Le document électronique
Liliane Miremont
La révolution technique de l’électronique précède une modification de l’économie, de la notion de la valeur où on évolue vers la primauté du contenu qui devient l’essentiel de la valeur ajoutée. Reste à trouver de nouveaux types de droits et de tarification. C’est sur la base de cette problématique que les différents acteurs de cette journée ont échangé leurs expériences, leurs attentes et surtout leurs logiques propres sur l’édition électronique 1.
Éditeurs et fournisseurs d’information
Springer Verlag 2 décrivit les évolutions actuelles et les adaptations qu’elles réclament. L’accès direct à l’information pour tous nécessite de plus en plus de connaissances techniques et d’équipements. Chacun peut être son propre éditeur, libraire, bibliothécaire et auteur. Les documents peuvent être produits, copiés et perdus. Différentes politiques de commercialisation sont possibles, de l’accès gratuit à la tarification. Il est donc nécessaire, pour les éditeurs, de réagir et d’investir en technologie et personnel et de mettre en œuvre une réflexion stratégique. Fut également présentée une typologie des publications électroniques : journaux édités, livres, logiciels, progiciels, forums et base de pré-publications.
Le représentant de Maid 3 insista sur le rôle que jouent les serveurs professionnels face à Internet et à la multiplication de l’information : recherche et accès homogènes à des regroupements de sources, facturation unique, optimisations et outils personnalisés pour la recherche. Pour Maid, on se trouve actuellement dans la même situation qu’il y a 10-15 an, où l’interrogation des bases de données se faisait base par base, et où il était nécessaire de connaître plusieurs logiciels d’interrogation. Il faut que les éditeurs standardisent et homogénéisent la présentation des documents, mais qu’ils proposent également une seule tarification, prenant en compte notamment une offre de l’information par segment et par fourchette d’utilisateurs.
Elsevier, éditeur scientifique représentant 1 200 titres de périodiques (environ 1,8 million de pages par an) et 6 500 titres de monographies, auxquels s’ajoutent les produits électroniques, présenta le programme ees (Electronic Elsevier Subscriptions). Ce dernier permet aux abonnés des revues imprimées de stocker localement la version électronique en texte intégral. L’intégration aux catalogues des bibliothèques est également possible. Ce programme est disponible sous licence, autorisant à un groupe d’utilisateurs défini une utilisation illimitée des ressources (consultation, télédéchargement, impression). Les droits d’exploitation des contenus reçus sont permanents même après annulation de l’abonnement. La tarification choisie consiste en une majoration en pourcentage du prix de la version papier. Ce service sera complété par Science-Direct, l’accès par Internet à la base de données des textes intégraux des 1 200 titres de périodiques, ainsi qu’aux bases bibliographiques (Embase, Geobase).
Les clients actuels sont essentiellement occidentaux. Le format image étant lourd à utiliser, ce sont surtout les bibliothèques disposant de gros équipements réseau qui peuvent être utilisateurs (les formats des données vont néanmoins évoluer vers le html, pdf…).
Pour Europériodiques venu présenter Swetsnet, « la situation est marquée par beaucoup d’effets d’annonces, de coquilles vides chez les éditeurs : pas de texte intégral, formats inutilisables ». Swetsnet est une passerelle d’accès en un seul point via Internet à la commande et à la consultation de périodiques électroniques disponibles soit sur les serveurs Swets soit sur les serveurs des éditeurs. Tout comme chez ees, les abonnements peuvent être gérés par la bibliothèque afin d’effectuer des profils, des statistiques, des listes personnalisées… Europériodiques est quant à lui plus précis sur les prix : 7,50 F le titre par an (minimum 300 F/an, maximum 4 200 F/an) plus le prix éditeur (gratuit ou environ 15 % de supplément par rapport à la version imprimée, version électronique seule également disponible). Les développements futurs prévoient l’intégration de la base Swetscan (fourniture des sommaires d’environ 14 000 revues scientifiques) et l’accès ponctuel à l’article.
De nouveaux vecteurs de communication
La deuxième partie de la journée fut consacrée aux expériences actuelles. Tout d’abord, ont été évoqués, pour le dépôt légal, les problèmes de support qui accentuent la difficulté de la double exigence de conservation et de communication. Pour qu’une œuvre ait la plus grande durée de vie possible, il faut la transférer sur des supports qui ont cours aujourd’hui, puis la faire passer de support en support en fonction des évolutions technologiques. Mais il est difficile de prévoir quelles seront les mutations. La Bibliothèque nationale de France a choisi comme support pour les années à venire le Digital Versatile Disc (dvd). Un cabinet extérieur étudie les évolutions technologiques sur 5 ans. Depuis le 1er avril 1994, la bnf a reçu plus de 2 000 titres par le dépôt légal.
Le Commissariat à l’énergie atomique a pour sa part négocié directement avec deux éditeurs (op et les éditions de physique) la fourniture gratuite de 37 revues en texte intégral pour ses différents sites (Saclay, Grenoble et Cadarache). Les sommaires de 3 000 des 22 000 titres de périodiques de la British Library sont également interrogeables, sans résumés pour l’instant, sur le site de la British Library. Des liens ont été créés par le cea avec les sites de ces revues. Selon ce dernier, les éditeurs n’ont pas encore de réponse aux questions d’archivage et de copyright : qui archivera (le client, l’éditeur) ? Combien de temps l’éditeur va-t-il archiver ?
Pour Ghislaine Chartron, chercheur à l’Urfist de Paris, il est temps de « mettre à plat l’économie actuelle de l’édition scientifique, pointer certaines dérives commerciales, développer une certaine déontologie de l’accès aux écrits scientifiques, encourager la coordination documentaire et créer de nouveaux vecteurs de communication ». Internet a eu comme impact de modifier l’économie des publications scientifiques par la création, à côté des versions en ligne payantes des revues imprimées, de nouvelles revues scientifiques initiées par les chercheurs, ayant comme règle la gratuité du service. Ces revues reposent souvent sur le volontariat ou la prise en charge des coûts de production par l’institution de rattachement. C’est pour cela qu’il faut maintenant « dynamiser les structures éditoriales électroniques « académiques », créer de nouvelles cellules nationales et européennes dédiées ». Mais ces nouveaux vecteurs nécessitent, pour exister et se développer, l’adhésion des chercheurs et la qualité des écrits qui y circulent. Une procédure de filtrage reste donc nécessaire.