La base Hand Printed Book
Un outil de recherche et de catalogage
Dominique Bougé-Grandon
Dans le prolongement du colloque « Le Livre voyageur », organisé conjointement par l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, la bibliothèque municipale de Lyon et le cerl (Consortium of European Research Libraries), se sont déroulées les 26 et 27 mai 1997 1 deux journées de stage consacrées à la base Hand Printed Book (hpb).
Celle-ci est le fruit de la coopération de bibliothèques européennes regroupées au sein du cerl. Elle devrait à terme répertorier toutes les éditions de la période artisanale (environ 4 000 000 de 1450 à 1830) produites et conservées en Europe. Ce projet doit se développer en s’appuyant sur les projets nationaux de conversion rétrospective ou de catalogue collectif et non entrer en concurrence avec eux. Dans la phase actuelle, l’effort est double : permettre à des bibliothèques plus nombreuses d’adhérer au Consortium et améliorer le service rendu en intégrant progressivement plusieurs catalogues informatisés de fonds anciens tout en tâchant de résoudre les problèmes engendrés par leur diversité.
Au cours du colloque, Bob Henderson, de la British Library, avait fait une démonstration des possibilités d’interrogation offertes aux historiens du livre désireux d’interroger la base dans sa forme actuelle. Malgré la lenteur des réponses du serveur, les chercheurs ont semblé convaincus des perspectives que laissait entrevoir un tel outil pour l’avenir.
Cette base s’adresse à deux publics potentiels : les chercheurs, historiens du livre, de la littérature et de la lecture et les bibliothécaires. Les premiers y trouveront la description et la localisation des ouvrages qui les intéressent. Les recherches peuvent se faire selon de nombreux critères : auteur, titre, date, lieu d’impression. En croisant ces critères, on peut envisager d’évaluer sans effort la production d’un atelier ou l’ensemble des éditions sorties des presses en une année. Les seconds – et c’est à eux que s’adressait le stage – auront là une aide pour le catalogage de leurs fonds anciens.
Les douze participants, qui venaient d’établissements divers – Bibliothèque nationale de France, bibliothèques municipales et bibliothèques universitaires –, avaient deux attentes fortes : connaître les développements d’un projet, né il y a sept ans, mais dont ils n’avaient suivi les avancées que de très loin 2 et voir concrètement si une collaboration de leur établissement à cette entreprise était envisageable.
Historique du projet
La présentation générale du cerl 3 et de l’historique de la base par Michael Smethurst, de la British Library, le président du cerl et Lotte Hellinga, de la British Library, son secrétaire, était donc une réponse à cette première attente. Ils ont rappelé que le projet fondateur du cerl était « d’améliorer l’accès à l’héritage européen, d’en faciliter l’exploitation et la conservation ». Grâce à la participation de la Bibliothèque nationale, la France est présente dans le Consortium 4 depuis l’origine, mais les bibliothécaires français en général connaissent mal le projet de la hpb 5.
Le cerl est issu des conférences de Munich (en 1990 et 1992) qui avaient posé les bases d’une telle coopération, dans le but de voir un jour réalisé ce grand réservoir de notices qui faisait encore défaut. La première rencontre du Consortium eut lieu à Paris en avril 1992. Quatorze bibliothèques étaient représentées qui se mirent d’accord sur dix principes de base.
Les plus significatifs sont le choix d’unimarc comme format des notices, de l’isbd(a) comme norme de catalogage, mais avec la possibilité d’accueillir des fichiers de tous les types, une fois convertis en unimarc (le format devant être étendu et adapté au catalogage des livres anciens). Ils s’accompagnaient du choix des formes nationales pour les autorités, du fait que chaque bibliothèque restait maître de ses notices et que l’accès à la recherche devait pouvoir se faire partout en Europe.
Les spécifications mises au point par le cerl donnent une base commune.
Dans le cadre de cobra 6 (Computering Bibliographic Record Action), le plan d’action concertée mis en place en 1993 par la Commission européenne (dg XIII), la Bayerische Staatsbibliothek a fait, à partir des premiers résultats de hpb, une étude de faisabilité concernant l’utilisation de ce format dans une base multinationale. Claudia Fabian, de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich, a montré qu’en comparant les notices fournies en unimarc par plusieurs bibliothèques européennes (chaque bibliothèque versant un fichier fait elle-même la conversion dans ce format), il s’agissait de distinguer les divergences en en cherchant les raisons. En effet, l’usage de règles de catalogage propres lié à une interprétation et une utilisation différentes du format entraînent des différences significatives. Certaines, minimes, sont parfaitement tolérables ; d’autres, en revanche, mettent en péril l’unité du traitement.
