Les sites multimédias de la bibliothèque municipale de Lisieux
Olivier Bogros
Depuis octobre 1996, les lecteurs de la bibliothèque municipale de Lisieux peuvent accéder à Internet via un micro-ordinateur réservé à cet usage, qui s'ajoute à une station multimédia, installée quatre mois plus tôt, dédiée à la consultation de cd-rom grand public, d'une photothèque numérique et d'une bibliothèque électronique. Cet équipement avait été précédé dès juillet par l'ouverture d'un site Internet aux couleurs de la ville et consacré à la littérature électronique. S'il y a certainement un effet de mode, pour une petite bibliothèque municipale, à succomber dès aujourd'hui aux sirènes du Web, nous avons surtout envisagé l'arrivée de et sur Internet comme la suite logique d'un travail entrepris depuis 1994 sur le support numérique.
Since October 1996, users of Lisieux public library have been able to access the Internet on a computer dedicated to this service. This adds to the installation, four months earlier, of a multimedia station for the general public to consult, a digitized photographic archive and a computerized library, on cd-rom databases. This equipment was supplemented in July by the creation of an Internet site using the town's colours and dedicated to computer literature. If it is a result of fashion that a small public library has succumbed to the Siren-call of the Web, it was nevertheless the anticipated and logical outcome of our work with digital media and supports since 1994.
Seit Oktober 1996 haben die Benutzer der Stadtbibliothek Lisieux Zugang zum Internet über einen Kleinrechner, der für diesen Zweck zur Verfügung steht und ein Multimediagerät ergänzt, das vier Monate früher aufgestellt worden war und der cd-rom-Recherche für das allgemeine Publikum, einer digitalen Photothek und einer elektronischen Bibliothek dient. Dieser Ausstattung ging seit Juli die Eröffnung eines Internet-Arbeitsplatzes in Farbe durch die Stadt voraus, der der Recherche nach elektronischer Literatur gewidmet ist. Auch wenn es für eine kleine Stadtbibliothek ein Modeeffekt darstellt, wenn sie den Sirenen des Netzes zum Opfer fällt, so haben wir doch die Einführung des Internet anvisiert als logische Folge unserer Bemühungen um digitale Datenträger seit 1994.
L’informatique a fait une entrée tardive à la bibliothèque municipale de Lisieux. Le premier micro-ordinateur, destiné à la bureautique (traitement de texte et publication assistée par ordinateur ou PAO) n’a été acquis qu’en 1993. L’année suivante, un système de gestion informatisée était choisi (Orphée/Datapoint) et une dizaine de nouvelles machines ont fait leur apparition dans les salles et bureaux de l’établissement. Le programme de la médiathèque à venir, toujours remise en chantier, réservait dès 1992 une place importante aux nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein du futur équipement. Alors, comme pour compenser le retard et lutter contre une image de marque désuète, sans aucune formation, nous nous sommes passionnés pour ce nouvel outil, dépouillant avec frénésie la presse spécialisée et explorant jusqu’au dernier fichier toute nouvelle compilation de logiciels contributifs (shareware 1) sur CD-Rom.
Bulletin électronique
La découverte d’un logiciel auteur 2 est à l’origine de la première publication électronique de la bibliothèque municipale : Les Affiches de Lisieux, bulletin électronique d’informations bibliographiques.
L’objectif était simple et modeste : publier sur disquettes des bibliographies thématiques d’intérêt local, déjà élaborées, saisies et stockées sur disque dur, dans l’attente du jour où un budget suffisant aurait permis de les faire imprimer. D’une prise en main rapide, le logiciel utilisé permet une mise en pages de qualité à moindre coût, et offre la possibilité d’ajouter à la partie texte des illustrations, des sons...
Le produit final est un exécutable, lisible sur tout PC compatible, capable de gérer 256 couleurs. Le tirage s’effectue à la demande, les mises à jour sont aisées, la transmission à distance possible. On peut inclure une option impression. Une dizaine de numéros 3 sont parus, chacun tiré à environ 50 exemplaires et diffusé localement. Quelques-uns ont aussi été réalisés sous forme de fichiers hypertexte pour Windows.
