Colportage et lecture populaire
imprimés de large circulation en Europe, XVIe-XIXe siècles
Les actes de ce colloque sont constitués de dix-neuf contributions réparties en trois chapitres : « Usages et réceptions », « Genres : structures et évolutions », « Aires culturelles nationales et modes de circulation transnationaux ».
Des monographies précises
Chacun des articles constitue une monographie pointue, délimitée dans le temps et l'aire géographique, qui envisage sous des aspects très divers la littérature de colportage, la demande d'un public populaire, les frontières parfois floues entre lecture d'un texte écrit et écoute d'un texte lu à haute voix, l'évolution dans le temps entre culture savante et culture populaire, etc. C'est ce qui fait la richesse de cet ouvrage où apparaissent, selon les pays, les différences ou les nuances dans le développement, puis dans la régression d'un certain mode de circulation de l'imprimé et dans les jugements portés par les éditeurs sur les goûts présumés d'un public dit « populaire », jugements qui se sont répercutés sur le choix des titres.
Plusieurs auteurs insistent sur la difficulté de savoir qui lisait quoi. Fritz Nies esquisse, d'après des gravures, des tableaux, des affiches, des couvertures de livres, une typologie des comportements des lecteurs, selon sa représentation dans l'iconographie.
On pouvait faire confiance à Roger Chartier, qui introduit l'ouvrage, pour tirer de la riche information fournie par des chercheurs d'origines diverses une synthèse et des pistes de recherches qui tiennent compte de l'apport de disciplines contemporaines en plein développement. « L'histoire des librairies de colportage », écrit-il, « menée à une échelle comparatiste, peut et doit devenir un des lieux privilégiés où s'expérimente l'alliance féconde entre la critique textuelle, l'histoire du livre et la sociologie rétrospective des usages de l'écrit ».
Il note de quelle manière les travaux de ce colloque ont permis de « désenclaver » l'objet étudié en refusant de cataloguer les imprimés considérés comme « populaires » comme jouissant d'une « spécificité radicale ». Les publics très contrastés concernés ici avaient une relation à l'écrit qui ne se bornait pas aux livres dont d'autres avaient décidé qu'ils correspondaient à leur goût. On peut envisager la littérature « populaire » comme « un instrument d'inculcation de conduites et de pensées nouvelles ».
Une réalité sociale
Par ailleurs, Roger Chartier met en évidence la réalité sociale du colportage qui est parfois très organisé dans ses rapports entre la ville et des régions isolées, et parfois, au contraire en particulier dans les grandes villes, une aventure individuelle et marginale.
Deux axes principaux sont proposés pour des travaux futurs : une quête bibliographique plus exigeante pour répertorier des imprimés dont une part importante a disparu, afin de mesurer leur poids par rapport à l'activité de la librairie. Par ailleurs, il sera nécessaire de préciser quelle était la réception de ces textes par le public auquel ils étaient destinés et de quelle façon elle correspondait à l'intention de ceux qui en avaient décidé la diffusion.