La composition du CERL
Le cerl est le regroupement de toutes les bibliothèques européennes qui ont décidé d’adhérer pour trois ans au prix d’une contribution annuelle de 10 000 euros (soit environ 70 000 F). Cette contribution, qui n’est pas à la portée de n’importe quelle bibliothèque, est un frein à un accroissement rapide du nombre des participants, actuellement vingt-neuf bibliothèques représentant treize pays, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, le Danemark, la Suède, la Croatie, la Russie et la Slovénie. Il ne s’agit donc pas nécessairement de bibliothèques nationales. L’intervention de Margherita Spinazzola, de la Sopraintendenza dei Beni librari d’Emilie-Romagne, en Italie, a mis en lumière l’intérêt de participer à un tel programme pour des bibliothèques plus modestes, lancées dans des projets de rétroconversion, pour lesquels elles collaborent avec d’autres institutions nationales.
Les bibliothèques qui sont membres à part entière et ont payé leur cotisation ont droit de vote, contribuent à l’élaboration de la base et l’utilisent pour la recherche d’informations et le déchargement des notices. Il est proposé une adhésion groupée, intéressante financièrement pour un groupe réunissant une dizaine de bibliothèques au moins.
La base hpb doit donner accès aux fichiers provenant des différentes bibliothèques membres et élaborer un catalogue collectif dans un fichier séparé. Depuis 1994, le cerl s’est adjoint, pour trois ans, les services du rlg (Research Library Group) qui met à sa disposition son réseau informatique, rlin (Research Libraries Information Network). rlg développe ses activités dans trois secteurs : le contrôle bibliographique, la fourniture d’informations et la conservation. Il met à la disposition de toutes les bibliothèques membres du Consortium sa base de données générale, General Book File, qui contient vingt-deux millions de notices.
Le groupe avait montré son intérêt pour cette entreprise dans le prolongement de ce qu’il faisait déjà pour l’estc (Eighteenth Century Short Title Catalogue) qui recense les éditions en langue anglaise jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. L’estc regroupe actuellement 1 500 bibliothèques de la sphère géographique anglophone et recense plus de 400 000 notices bibliographiques avec deux millions de localisations. Il s’agit très clairement d’un catalogue collectif centralisé, géré par deux centres de catalogage et de contrôle : la British Library d’une part et la Bibliothèque universitaire de Riverside en Californie d’autre part. rlg, représenté lors du séminaire par John W. Haeger, son vice-président, a pour cela mis en service une liaison spécialisée entre Londres et Riverside.
Élaboration et évolution de la base
C’est dans ce contexte qu’il faut donc relire l’expérience plus récente de la base hpb. Dans la base telle qu’elle existe maintenant, il y a deux groupes de notices. Celles qui proviennent de la rétroconversion du catalogue de la Bayerische Staatsbibliothek (Alphabetischer Katalog), soit un demi-million de notices, constituent le noyau de la base définitive, « base consolidée ». Ces notices n’ont pas été faites selon la norme isbd(a) et sont donc d’un niveau de catalogage « moyen ».
Un deuxième groupe de données est en attente dans une base appelée « base test » (thpb), qui contient des fichiers, en provenance de plusieurs bibliothèques membres, susceptibles de subir encore des modifications. Ils sont sept actuellement (50 000 notices), mais dix-huit sont prévus avant la fin de 1997 (en provenance de Madrid, La Haye, Saint-Pétersbourg, etc.). Cette base que l’on peut interroger sur le Web grâce à l’interface très conviviale Eureka est disponible à la recherche, si l’on appartient à un établissement membre du cerl 7. Le résultat peut être versé dans une « boîte aux lettres électronique » par un message envoyé. Elle est aussi accessible directement sur rlin grâce à l’interface itps (logiciel dos-based itps). C’est ainsi que l’on peut décharger des notices.
Cependant certains problèmes demeurent. Citons rapidement la conversion au format usmarc qui est celui des notices quand elles sont déchargées, l’absence de l’alphabet grec pourtant très utile durant la période du livre artisanal, le prix très élevé de l’adhésion, la lenteur des communications, l’absence de liens entre les vedettes d’autorité et les notices, les difficultés liées à la récupération de notices de niveau différent, les problèmes liés au « catalogage à niveau »... Mais ce n’est que par la force de conviction et le travail en commun des bibliothèques liées par ce projet que le système peut évoluer.
L’invitation du cerl aux bibliothèques françaises, par la bouche de son président, était pressante. En 1992, Geneviève Boisard écrivait : « En tout état de cause, les bibliothèques françaises ne peuvent être absentes de ce projet, notamment les bibliothèques universitaires dont les fonds anciens antérieurs à 1830 s’élèvent à près d’un million de volumes. Le ministère de l’Éducation nationale doit leur permettre de participer à cette base commune du patrimoine européen, qu’elles devront alimenter, mais qui leur permettra également d’opérer à moindre frais la conversion rétrospective de leurs fonds » 8. A l’heure où sibil se meurt, on peut par exemple s’interroger sur une éventuelle adhésion groupée de plusieurs bibliothèques universitaires françaises, mais aussi dans le cas des bibliothèques municipales, sur la possibilité au sein des agences de coopération régionales de trouver des groupements d’établissements. Les différentes possibilités sont à étudier sérieusement. Car l’enjeu est de taille.