Droit d'auteur et droit de citation
les enjeux américains
Duane E. Webster
L'intérêt pour les questions touchant aux droits et aux responsabilités attachés à la notion de propriété intellectuelle s'explique par les pressions du marché et les opportunités qu'offrent les réseaux d'information électroniques. La loi américaine sur le droit d'auteur repose sur l'usage de l'oeuvre, les détenteurs du copyright se voient reconnaître des droits d'utilisation particuliers pendant une durée limitée. Le problème actuel consiste à déterminer les modalités qui, compte tenu de la révolution de l'information électronique, permettront de redistribuer aux individus et à la société les fruits de l'investissement consenti pour soutenir le travail des inventeurs, des scientifiques, des chercheurs et autres créateurs intellectuels.
The increased attention to questions of intellectual property rights and responsibilities is due in large measure to economic pressures and to the opportunities offered by the electronic information network. The core concept of us copyright law is built around the use of the work with owners being granted special rights of use for a limited time. The current issue is how to determine ways of redistributing, to individuals and to society, the fruits of investments granted to support the work of inventors, scientists, scholars and other creative thinkers.
Das Interesse an Fragen, die die Rechte und Verantwortlichkeiten betreffen, die mit dem Begriff des geistigen Eigentums zusammenhängen, erklärt sich durch den Druck des Marktes und die Möglichkeiten, die die elektronischen Informationsnetze anbieten. Das amerikanische Urheberrecht basiert auf der Benutzung des Werkes. Die Inhaber des « Copyright » müssen besondere Benutzungsrechte während einer begrenzten Zeit anerkennen. Das derzeitige Problem besteht darin, die Modalitäten festzulegen, die unter Berücksichtigung der Revolution der elektronischen Information es erlaubten, den Individuen und der Gesellschaft den vereinbarten Gewinn der Investition wieder zukommen zu lassen, um die Arbeit der Erfinder, der Wissenschaftler, der Forscher und anderer geistig arbeitender Personen zu unterstützen.
Les problèmes liés au copyright et à la propriété intellectuelle suscitent dans le monde entier un intérêt sans précédent 1. Aux États-Unis, ils se manifestent par l’augmentation du nombre des litiges, le réexamen de la loi sur le droit d’auteur et les débats menés au sein de l’université sur de nouveaux modèles garantissant le droit de propriété et l’accès de tous à la prospérité intellectuelle.
Les questions soulevées sont complexes, et, étant donné les mutations rapides de l’environnement planétaire, il est capital que partout les bibliothécaires prennent le temps de réfléchir à des évolutions qui, bien que nationales, risquent d’avoir hors de leurs frontières des répercussions considérables sur l’effort de création.
Le regain d’intérêt pour le droit d’auteur tient autant à la fantastique ouverture de l’accès aux productions intellectuelles opérée par les technologies de l’information, qu’aux pressions et aux opportunités économiques offertes par l’environnement qu’elles façonnent.
On aurait cependant tort de confier à des experts du droit, de la technologie ou du monde des affaires le soin de résoudre les problèmes créés par ce nouveau contexte.
Le rôle des bibliothécaires
Ce sont les bibliothécaires qui devraient au premier chef en être chargés, étant donné le rôle qu’ils jouent dans la société et les valeurs de partage qu’ils ont à mettre en œuvre. A cet égard, et parce qu’ils assurent un accès équitable à l’information pour tous, ils sont à mon sens les meilleurs défenseurs de l’intérêt commun.
Les bibliothèques, de surcroît, recouvrent un marché important et sont les principaux points d’accès à toute une gamme de produits documentaires traditionnels ou électroniques. Nous nous trouvons dans une position idéale pour juger de ce qui fonctionne ou non par rapport à la société considérée dans son ensemble.
La culture de l’écrit et la révolution de l’information électronique sont indissociables d’un certain nombre de questions politiques fondamentales. La loi sur le copyright a pour but d’encourager l’instruction publique, la liberté de parole et les progrès de la connaissance.
Par définition, la propriété intellectuelle doit servir les intérêts de la société et contribuer à son épanouissement. Toute la conception de la loi américaine sur le droit d’auteur repose sur l’usage de l’œuvre, puisque les détenteurs du copyright se voient reconnaître des droits d’utilisation particuliers pendant une durée limitée. Le problème crucial qui se pose aujourd’hui consiste à déterminer les modalités qui, compte tenu de la révolution de l’information électronique, permettront de redistribuer aux individus et à la société les fruits de l’investissement consenti pour soutenir le travail des inventeurs, des scientifiques, des chercheurs et autres créateurs intellectuels.
