La médiathèque d'histoire des sciences de la Cité des sciences et de l'industrie
Sylvie Peyrat
Bruno Jammes
A la Cité des sciences et de l'industrie, la médiathèque d'histoire des sciences, de didactique et de muséologie, bibliothèque d'étude et de recherche, a constitué depuis une dizaine d'années une importante collection de documents vulgarisateurs ou de niveau recherche en histoire, sociologie, philosophie, muséologie, et didactique des sciences et des techniques, offerts en accès libre. A cette collection contemporaine, sont associés des fonds scientifiques anciens (traités des xviiie et xixe siècles, périodiques des xixe et xxe siècles, fonds thématiques comme la vulgarisation scientifique, la psychiatrie).
At the Cité des sciences et de l'industrie, the media library for the history of science, its teaching and its museology, is a library for study and research. In the last ten years or so it has formed an important collection of documents, aimed both at the popularization of science and at the level of research, in the history, sociology, philosophy, museology, and didacticism of science and technology, all of which are freely accessible. Associated with this contemporary collection are older scientific collections (treatises from the eighteenth and nineteenth centuries, periodicals from the nineteenth and twentieth centuries, thematic groupings such as popular science books, and psychiatry).
In der Cité des sciences et de l'industrie präsentiert die Mediathek der Geschichte der Wissenschaften, der Didaktik und der Museumskunde, eine Studien- und Forschungsbibliothek, seit etwa 10 Jahren eine wichtige Sammlung von allgemeinverständlichen oder auf Forschungsniveau angesiedelten Dokumenten auf den Gebieten der Geschichte, der Soziologie, der Philosophie, der Museumskunde und der Didaktik der Wissenschaften und der Technik, die frei zugänglich angeboten werden. Dieser zeitgenössischen Sammlung sind alte wissenschaftliche Bestände angeschlossen (Abhandlungen des 18. und 19. Jahrhunderts, Zeitschriften des 19. und 20. Jahrhunderts und thematische Bestände wie volkstümliche wissenschaftliche Werke und solche aus der Psychiatrie).
En 1996, la Cité des sciences et de l’industrie fêtait ses dix ans d’ouverture au public. Moment propice à une réflexion sur sa mission de vulgarisation scientifique et technique et sur les moyens et actions mis en œuvre par ses diverses composantes.
Conçue dès l’origine du projet de la Cité, et répondant à la même mission, la médiathèque offre en libre accès, à des publics variés, des ressources documentaires nombreuses, entièrement consacrées aux sciences, aux techniques, aux industries et aux métiers. En constante évolution, ce fonds représente 300 000 livres, 2 700 revues, 4 000 films, 120 titres de CD-Rom et 400 logiciels éducatifs. Fonds largement exploré ou encore à découvrir par un public fidèle ou occasionnel, motivé ou flâneur, familial, professionnel, curieux ou désorienté... que les médiathécaires savent efficacement accueillir et informer.
Moins connue du grand public, un peu « décentrée » par rapport à l’image généralement reflétée par la Cité des sciences, la Médiathèque d’histoire des sciences, de didactique et de muséologie, illustre un projet original d’intégrer à la médiathèque une bibliothèque d’étude et de recherche bien documentée sur l’histoire des sciences et associant la constitution délibérée de fonds scientifiques anciens 1.
Elle s’inscrit dans une logique de complémentarité, et veut répondre à des demandes spécialisées et approfondies sur l’histoire, la philosophie, la sociologie, la muséologie et la didactique des sciences et des techniques. Elle consacre la nécessité d’une mise en perspective historique, philosophique et sociologique de la science, permettant analyses et réévaluations de l’évolution des sociétés et des savoirs.
De ce fait, elle garde aussi un contact étroit avec le Centre de recherches en histoire des sciences et des techniques (CRHST), département de la médiathèque créé en 1986 et placé également sous la tutelle du Centre national de la recherche scientifique. Programmes de recherche en cours et séminaires organisés par le CRHST orientent régulièrement certains axes de constitution des fonds de la Médiathèque d’histoire des sciences (histoire de la vulgarisation des sciences, ou de l’instrumentation par exemple).
