Les réseaux départementaux sous l'angle de la formation

savoir-faire et savoir-dire

Nicole Larderet

Les réseaux départementaux se construisent à partir de canevas différents selon les caractéristiques historiques, géographiques, physiques et le degré d’urbanisation des départements auxquels ils sont rattachés, mais aussi selon les potentiels humains, financiers, et matériels des bibliothèques départementales de prêt. Ces divers éléments influent plus ou moins sur la typologie des dessertes, la configuration des points d’appui, la structure des catalogues, la répartition des collections, les services proposés aux bibliothèques... et donc sur le profil du réseau à construire. Mais la formation des équipes des bibliothèques du réseau et les relations humaines tissées entre ses différents acteurs sont aussi deux dispositifs non négligeables de cette construction.

Il est donc intéressant de mettre en perspective l’impact des objectifs des actions de formation proposées et réalisées et la construction d’un réseau départemental. Maillon essentiel du développement de l’activité de la bibliothèque rurale et de son image dans la commune, la formation des bibliothécaires (et salariés) est une réelle préoccupation des bibliothèques départementales de prêt. En revanche, pour diverses raisons, elle n’est pas toujours à la hauteur des enjeux de la construction d’un réseau départemental.

Le panel des formations proposées, quand il existe, suit globalement une logique d’apprentissage des « savoir-faire » : savoir organiser le circuit du livre, savoir indexer, savoir choisir un album pour enfant, savoir conter… Les acteurs du réseau acquièrent lors de ces sessions de formation des compétences indispensables pour gérer au quotidien la bibliothèque dont ils ont la charge. Ces acquis sont utiles et précieux pour les équipes des bibliothèques, mais ils sont aujourd’hui insuffisants pour que les partenaires de la bibliothèque départementale de prêt, sur le terrain, expliquent les enjeux, la place et le rôle de leur bibliothèque dans ce réseau.

Pour que les animateurs des bibliothèques puissent être des relais actifs et convaincants de ce projet sur la commune et puissent développer à leur niveau une notion de réseau satisfaisante, il est indispensable de prévoir aussi dans les plans de formation des objectifs liés aux « savoir-dire », levier indispensable pour mettre en œuvre une dynamique au sein de la bibliothèque.

Développer les savoir-dire

Développer des savoir-dire chez nos interlocuteurs nous semble, à nous formateurs, essentiel pour réaliser une structure de réseau départemental solide et intéressante, par exemple :

– savoir dire aux élus l’importance des enjeux de la bibliothèque dans l’aménagement du territoire ;

– savoir dire à l’équipe les besoins de la bibliothèque et la nécessité de travailler par objectifs et de se former ;

– savoir dire aux lecteurs (et à d’autres) la place que tient le travail interne en bibliothèque ;

– savoir dire aux enseignants la nécessité de proposer des accueils de classes raisonnés et non un prêt de livres qui ressemble à une épicerie ;

– savoir dire la place de l’équipe et de la bibliothèque dans un réseau départemental.

Nombreux sont les responsables qui ne savent pas, ou n’osent pas, expliquer l’importance du travail de l’équipe, parler de l’exposition qui leur a pris tant d’énergie et de temps, dire non à l’enseignant qui souhaite venir seul à la bibliothèque avec sa classe, demander le remboursement de leurs frais de formation, proposer de nouveaux services ou encore donner leur avis sur un nouveau projet pour la bibliothèque. Ils ne savent pas dire, car il leur manque les clés d’accès de leur rôle et de leur place dans ce réseau.

C’est pourquoi il semble urgent de donner à ces équipes quelques outils simples de communication et de gestion d’équipe pour que les savoir-faire soient réellement des leviers qui fassent progresser la notion de bibliothèque sur la commune. Il est également indispensable que le réseau devienne le creuset de partenariats et d’actions multiples, que les responsables sauront défendre auprès de l’équipe et auprès des élus, et pas seulement un réseau de personnes parlant simplement le même langage professionnel.

Le cadre du bénévolat

La gestion des ressources humaines dans le cadre du bénévolat illustre de manière significative ce déficit de techniques de communication et éclaire la nécessité de développer ces compétences chez les responsables des bibliothèques. La première démarche d’un responsable embauchant un bénévole est de rechercher une personne qui puisse « tenir les permanences », à croire que la petite bibliothèque en milieu rural est uniquement un lieu d’attente. Comment trouver dans ce cas des bénévoles intéressés, motivés ?

Il serait indispensable dans ce contexte, que les équipes sachent dans un premier temps exprimer les missions de la bibliothèque de lecture publique et par conséquent ses besoins, puis recueillir ceux des éventuels candidats au poste de bibliothécaire bénévole, pour ensuite rechercher une adéquation entre ces deux attentes.

Cette démarche permet de formaliser les objectifs du travail en bibliothèque, de justifier la nécessité de compétences à acquérir, de préciser la répartition des tâches, mais aussi de mettre en évidence les contraintes et les limites du bénévolat pour chacun des membres de l’équipe. Cette étape de réflexion sur la gestion des équipes du réseau est un préalable fondamental à la réalisation de projets significatifs qui feront avancer la bibliothèque et permettront à l’équipe de se réaliser et au réseau d’être vivant.

Certes ce n’est pas facile, ni possible tout de suite avec tous les acteurs du réseau, mais il faut noter qu’à chaque fois qu’une formation a atteint ce double objectif : acquérir des savoir-faire et développer les savoir-dire correspondants, l’équipe a mieux exploité les potentialités de la bibliothèque et du réseau, car la formation est alors source de « rassurance », c’est-à-dire que l’équipe a le sentiment d’être rassurée et assurée par ce double acquis.