Hormis la diffusion locale, la plupart des numéros ont trouvé place sur les éditions successives des CD-Rom publiés par la société DPTool Club 4, spécialiste français des compilations de logiciels contributifs de qualité. Enfin, trois ou quatre numéros des Affiches ont été déposés sur un serveur télématique sous forme de fichiers archives récupérables en téléchargement. Le bilan de cette expérience éditoriale est plutôt contrasté : autant le produit a séduit par sa nouveauté, autant la rencontre attendue entre un public intéressé par l’histoire locale et le support informatique n’a pas eu lieu.
Photothèque numérique
Le projet de constitution d’une photothèque numérique s’est rapidement imposé, fin 1994, après les premiers essais de numérisation de documents iconographiques, réalisés avec un modeste scanner à main pour illustrer les numéros successifs des Affiches de Lisieux (photos issues de revues anciennes, pages de titre de livres anciens, cartes postales locales).
Mais, numériser même progressivement avec un scanner à plat et stocker sur un disque dur environ 1 500 cartes postales s’est vite révélé un projet irréalisable en interne (par ailleurs nous n’aurions pas obtenu à l’époque le budget nécessaire à l’acquisition d’un scanner à plat). La décision a alors été prise de confier la collection de cartes postales à un photographe de Lisieux ayant pour mission, après prise de vue de toutes les cartes, de nous fournir des photos sur support CD (procédé Kodak), contenant chacun 100 images. L’opération a été conduite sur deux exercices budgétaires (1995 et 1996) sans demande de crédits spécifiques.
L’intégralité de la collection est maintenant stockée sur une quinzaine de disques. L’exploitation de ce support est très aisée sur un micro-ordinateur équipé d’un lecteur de CD-Rom et d’un logiciel de visualisation et de traitement d’images 5. Les photos sont extraites et converties par lots aux formats JPEG, Gif ou Png... puis enregistrées sur disque dur. Classées en albums thématiques, elles peuvent être ensuite visualisées individuellement ou sous forme de diaporama 6. L’indexation de chaque document est possible même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une base de données images. D’autres campagnes de numérisation sont programmées pour 1997 et concernent des collections de photographies anciennes appartenant au musée de Lisieux. Des particuliers sont aussi venus nous proposer leur collection afin de la voir figurer dans la photothèque numérique.
On voit bien l’intérêt de ce type d’opération pour la conservation des documents originaux qui ne sont plus qu’exceptionnellement communiqués et surtout plus jamais photocopiés. Leur consultation sur support numérique est aussi de très grande qualité et offre un confort visuel sans précédent. Les usagers de la bibliothèque peuvent obtenir immédiatement une copie papier des images consultées ou, dans un délai de quelques jours, la duplication sur disquettes des images de leur choix. Le dernier avantage de cette opération est de nous avoir contraints à mettre un peu d’ordre dans la collection d’images de la bibliothèque.
Bibliothèque électronique
La fréquentation assidue de certains serveurs télématiques – Full text BBS, Modula BBS – nous a fait découvrir en 1994 le Project Gutenberg et aussi le projet de l’Association des bibliophiles universels 7. Tous deux, l’un en langue anglaise l’autre en langue française, visent à la constitution de vastes bibliothèques électroniques mettant à la disposition de tous le patrimoine littéraire de l’humanité. Des œuvres en version intégrale relevant du domaine public sont numérisées ou saisies au clavier, puis diffusées sur les réseaux et sur CD-Rom 8.
Séduits par ces projets, nous nous sommes modestement lancés dans une opération de saisie de nouvelles de Maupassant, Lorrain, Mirbeau... à laquelle se sont ajoutés les textes de brochures du fonds local de la bibliothèque parmi les plus demandées. A défaut de scanner à plat et de logiciel de reconnaissance de caractères (OCR), les textes sont saisis au clavier à partir des exemplaires du fonds de la bibliothèque : ce qui explique entre autres notre préférence pour les nouvelles et les minces brochures.
Cette tâche est confiée à la secrétaire (mais aussi comptable et standardiste) de la bibliothèque, libérée de la dactylographie des notices du catalogue depuis l’informatisation de l’établissement. Les textes sont relus par un autre agent de la bibliothèque puis corrigés avant édition. Comme pour le bulletin électronique, l’édition et la diffusion se font sur disquettes, CD-Rom et par téléchargement sur des serveurs.