Les fonds contemporains
Les fonds contemporains 2, en libre accès, représentent aussi bien des documents vulgarisateurs en histoire des sciences que des ouvrages de niveau recherche dans les disciplines et les champs couverts par la Médiathèque d’histoire des sciences. Dix ans d’existence ont permis une meilleure connaissance des publics concernés, et ont nécessairement conduit à quelques recentrages sur des domaines de spécialités.
Le souci de mettre à disposition des chercheurs un large fonds de références générales a constitué un axe important d’acquisitions, beaucoup moins développé actuellement, restrictions budgétaires aidant. Reflet de l’interdisciplinarité inhérente à l’histoire des sciences et des techniques et à leur champ d’étude, ce fonds présente une sélection d’ouvrages de synthèse et de monographies incontournables en histoire, histoire sociale et économique, histoire des idées et des mentalités, histoire des institutions. Il est largement complété par des encyclopédies françaises, étrangères ou anciennes, des répertoires biographiques et bibliographiques rétrospectifs ou courants, des catalogues de bibliothèque.
Ce dispositif d’instruments d’aide à la recherche se trouve enrichi par une forte représentation (hormis les encyclopédies) spécifique à chacune des sections spécialisées, identifiées ainsi dans le plan de classement propre à la médiathèque : philosophie des sciences, sociologie des sciences, histoire des sciences exactes et des sciences de la terre, histoire de la médecine et des sciences de la vie, histoire des techniques, muséologie des sciences et des techniques, didactique des sciences et des techniques. Il n’est pas question ici de présenter en détail l’ensemble de ces fonds constitués à l’origine avec un souci d’exhaustivité, mais d’en montrer certaines spécificités.
L’histoire des sciences
La politique de constitution des fonds se caractérise notamment par la prise en compte des diverses approches en histoire des sciences, investie depuis longtemps par les philosophes et les scientifiques et de plus en plus par les historiens et les sociologues. Ces approches ont très souvent été traversées par de grands débats idéologiques 3.
Sont ainsi nécessairement présents les grands textes de l’histoire de la philosophie des sciences et des épistémologies régionales, internes à une discipline, jusqu’aux divers courants de recherche sur la nature et la méthodologie de la connaissance scientifique au XXe siècle (Alexandre Koyré, Gaston Bachelard, Georges Canguilhem, Karl Popper...). Sont aussi présentes les recherches interdisciplinaires, notamment dans le domaine des sciences cognitives.
A côté d’une histoire épistémologique des sciences et des techniques, le fonds rend compte de l’introduction et de l’évolution des méthodes et objets d’analyse sociologique, thèmes anglo-saxons d’origine, dans les années 1950, sur la production sociale des connaissances et des pratiques scientifiques, le savoir scientifique comme objet d’étude, les relations que les sciences et la communauté scientifique entretiennent avec le technique, le politique, l’économique, le culturel (Robert Merton, Thomas Kuhn, Barry Barnes, David Bloor...).
Corpus de textes scientifiques et documentation critique
La constitution de corpus importants autour de textes scientifiques permet de mener des études approfondies en histoire des sciences. Sont donc aussi réunies les sources primaires, c’est-à-dire les œuvres des savants, en reprints, les biographies les concernant, les correspondances, discours, « papiers » scientifiques et les études critiques (Bacon, Galilée, Newton, Maxwell, Darwin...) organisés par histoire des disciplines, par époque et par pays, avec des fonds plus développés en histoire des mathématiques, de la physique, de la chimie, de l’astronomie, ainsi qu’en histoire naturelle, histoire de la médecine, dont l’histoire de la psychiatrie.
Les acquisitions d’ouvrages disponibles ont été complétées par celle de bibliothèques déjà constituées en histoire des sciences et des techniques. C’est ainsi qu’ont été acquises les bibliothèques des historiens des techniques Bertrand Gille et Maurice Daumas, ainsi que la bibliothèque de Derek de Solla Price, majoritairement composée d’ouvrages d’histoire des sciences (et principalement sur les instruments scientifiques) et de sociologie des sciences.