L’idée est de définir un système qui inciterait les individus à produire du savoir et à le faire circuler dans l’environnement électronique. Pareil système exige un investissement public dont on escompte qu’il profitera à tous. La tradition qui prévaut dans nos bibliothèques comme dans la société au sens large est celle d’un accès équitable et ouvert à l’information ; or, dans le nouvel environnement de l’information électronique, cette tradition est menacée.
Je voudrais dire ici, qu’au vu des conditions créées par cet environnement, le principe de l’accès équitable et ouvert à l’information réclame toute notre attention, si nous voulons éviter la hiérarchisation des utilisateurs en fonction de leur affiliation institutionnelle ou de leurs moyens financiers. Cette différenciation nuirait gravement aux structures de production du savoir et à la diffusion des connaissances au sein de la société.
Cet article rend compte des évolutions observées dans le traitement des litiges, dans la législation, ainsi que dans les débats menés à l’université. Mon espoir est qu’il permette de préciser les préoccupations des bibliothèques de recherche à l’égard du nouvel environnement électronique.
Le traitement des litiges
La loi américaine sur le droit d’auteur accorde une importance capitale au principe du droit de citation (fair use). A ce titre, qu’ils soient enseignants, étudiants, chercheurs ou artistes, les utilisateurs de documents protégés par le copyright peuvent disposer de ces œuvres sans l’aval de l’auteur ou de l’éditeur et sans nécessairement acquitter de droits.
Le droit de citation leur donne toute liberté pour s’inspirer du travail d’autrui. Il permet aux chercheurs d’avancer de nouveaux arguments, aux critiques de critiquer, aux artistes de pasticher et aux enseignants d’informer les étudiants des dernières mises au point. Il y a bien sûr des limites à ce droit ; et avant tout la disposition qui précise qu’il ne saurait réduire de façon significative les gains que l’auteur ou l’éditeur sont en droit d’attendre de la commercialisation de l’œuvre. Tel qu’il s’applique aux documents sur papier et électroniques, le principe du droit de citation alimente aujourd’hui de vifs débats aux États-Unis.
Il arrive de plus en plus souvent que les tribunaux américains aient à se prononcer sur les pratiques relatives au droit d’auteur et l’utilisation des publications sous forme imprimée. C’est là le résultat d’une stratégie qui pousse de grandes maisons d’édition à se saisir de la loi actuelle sur le droit d’auteur pour entamer des poursuites, afin d’obtenir une définition plus large des droits afférents à la propriété intellectuelle. Trois procès récents (Kinko en 1991, Texaco en 1994, la société Michigan Document Services en 1996) illustrent la bataille entamée par les éditeurs pour limiter le recours au droit de citation s’agissant des documents protégés par le copyright.
L’affaire Kinko
Lors de l’affaire Kinko, un tribunal d’instance de New York a jugé que l’entreprise Kinko’s Graphics Corporation avait abusé du droit de citation, en photocopiant des chapitres d’ouvrages publiés afin de composer des anthologies ou des manuels vendus aux étudiants des établissements universitaires situés à proximité. Ce jugement a de sérieuses conséquences pour nombre d’universités : la nécessité d’obtenir l’autorisation d’utiliser les documents qu’elles désirent mettre à la disposition de leurs étudiants implique en effet des délais et une charge de travail supplémentaires. Sans compter que, dans bien des cas, les documents désirés ne sont pas fournis, soit parce que les éditeurs refusent l’autorisation, soit parce que l’attribution du copyright pose problème...
L’affaire Texaco
Quant à l’affaire Texaco, elle établit un précédent plus redoutable qui menace le principe même du droit de citation.
En bref, plusieurs éditeurs de revues (American Geophysical Union, Elsevier Science Publishing Co., Pergamon Press, Springer-Verlag, John Wiley and Sons, Wiley Heyden) ont traîné la société Texaco en justice pour avoir photocopié des articles et autres brèves informations parues dans leurs périodiques sans verser de droits aux éditeurs. Il faut souligner que c’est un scientifique employé par Texaco qui faisait lui-même ces copies pour poursuivre ses recherches. Les avocats de Texaco ont avancé, entre autres arguments, que la reproduction au moyen de photocopies entrait dans la définition du droit de citation prévu à l’article 107 de la convention sur le droit d’auteur.
