTNB et de divers départements ministériels, Paris, 1996.
  3. (retour)↑  Par exemple : Comment rechercher des articles écrits par tel auteur, et les sauvegarder sur disquette ?
  4. (retour)↑  L’évaluation des enseignements de méthodologie documentaire à l’université de Paris VIII, sous la dir. de Alain Coulon, Université de Paris VIII, Laboratoire de recherche ethnométhodologique, 1993.
  5. (retour)↑  Alain Coulon, « Penser, classifier et catégoriser : l’efficacité de l’enseignement de méthodologies documentaires à l’université », Espace universitaire, 1996, n° 15.