Culture à la carte
bibliothèques... multimédias, d'Arras à Mazamet, de Phoenix à Madrid
Joli cadeau, en ce milieu d'année 1996, que ce numéro d'Architecture intérieure Archicréé, consacré aux bibliothèques multimédias. Il se situe dans le cadre d'une enquête plus générale qui, sur plusieurs mois, s'intéresse aux bâtiments culturels sous la dénomination de « Culture à la carte ».
Près de soixante-dix pages de la revue, organisées en trois parties, sont consacrées à l'architecture des bibliothèques.
La problématique
La première partie invite à la réflexion autour de deux articles de fond :
- l'un est un entretien avec Michel Melot, alors président du Conseil supérieur des bibliothèques, sur le paradoxe auquel sont aujourd'hui confrontées les bibliothèques et les institutions qui les financent : l'accélération de la virtualisation du savoir qui appelle la construction d'un nombre de plus en plus important de bibliothèques. Cet entretien reprend l'essentiel des thèmes développés par Michel Melot dans sa magistrale introduction à l'ouvrage Nouvelles Alexandries : les grands chantiers des bibliothèques dans le monde 1, dont il a été le directeur scientifique ;
- le second article, sous le titre percutant de « Médiathèques : des aimants culturels », analyse, à partir de la réalisation récente des bibliothèques municipales d'Évreux, Orléans, Saint-Quentin-en-Yvelines, Issy-les-Moulineaux et quelques autres, les raisons du succès remporté par les bibliothèques municipales.
L'article, très documenté et très bien construit, présente tour à tour la filiation existant entre ces nouvelles bibliothèques et la Bibliothèque publique d'information créée vingt ans auparavant, l'architecture d'une bibliothèque comme symbole de la politique culturelle d'une commune. Il aborde également l'évolution des programmes en donnant la parole tantôt aux programmateurs, tantôt aux bibliothécaires, le traitement de l'espace intérieur des médiathèques ainsi que leur équipement en mobilier.
Bien des questions fondamentales sont reprises à cette occasion, comme la flexibilité des bâtiments en vue de réaménagements ultérieurs, la transparence et la lisibilité des espaces, la nécessité de maîtriser l'éclairage naturel, l'accueil des différents types de publics. On croirait presque que l'article a été écrit par un bibliothécaire tant les préoccupations constantes de la profession sont décrites et analysées.
Un grand merci à Christine Desmoulins, la journaliste qui a signé ce remarquable article, d'être si bien entrée dans la problématique à laquelle les bibliothécaires et leurs autorités de tutelle sont confrontés : faire en sorte que les bâtiments des bibliothèques soient vraiment réalisés pour répondre aux besoins de leurs publics et qu'ils soient capables d'évoluer harmonieusement au fil du temps.
Description de bâtiments
La deuxième partie de la revue s'organise autour de la description de plusieurs bâtiments de bibliothèques publiques, complémentaires de ceux présentés dans l'article précédent. Deux à quatre pages richement illustrées de photographies en noir et blanc et en couleurs, de plans, ainsi que de dessins en perspective sont consacrées à chacun des exemples retenus qui représentent des cas de figure différents : aménagement dans un bâtiment classé monument historique (Arras), extension d'un bâtiment existant (Argentan), construction neuve à Guingamp, Brest, Blois, Le Petit-Quevilly et Mazamet. Une courte fiche technique précise notamment, pour chacun des cas, le nom de l'architecte, la surface construite, le coût des travaux et la date de réalisation du chantier.
Trois bibliothèques, hors de France, complètent ce tour d'horizon : deux bibliothèques d'université (Madrid) et de collège technique (Cork) - qui rompent un peu l'unité de contenu de ce numéro spécial - ainsi que la bibliothèque de la ville de Phoenix (Arizona).
Aménagement intérieur
La troisième partie, plus restreinte, est consacrée à l'aménagement intérieur des bibliothèques. Un article décrit l'ameublement de la Bibliothèque nationale de France qui compte un mobilier entièrement dessiné par l'architecte Dominique Perrault et une équipe de designers. Un panorama est donné des mobiliers spécifiques des bibliothèques existant sur le marché français sous la forme de notes techniques fournies par une dizaine de fabricants.
Numéro particulièrement riche donc et dont les illustrations peuvent faire rêver. On regrettera cependant que la quasi-totalité des photographies d'intérieur représentent des bibliothèques vides, sans public, comme si celui-ci aurait pu gêner la perfection de certaines architectures. Que les auteurs de ce numéro ne voient là aucun procès d'intention, seulement l'expression d'un regret ! Une bibliothèque est faite pour son public et ne vit que par lui.
La presse dédiée à l'architecture fait donc aux bibliothèques l'honneur - très rare, donc particulièrement apprécié - de leur consacrer un numéro spécial. Comme il serait intéressant d'analyser le discours ainsi véhiculé au fil du temps sur le développement des bibliothèques, depuis l'extraordinaire numéro de L'Architecture d'aujourd'hui de mars 1938, récemment retrouvé dans les archives de l'Inspection générale des bibliothèques, en passant par les numéros spéciaux de L'Architecture française de 1963, 1965 et 1973, de L'Architecture d'aujourd'hui de 1966 et de Techniques et architecture de 1989 ( 2) ! A quand désormais un numéro consacré à la construction des bibliothèques universitaires depuis 1991, année de réouverture des chantiers ?