Au terme d’un procès limité au seul examen de l’article 107, le juge d’instance arrêta que la pratique de la photocopie excédait le droit de citation et constituait bel et bien une infraction. Le 28 octobre 1994, une cour d’appel fédérale confirma ce jugement, déclarant qu’étant donné les circonstances dans lesquelles s’était effectuée la photocopie de certains articles, la société Texaco avait effectivement enfreint la législation sur le droit d’auteur.
Le 15 mai 1995, Texaco et un comité d’organisation regroupant quatre-vingt-trois maisons d’édition signèrent un accord qui réglait leur différend. Après avoir concédé que cet arrangement était conforme à la loi, Texaco accepta de payer (en dollars) une somme à sept chiffres et de s’acquitter rétroactivement de la redevance auprès du Centre d’exploitation du droit de copie. Cet accord supprime de facto la possibilité de saisir la Cour suprême, ce qui, de l’avis de beaucoup, aurait contribué à clarifier et à soutenir les intérêts publics en jeu dans ce procès.
La société Michigan Document Services
L’affaire de la société Michigan Document Services (MDS) est venue relancer le débat sur le principe du droit de citation tel qu’il s’applique à ces documents particuliers que sont les manuels.
Le 12 février 1996, à Cincinnati, dans l’Ohio, la cour d’appel de la 6e circonscription statua que, conformément au droit de citation, une officine de photocopie à but lucratif, indépendante de l’université, pouvait assembler des manuels comprenant des passages importants de livres protégés par le copyright et les vendre aux étudiants (procès de l’université de Princeton contre MDS).
Cette décision originale paraît en contradiction avec le jugement rendu lors du procès Kinko en 1991. Elle avance une interprétation beaucoup plus libérale de l’usage du droit de citation à des fins éducatives et laisse supposer que les règles simplistes ou les exigences par trop générales qui soumettent à autorisation préalable la reproduction des textes sont inadaptées aux manuels.
Les verdicts contradictoires rendus lors de ces deux procès ont au moins le mérite de révéler le trouble et l’incertitude qui entourent le droit de citation, tout en rappelant salutairement aux milieux universitaires qu’il est indispensable d’opposer une réaction énergique aux évolutions de la loi sur le droit d’auteur. De fait, la maison d’édition qui a assigné MDS en justice ayant réussi à obtenir un renvoi en appel, il y a tout lieu de penser que le procès connaîtra de nouveaux rebondissements.
Le jugement prononcé en faveur de la société MDS ne clôt de toute façon pas le débat. Outre que les éditeurs vont très probablement faire appel, les problèmes directement ou indirectement liés au copyright occasionneront d’autres litiges. Au fond, cette affaire montre que le droit de citation est un principe souple et provisoire qu’il faut en permanence réactualiser et réinterpréter. Le problème du copyright tel qu’il se pose aux États-Unis est tout sauf simple, et il y aura d’autres procès avant que les enseignants, les chercheurs et les bibliothécaires qui travaillent avec eux saisissent clairement quels sont les droits qu’ils peuvent exercer sans risque.
Une chose est néanmoins claire : ce comportement procédurier profite aux éditeurs, qui ont tout intérêt à restreindre le champ d’application du droit de citation, surtout dans un contexte où les conseils juridiques des universités recommandent la plus grande circonspection face aux menaces de poursuites.
Particulièrement sensibilisés aux droits et aux restrictions mentionnés aux articles 107 et 108 de la convention sur le droit d’auteur, les bibliothécaires se voient de plus en plus souvent tenus d’assumer avec autorité un rôle d’information sur la définition du droit de citation et de l’usage à fins personnelles.
La législation
De plus en plus nombreux sont ceux qui, aux États-Unis, estiment qu’il faut réviser la loi de 1976 sur le droit d’auteur afin de répondre aux besoins nouveaux du secteur de l’édition électronique.
Peu après son entrée en fonction, l’administration Clinton a mis en place une Commission sur les infrastructures des réseaux documentaires nationaux (National Information Infrastructure Task Force) présidée par le ministre du Commerce, Ronald H. Brown.
Cette Commission a réparti les tâches entre plusieurs groupes de travail, dont l’un, nommément chargé de la propriété intellectuelle, était dirigé par Bruce Lehman, adjoint au ministre du Commerce et chargé de mission au Bureau des brevets et des marques déposées. Ce groupe a préparé un rapport préliminaire (green paper) sur la propriété intellectuelle et les infrastructures des réseaux documentaires nationaux, diffusé auprès du public en juillet 1994.
