La formation des conservateurs de bibliothèque
nouveau départ
Christophe Pavlidès
En invitant largement la profession à la présentation du « nouveau diplôme de conservateur de bibliothèque », les autorités de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques et de l’administration centrale n’ignoraient pas les attentes des acteurs des bibliothèques envers ce projet 1. Faisons-leur crédit de ce que ces attentes étaient également les leurs, comme en atteste une tribune où se côtoyaient le directeur de l’école (François Dupuigrenet Desroussilles) et le sous-directeur des bibliothèques (Claude Jolly), l’animateur éponyme de la commission d’évaluation du dcb (Pierre Botineau) et le responsable du dcb au sein de l’école (Jean-Marc Proust), sous la présidence bienveillante de Maurice Garden, président du conseil d’administration de l’enssib.
La nécessité de réformer la formation des conservateurs s’était déjà traduite par la création de l’enssib en 1992. Dans un contexte évolutif, car caractérisé par un renouvellement de plus en plus rapide des pratiques professionnelles, Claude Jolly rappelle les difficultés un peu structurelles de l’école (sa nature à la fois scientifique et professionnelle, sa petite taille, la diversité de statut des disciplines enseignées, enfin la diversité de son public : « On ne gagne jamais à sous-estimer les difficultés auxquelles on est confronté »...), mais aussi ses atouts (la qualité du recrutement, l’insertion dans les débats de la société actuelle, une attente forte du milieu, la richesse du contexte lyonnais), dont le moindre n’est pas la rigueur dans les procédures suivies jusqu’ici : c’est dès 1994 en effet que le conseil d’administration de l’école a souhaité l’évaluation du dcb ; le rapport Botineau a été rendu en 1995, et c’est en 1996 qu’est bouclée la réforme du diplôme et de la scolarité, tandis que sort parallèlement le rapport du Comité national d’évaluation sur l’école, rapport qui « interroge l’État et interpelle l’enssib ».
Les grands axes de la réforme
Après cette entrée en matière riche en questionnements, rappeler les grands axes du rapport Botineau n’était pas inutile pour juger ce que l’école a décidé d’en faire 2, et revenait tout naturellement à son principal auteur. Tout en prenant en compte le « progrès considérable » que représente le dcb par rapport à l’ancien dsb, et son évolution déjà sensible entre 1991-1992 et 1994-1995, le rapport critiquait substantiellement les insuffisances et inadaptations du programme, des enseignements et de la pédagogie, qui, tout particulièrement en ce qui concerne la filière recherche, réduisaient le tronc commun professionnel à la portion congrue.
Face à ces critiques dont nul (y compris le Comité national d’évaluation) ne semble contester le bien-fondé, François Dupuigrenet Desroussilles assure que l’équipe de l’enssib a fait du rapport une lecture « à la fois opératoire et non techniciste », et présente les grandes orientations de la réforme : un nouveau calendrier faisant la part belle aux stages (avec une scolarité commençant en janvier et finissant en juin de l’année suivante) ; des contenus d’enseignement articulés en quatre axes (l’établissement, les collections et documents, les publics et le personnel, l’environnement) ; enfin, de profonds changements méthodologiques, centrés sur la constitution d’un véritable tronc commun professionnalisé.
La part des stages passe désormais à 22 semaines, avec la distinction entre un stage d’immersion de 3 semaines en alternance et un stage projet de 2 semaines, et une meilleure définition pour le stage d’étude de 12 semaines (judicieusement repoussé après l’été) entre mémoire d’étude et rapport de stage. Quant aux enseignements à options, ils interviennent après les stages, en fin de scolarité, une fois connue l’affectation.
Car c’est l’autre petite révolution de cette réforme : la « filière recherche », objet de toutes les critiques et de tous les malentendus, disparaît en tant que telle pour n’être que mieux intégrée dans l’ensemble de l’enseignement. La place de la recherche à l’école n’est apparemment pas menacée pour autant, mais le risque d’une telle dérive est toujours possible, comme le suggère Jean-Marc Proust.
L’évaluation des élèves est plus concentrée : le nombre de contrôles en catalogage et bibliographie, déjà passé de 7 à 3, tend désormais vers 0. En outre, la procédure de validation des acquis est déjà mise en place : la tendance au « bachotage » et à la « secondarisation » est freinée ; la professionnalisation des contenus va d’ailleurs dans le même sens (par exemple le remplacement de l’informatique fondamentale par une véritable informatique documentaire).
Il semble bien dès lors que le succès futur de cette réforme du dcb repose largement sur la part qu’y prendra la profession, à la fois par l’encadrement des stages et, comme le soulignait Claude Jolly, par la part prise par tous à la réflexion sur la pratique professionnelle. Mais reste l’impression largement partagée et exprimée par la salle que l’hypothèse de plus en plus réaliste de l’absence de concours externe en 1997 (en dehors du concours sur titres pour les chartistes) et les incertitudes sur un éventuel concours interne sont de bien mauvais augure pour une réforme dimensionnée pour des promotions de 45 élèves conservateurs... Comme le souligne François Dupuigrenet Desroussilles, l’enssib doit se préparer et « pas seulement pour les bonnes années » : souhaitons donc bonne chance à une réforme qui démarre dans de bien difficiles conditions, et saluons l’effort de communication de l’école et de la tutelle, en souhaitant le voir se renouveler souvent.