Musées et recherche.
Actes du colloque organisé à Paris, au Musée national des arts et traditions populaires, les 29, 30 novembre et 1er décembre 1993
Comme les bibliothèques, et sur des modes souvent voisins, les musées entretiennent avec l'univers de la recherche des relations anciennes, sur lesquelles il était opportun de s'interroger, au moment où les missions de l'institution, confrontée à des demandes multiples et parfois contradictoires, se trouvent à la croisée des chemins. Le succès remporté par le colloque réuni en 1993 - trois cents participants représentatifs de tous types de musées avaient suivi les travaux - était en lui-même un signe de l'intérêt que suscite une question complexe, susceptible d'être abordée sous des angles très divers.
Le musée, en effet, est d'abord le conservatoire d'un patrimoine diversifié, lequel fait l'objet d'investigations historiques, esthétiques, etc., toujours plus nombreuses. Il est aussi le lieu où la conservation préventive et la restauration de ces oeuvres alimentent elles-mêmes des travaux spécifiques, d'ordre physique, chimique... Enfin, le musée apparaît comme une structure dont l'organisation, le fonctionnement, la fréquentation et le discours sont étudiés par les spécialistes.
L'émergence de la recherche
Ces trois dimensions majeures de l'activité de recherche menée dans et par les musées ou suscitée par eux, se sont développées de façon indépendante et, en tout cas, à des périodes différentes, comme le montre une première partie d'ordre historique. Une dizaine de communications analysent l'émergence et le développement de la recherche, successivement dans les musées d'art ancien et contemporain, en France, en Allemagne et en Angleterre (Roland Recht, Jean-Marc Poinsot, Lyne Therrien, Sarah Wilson), dans les muséums et jardins zoologiques, ainsi que dans les musées des sciences et techniques (Michel Van Praët, Cécile Fromont, Philippe Chavot, Suzanne Débarbat, Claudine Laurent et Andrée Bergeron), sans oublier les musées d'« identité », d'histoire et d'ethnologie (Françoise Wassermann, Philippe Bordes et Jean-Louis Déotte).
La seconde partie du volume entend brosser un « état des lieux ». Ce tableau réunit et parfois confronte « les politiques de recherche » et « la recherche au quotidien ». On relèvera la présentation, particulièrement intéressante, d'une opération d'exploitation scientifique et de mise en valeur des textes coptes menée au Louvre (Anne Boud'Hors et M.-H. Rutschowscaya). Producteur de travaux portant sur ses collections, le musée devient aussi objet d'investigations dont témoignent le développement de la muséographie, de la muséologie et de l'« expographie » (André Desvallées), tout comme celui des enquêtes sociologiques menées sur les publics (Jacqueline Eidelman).
Pour une ouverture comparatiste
Il appartenait aussi à un tel volume d'ouvrir des « perspectives » (troisième partie). Laurent Gervereau plaide pour l'« interdisciplinarité », appelant les professionnels des musées à témoigner d'« une vraie préoccupation d'ouverture comparatiste ». Les conservateurs ne peuvent certes être « omniscients ». Il semble dès lors souvent souhaitable, voire nécessaire, qu'ils s'entourent de conseils scientifiques, dont Jean-Pierre Mohen et Dominique Vieville présentent les missions et analysent le fonctionnement.
Au nombre des « perspectives » figure aussi, cela va sans dire, le développement des nouvelles technologies, qui conduit les responsables des musées à s'interroger, par la voix de Bernadette Goldstein, sur le statut même de l'objet, virtuel et matériel. Et selon Laurent Gervereau, les « perspectives stimulantes » offertes par les réseaux suscitent par ailleurs de réelles craintes.
D'autres communications, pour finir, s'interrogent notamment sur les pistes neuves ouvertes dans le domaine de la muséologie, en France (Jean Davalon) ou en Suisse (Martin R. Schärer), préoccupations apparues à mesure que se développaient, entre autres, les musées de société et d'« identité ». Bien des sujets abordés dans ce volume riche et dense ne manqueront pas d'intéresser les bibliothécaires qui, plus d'une fois, reconnaîtront dans les interrogations des muséologues l'écho de leurs propres questions.