Internet

la révolution est pour demain

par Yves Desrichard

Alain Massé

Paris : Éd. du Téléphone, 1996. - 335 p. ; 22 cm. isbn 2-909879-22-4 - 157 F

Le flot d'ouvrages consacré à Internet entraîne la production du meilleur comme du pire et l'on ne peut pas toujours parler du meilleur.

Une période charnière

Alain Massé compare dès son avant-propos l'avènement d'Internet à la mise en place, il y a déjà vingt ans, des premières radios libres, « période charnière dans l'histoire de la communication ». Outre qu'on pourra sourire de ce qu'un phénomène strictement français soit ainsi comparé à un réseau d'ampleur mondiale, le paysage radiophonique français actuel n'incite guère à l'optimisme, si jamais cette prévision s'avérait.

« Premier ouvrage consacré à l'avenir de l'Internet », l'ouvrage se divise en trois parties : une histoire très générale de la notion de communication et de ses techniques, une « topologie des services de l'Internet » et pour justifier le qualificatif « primeur » - des « prospectives sur l'Internet ». Chacune de ces parties est, hélas, l'occasion pour l'auteur d'aligner généralités et banalités, de multiplier les citations, sans qu'un propos résolument nouveau ou tout simplement précis se dégage.

Plaçant en exergue une phrase de Norbert Wiener extraite de Cybernétique et société, « Vivre effectivement, c'est vivre avec une information adéquate », l'auteur ne nous donne guère par la suite les moyens d'améliorer notre condition. Professant qu'Internet s'accroît de « 10 % de nouveaux utilisateurs par mois à travers le monde », il justifie dans son introduction sa démarche prospectiviste en invoquant les mânes d'Herbert George Wells et de Nostradamus, et en qualifiant Kepler d'« astrologue » et Newton d'« alchimiste », ce qui ravira sans doute les amateurs 1.

La prospective

Pour autant, c'est dans la troisième partie, prospectiviste, qu'Alain Massé donne toute sa mesure. Selon une méthode éprouvée, il commence par une avalanche de statistiques (pardon, d'« indicateurs »), desquelles il ressort que la croissance d'Internet devrait être exponentielle et que, une fois de plus, les opérateurs américains nous tirent vers le haut, puisque « un Américain passe en moyenne vingt minutes par jour au téléphone pour seulement huit minutes en France » (on croyait le téléphone peu propice à la productivité).

Ainsi qu'il est rapporté dans le fameux opus de Bill Gates, La Route du futur 2, Internet permettra d'accéder à toute la connaissance humaine, à peine freiné par l'influence des services secrets [sic], dont on se demande un peu ce qu'ils viennent faire là.

Trois scénarios sont ensuite passés « au crible », l'un considérant Internet comme un effet de mode, le second l'annonçant réservé aux élites, le troisième en faisant un « service universel de communication » : on devine où vont les sentiments de l'auteur, qui ne peut conclure que sur un avenir radieux, où « formation et information » seront les enjeux majeurs.

L'un des grands mérites de l'ouvrage est de montrer que désormais, presque tout un chacun peut, en naviguant sur la toile, puiser articles et références pour composer, sans d'arides recherches en bibliothèque, des ouvrages qui ont au moins le mérite de la simplicité, d'une typographie et d'une présentation aérées.

Pour autant, et pour rester politically correct, il faut bien considérer l'acquisition de Internet : la révolution est pour demain comme non indispensable.

  1. (retour)↑  Même si peu sans doute sont disponibles sur Internet, un simple coup d'il dans les dictionnaires étymologiques suffit pour rappeler que le sens des mots évolue, et que, en matière d'épistémologie, c'est la même chose. Il est vrai que les tenants de l'astrologie usent des mêmes confusions.
  2. (retour)↑  Bill Gates, La Route du futur, Paris, R. Laffont, 1996. Cf. le compte rendu paru dans le bbf, 1996, n° 3, p. 92-93.