Après corrections, la version définitive (white paper) est sortie en septembre 1995. Ce document, qui recense les questions posées en matière de propriété intellectuelle par les nouvelles technologies de l’information, émet un certain nombre de recommandations juridiques. Autant de propositions qui ont été présentées aux deux chambres du Congrès américain.
Les auteurs du rapport ne se prononcent pas sur le droit de citation et les diverses limitations apportées aux droits exclusifs des détenteurs du copyright dans les bibliothèques et les institutions d’enseignement. Mais c’est à leur instigation qu’a été créée la Délégation sur le droit de citation (Conference on Fair Use, ou CONFU), chargée de vérifier si les directives sont, ou non, applicables dans le contexte défini par la Commission sur les infrastructures des réseaux documentaires nationaux. Plusieurs dizaines d’organismes participent à cette Délégation, dont plusieurs représentants des éditeurs et autres détenteurs du droit d’auteur. Les utilisateurs de documents protégés par le copyright sont essentiellement représentés par des associations de bibliothécaires, entre autres l’Association of Research Libraries (ARL).
Dans les discussions, les éditeurs craignent que les réseaux et la technologie du numérique finissent par offrir aux usagers la possibilité de transmettre en toute illégalité à l’autre bout du globe des millions d’exemplaires parfaitement conformes, en tapotant simplement sur un clavier. Ils estiment que le droit de citation est la porte ouverte à une exploitation qui portera atteinte à leur viabilité financière.
Les bibliothécaires, quant à eux, s’inquiètent à l’idée que les nouvelles technologies soient mises au service d’intérêts commerciaux dans un monde où il faudra, littéralement, payer pour voir (pay-per-view). Des conditions aussi restrictives excluraient un grand nombre d’utilisateurs et rendraient impossible d’assurer l’accès équitable de tous aux ressources indispensables à l’enseignement, à la créativité ou au progrès des connaissances. L’ampleur et l’importance de ces divergences laissent à penser que le travail de la Délégation devra se poursuivre encore plusieurs mois. Il n’est malheureusement pas sûr du tout que les directives sur lesquelles elle doit se prononcer trouvent jamais à se concrétiser.
Des projets de loi
C’est à l’aide de deux projets de loi qui doivent être soumis au Congrès (H.R. 2441 et S. 1284), de la loi de 1995 sur les infrastructures des réseaux documentaires nationaux et de la convention sur le droit d’auteur (National Information Infrastructure Copyright Protection Act), que l’administration Clinton et les représentants élus entendent mener à bien la réforme qu’impose le numérique.
Les deux projets de loi, qui reprennent les recommandations du rapport remis par le groupe de travail sur la propriété intellectuelle, bénéficient du soutien appuyé de partenaires importants du secteur commercial et en particulier du monde de l’édition. Les bibliothécaires, en revanche, estiment que toute modification des textes doit s’inspirer de la loi sur les publications imprimées, afin d’équilibrer au mieux les intérêts des détenteurs du droit d’auteur et des utilisateurs.
Plus précisément, ils préconisent d’étendre le principe du droit de citation à l’environnement électronique ; de prévoir des dispositions particulières qui dégagent la responsabilité des bibliothèques et des institutions d’enseignement chaque fois que l’attitude des utilisateurs pourrait porter atteinte aux droits des auteurs ; de ne pas assimiler à des reproductions les copies effectuées dans le cadre de l’exploitation informatisée des ressources ; d’autoriser les bibliothèques à mener à bien la numérisation destinée à la conservation ; et de garantir le maintien des activités d’enseignement à distance.
Les échanges de vues sur le bien-fondé de cette réforme du copyright et d’un certain nombre d’autres projets de loi visant à redéfinir la propriété intellectuelle en fonction de l’environnement électronique mobilisent de nombreux groupes d’intérêts américains qui s’efforcent de faire adopter leurs perspectives et de peser sur l’issue du débat. La Coalition pour l’avenir du numérique (Digital Future Coalition) compte parmi les plus importants, de même que l’association Partage de la capacité juridique (Shared Legal Capability).
Pour sa part, l’ARL a publié une note d’information qui détaille la proposition de loi et donne des informations sur les positions défendues par le corps des bibliothèques.
La stratégie des membres de l’administration Clinton alimente aussi des inquiétudes à plus long terme ; leurs interventions dans les débats cherchent à ajuster la politique américaine aux conditions de l’accord international sur les pratiques restrictives du droit d’auteur, auquel doit aboutir la prochaine rencontre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (World Intellectual Property Organization).