Site Internet
Pour élargir l’audience des produits électroniques de la bibliothèque, nous avions envisagé, fin 1995, la création d’un « babillard » 9 (il n’en existait pas alors en Basse-Normandie), sur lequel nous aurions mis à disposition l’ensemble des fichiers (textes, images, bulletins) produits par la bibliothèque, mais aussi des logiciels éducatifs en libre essai. Le dossier présenté à la hâte à l’adjoint chargé du secteur culturel n’a pas été retenu. Cet adjoint a d’ailleurs été beaucoup plus séduit par une démonstration d’un vrai faux site Internet de la bibliothèque de Lisieux, réalisé avec la complicité d’Hervé Le Crosnier, conservateur et maître de conférences à l’université de Caen et aussi modérateur de la liste de diffusion Biblio-fr.
C’est justement cette simulation Internet qui nous a décidés à ouvrir La bibliothèque électronique de Lisieux, site Internet entièrement consacré à la littérature électronique.
Ouvert à titre privé – il est hébergé sur les pages web « gratuites » d’un compte personnel – et faisant officieusement référence à la bibliothèque, il est devenu depuis, après accord des élus, le site officiel de la bibliothèque municipale de Lisieux 10. Plusieurs rubriques, mises à jour en fin de mois, composent cette bibliothèque virtuelle : une sélection mensuelle (en février, Ourika de Mme de Duras) ; les archives des précédentes sélections (Denon, Revel, Rabou, Lavisse, Nodier...) ; un rayon littérature française composé de pages dédiées à des auteurs (Maupassant, Allais, Lorrain, Mirbeau, Gourmont, Flaubert), ainsi que quelques bibliographies signalétiques de collections littéraires acquises récemment par la bibliothèque (L’Alphabet des lettres, La Porte étroite, Portrait de la France...) ; un rayon documentaire avec le texte de brochures anciennes, principalement du XIXe siècle ; enfin, une section fonds normand qui regroupe des œuvres d’intérêt local. Un index permet de se retrouver parmi les 123 textes actuellement disponibles.
Quelques liens externes emmènent les visiteurs vers d’autres sites normands et d’autres ressources francophones. L’élaboration d’un site web comme le nôtre, ayant une mise en pages minimaliste, ne nécessite pas de compétence particulière. De nombreux logiciels contributifs permettent de réaliser très rapidement des pages codées en langage HTML à partir de fichiers textes et images.
Pour faire connaître le site, nous utilisons principalement le courrier électronique en envoyant un message mensuel, informant des mises à jour, à des listes de diffusion thématiques (Biblio-fr, ABU, Balzac-L, Dix-neuf...), ainsi qu’aux personnes (Webmaster) qui gèrent des annuaires de ressources francophones (ClicNet, Livres en ligne, La francophonie c’est chouette...). Il a aussi été procédé à l’enregistrement du site auprès de quelques moteurs de recherches (Infoseek, Echo, Ecila, Eureka, Nomade...).
Salle multimédia et accès public au réseau
Depuis les premiers numéros du bulletin électronique, nous souhaitions pouvoir mettre des micro-ordinateurs à la disposition des usagers de la bibliothèque, afin que l’ensemble de cette production numérique puisse être consulté localement par tous.
Un crédit d’investissement inscrit au budget 1996 a permis l’ouverture d’une petite salle multimédia composée de deux micro-ordinateurs en libre accès, d’une imprimante partagée et d’un scanner à plat. Le premier des micros est réservé à la consultation en local des CD-Rom grand public (une soixantaine actuellement), à la photothèque numérique locale et à la bibliothèque électronique, le second est relié au réseau par une connexion de type Numéris auprès d’un fournisseur d’accès local (PacWan-Caen).
Ce nouveau service, opérationnel depuis le mois d’octobre dernier, connaît une bonne fréquentation, notamment la consultation des CD-Rom et de la photothèque, pour laquelle les demandes de copies sur disquettes sont nombreuses. Les connexions au réseau Internet sont moins fréquentes, sans doute en raison des tarifs fixés par le conseil municipal, mais nous avons déjà un noyau d’habitués, jusqu’alors « inconnus de nos services ».
Ce mode de fonctionnement proche de celui d’un cybercafé est complété par une démarche volontaire du personnel de la bibliothèque qui interroge directement le réseau lorsque, lors d’une demande documentaire, les ressources internes de l’établissement sont jugées insuffisantes (quand elles ne sont pas tout simplement inexistantes). Les résultats de la recherche sont alors proposés au lecteur sous forme de copies papier des pages visualisées ou bien de fichiers sur disquette. Internet devient ainsi un outil presque banal dans la chaîne documentaire de la bibliothèque.
Février 1997