Le congrès de l'ADBU vu par un congressiste ordinaire

Anne-Marie Motais de Narbonne

Le dernier congrès de l’Association des directeurs de bibliothèques universitaires (ADBU) s’est tenu à Pau les 26, 27 et 28 septembre derniers.

Dans sa forme, rien de plus classique, de plus conforme au rite ordinaire d’une telle association. La bibliothèque invitante s’était mobilisée pour que tout coule de source, l’université a marqué son intérêt pour nos travaux dans le discours d’accueil de son président, la ville nous a honorés par un vin d’honneur au Jurançon et le discours attendu et savoureux de son député-maire. Les participants avaient cet air bon enfant des bons congressistes, le dîner de gala était organisé dans le prestigieux Parlement de Navarre et l’ordonnancement des travaux n’a pas déparé la tradition, rapport moral et financier, débats d’orientation, élections, ateliers et séance finale avec les autorités ministérielles et universitaires. Rien de banal, en revanche, sur le fond ; un concentré des questions fondamentales et de toutes les interrogations et tensions qu’elles suscitent.

La poursuite du partenariat

Le mandat donné au Bureau par la précédente Assemblée générale (Rennes 1995) avait été de se rapprocher de la Conférence des Présidents d’université. Depuis, la tenue des États généraux des universités avait dynamisé le processus au-delà de ce qui était prévisible et la nomination de Bernard Dizambourg à la tête de la Direction de l’information scientifique, des technologies nouvelles et des bibliothèques avait élargi les partenaires. Cette accélération de l’histoire avait réactualisé les questions sur les orientations de l’ADBU, son programme et ses méthodes de travail. Faut-il faire progresser la documentation universitaire au service des ambitions et projets des universités, ou mettre l’accent sur la spécificité de la documentation et de ses professionnels ? Jusqu’où l’ADBU peut-elle coopérer avec la cpu et la distnb sans risquer d’amoindrir son autonomie de pensée ?

Des questions aussi complexes, avec des situations locales aussi variées que celles que nous connaissons, ne peuvent appeler de réponses unanimes et l’Assemblée générale de l’ADBU est bien l’instance pour les débattre ; c’est sa mission et elle réunit tous les directeurs des services communs de la documentation. Il n’existe d’ailleurs pas d’autres lieux pour traiter de façon collégiale de notre futur et de la vision que nous en avons. On ne peut qu’en déplorer davantage les faiblesses du débat.

Les élections pour le renouvellement complet du Conseil d’administration confirmèrent la ligne d’action précédente et mandat fut donné à la nouvelle équipe de poursuivre le partenariat engagé avec la cpu et la distnb pour une construction commune de la documentation universitaire.

Des thèmes d’actualité

Les deux ateliers organisés sur des thèmes d’actualité « La formation des utilisateurs » et « Les nouvelles technologies, réseaux nationaux et internationaux, évolution du rôle des BU », intéressants et bien menés, nous renvoyèrent aussi, de façon plus concrète, aux mêmes interrogations : quel rôle pour les bibliothèques et leurs professionnels face aux évolutions de l’offre documentaire commerciale et à celle de l’enseignement ? Quelle réponse donner aux besoins massifs de formation ? Existe-t-il des facteurs stables dans la documentation électronique et ses technologies d’aujourd’hui sur lesquels construire des projets à long terme ?

Deux associations sœurs, la codibuce (Conférence des directeurs de bibliothèques universitaires et de recherche espagnoles) et le Comité des bibliothèques de la crepuq (Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec), avaient été invitées à présenter leurs organisations et méthodes de travail. A travers les exposés de Remedios Moralejo Alvarez et de Gérald Boudreau, ces associations se révélèrent très différentes l’une de l’autre, mais avec, cependant, la même forte implication de leurs membres à tous les niveaux. Il est clair que ce dynamisme est lié à la jeunesse et à l’esprit pionnier de l’Association espagnole et, au contraire, pour nos collègues québécois, à une longue tradition étayée par des moyens importants. Mais on n’a pu qu’être frappé par la richesse des travaux et la forte production de chacune d’entre elles.

Des coopérations transversales

Comme il est d’usage le dernier jour, la synthèse des travaux en présence du directeur de la distnb et du président de la cpu amorça le dialogue de l’année à venir entre les partenaires institutionnels. Le nouveau président de l’ADBU, Bruno Van Dooren, souligna la priorité mise sur la formation des usagers à la documentation, et insista sur ce qu’elle implique, en matière d’engagement des établissements, de programme pédagogique, d’équipements, de formateurs compétents et en nombre suffisant, de locaux. La volonté de l’ADBU est d’y travailler dans le cadre d’un partenariat franc et fort. Le directeur de la distnb et le président Saint Girons, représentant la cpu, firent état du fait que les questions de formation étaient pour eux aussi prioritaires. Chacun s’accorda à souligner que les nouvelles technologies et la nouvelle pédagogie modifient les liens traditionnels dans les universités et nécessitent le développement de coopérations transversales par rapport aux structures actuelles.

Le chantier de tous ces changements est donc ouvert. Que chacun en ressente l’importance était le préalable nécessaire aux délicates questions sur la façon de les conduire. Pour que notre point de vue de professionnels de la documentation ait bien sa place dans ce processus, on pourra s’inspirer des méthodes de nos collègues espagnols et québécois, travailler beaucoup et ensemble pour le définir et le défendre.