Les débats au sein de l’université
Dans les milieux de la recherche et de l’enseignement, le développement des nouvelles technologies de communication électronique a intensifié les échanges sur la gestion des droits attachés à la propriété intellectuelle. Pour les sociétés savantes à but non lucratif et les universités, la possibilité de capter et de diffuser électroniquement l’information est l’occasion d’imaginer des alternatives à la domination du secteur commercial sur la création, la diffusion et l’utilisation de l’information.
C’est ainsi que de plus en plus de gens trouveraient intéressant de revoir la pratique qui permet à l’heure actuelle de transférer systématiquement les droits d’exploitation de la propriété intellectuelle des auteurs aux éditeurs. Les communications des enseignants et des chercheurs dans le cadre de leurs activités professionnelles resteraient alors aux mains de l’université, qui pourrait les regrouper dans un fichier informatique et en transmettre des copies électroniques aux universitaires qui en feraient la demande.
La remise en question porte également sur les modèles traditionnels de gestion universitaire de la propriété intellectuelle. Il est notamment envisagé de définir une politique qui, par le jeu de mécanismes concomitants, laisserait aux auteurs membres d’une université, ou à leur institution de rattachement, la propriété pleine ou partagée des œuvres intellectuelles créées dans le cadre de l’institution ; et de développer par ailleurs des stratégies en vue de la numérisation des publications générées par l’université ou lui appartenant, dans le double but de les conserver et de les mettre plus rapidement en circulation sur d’autres réseaux.
Les publications non commerciales
Un important effort de soutien à la production de publications non commerciales est actuellement entrepris, afin qu’elles puissent pleinement tirer parti de la technologie et des réseaux existants. L’Association des universités américaines (American Association of Universities, ou AAU) et l’ARL se sont associées pour mettre au point le Programme des publications savantes électroniques (Electronic Scholarly Publishing, ou ESP), et encourager ainsi la constitution de ressources documentaires électroniques de qualité destinées aux milieux de la recherche. Cette décision repose sur la conviction que les établissements universitaires doivent agir de concert pour mettre sur pied un système de communication électronique consacré à la recherche, qui soit à la fois plus accessible aux utilisateurs et plus rentable. Cela dans l’intention bien précise de :
– favoriser l’instauration d’un marché plus compétitif pour les publications savantes, en offrant des alternatives réalistes aux solutions actuelles, majoritairement commerciales ;
– développer une politique d’exploitation de la propriété intellectuelle, en s’attachant avant tout à élargir et faciliter la circulation et la réutilisation des documents ;
– encourager des pratiques novatrices eu égard aux techniques documentaires existantes, afin d’enrichir et d’accroître les moyens de diffusion de la recherche et des connaissances ;
– veiller à ce que les nouveaux canaux utilisés pour la communication savante satisfassent aux exigences de qualité et soient pris en compte dans les processus d’avancement et de titularisation des personnes.
Ces différents points connaissent eux aussi une évolution rapide, et il serait souhaitable que les décisions qui permettront de doter l’université des moyens d’assurer la publication électronique de ses productions soient prises rapidement.
A l’heure où se profile la société globale fondée sur l’échange des connaissances, il devient indispensable de protéger et d’étendre les dispositions constitutionnelles qui, aux États-Unis, entendent encourager le savoir en reconnaissant aux auteurs le droit exclusif de publier leurs œuvres.
Or, pour réaliser cet objectif dans le nouvel environnement électronique, il est indispensable de comprendre que le droit de citation est une nécessité. Ce principe garantit en effet que le droit d’auteur ne saurait opposer un obstacle injustifié à la diffusion du savoir. Il s’agit simplement d’une règle d’équité raisonnable qui prévoit la possibilité de citer les œuvres protégées par copyright, pour autant que cette pratique ne lèse pas trop leurs détenteurs. Le Congrès compte manifestement étendre le principe du droit de citation à tous les produits des nouvelles technologies, qu’ils soient proposés à la vente ou en location.
Nous sommes au seuil d’une époque prodigieuse où les nouvelles technologies, l’extension de l’enseignement à une proportion toujours plus importante de la population de la planète, la vitalité de la recherche, tant dans les sciences dures qu’en sciences humaines et sociales, concourent à nous offrir une occasion sans précédent de démocratiser le savoir au profit de la société dans son ensemble. Dans ces conditions, l’information au sens large doit être perçue comme un avoir collectif, à mettre en valeur au bénéfice de tout le corps social, et non comme une marchandise à exploiter au profit exclusivement financier de quelques-uns.
Août 1996