Axe science, culture et société
L’axe science, culture et société est privilégié dans les différents secteurs. Il concerne d’une part la dimension historique de la diffusion et de la vulgarisation des connaissances scientifiques ou techniques par divers supports écrits ou oraux, lieux d’exposition ou système éducatif, l’histoire des institutions, l’histoire des relations entre savoirs spécialisés et les contextes économique, politique, culturel, religieux. Nombre d’ouvrages font état d’autre part de la dimension contemporaine de la question de la culture scientifique, de ses processus de transmission (médias, expositions, enseignement), des enjeux et débats de société face à l’expansion des sciences et des techniques.
Le fonds muséologie permet de cerner le rôle et la place des musées dans la société et présente de manière approfondie pour les expositions ou collections scientifiques, techniques et parfois ethnologiques, des études allant de l’analyse des messages et connaissances véhiculés par l’exposition à l’étude du média exposition lui-même. Conception, gestion, animation, communication, évaluation, études de public rendent comptedes préoccupations actuelles et des évolutions historiques de la muséologie scientifique.
Les périodiques
La couverture des périodiques dans les domaines de spécialité est quasi exhaustive : la collection de périodiques français et étrangers (330 abonnements étrangers sur un total de 450) demeure un ensemble d’instruments fondamentaux pour toute activité de recherche, certains étant par ailleurs peu représentés dans les bibliothèques parisiennes. D’origine anglo-saxonne, dans une très forte proportion, y compris en didactique et en muséologie, ils sont le signe des lieux et courants de recherche prépondérants.
Les fonds anciens
La Médiathèque d’histoire des sciences a constitué dès l’origine un fonds de documents primaires de sciences et de techniques. Expérience originale, puisque peu de bibliothèques ont pu édifier ainsi, sans « fusion » ni « transfert », un fonds ancien dans ces disciplines. La collection a été constituée en fonction d’une politique d’acquisition, politique fortement infléchie par les hasards, les opportunités et les contraintes.
Les contraintes ont été moins budgétaires qu’architecturales. En effet, compte tenu des dons et des dépôts, la constitution d’un fonds ancien s’est révélée être plus économique que celle d’un fonds contemporain. Les hypothèses d’emplacement et d’équipement ont fait varier la quantité de documents à acquérir dans une fourchette se situant entre 30 000 et 800 000 ouvrages avant de se stabiliser définitivement à 80 000.
La politique d’acquisition a été définie en fonction de critères positifs et négatifs. Cette collection ne devait pas être « rare et précieuse », mais une collection de travail et d’étude.
Le premier axe d’acquisition a été la réunion d’une collection scientifique de base, complément logique des fonds d’histoire des sciences. L’opportunité a été l’acquisition des 10 000 ouvrages du fonds scientifique de la bibliothèque des jésuites de Chantilly. Bibliothèque constituée entre la fin du XIXe siècle et les premières années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, elle a servi de bibliothèque de référence et de travail pour la formation scientifique de base que recevaient les jésuites.
Ce fonds a été complété par le dépôt consenti par l’Institut de France d’une partie des collections scientifiques de sa bibliothèque, en particulier par ses fonds datant du XIXe siècle, sorte de miroir de l’activité scientifique française de l’époque.
La Cité des sciences a été créée pour diffuser la culture scientifique vers un large public. Il était donc logique de constituer un fonds historique de vulgarisation scientifique. Des Merveilles de la science aux premiers numéros du Scientific American ou de Science et vie, la collection s’est enrichie principalement par des achats auprès de libraires de livres anciens ou de collectionneurs.
Un autre axe de politique d’acquisition s’est développé autour des sources de la science du XXe siècle. Quelques sondages et enquêtes rapides avaient montré que ces documents (beaucoup de périodiques en particulier) connaissaient une sorte de purgatoire : ils n’intéressaient pas encore les historiens et, jugés obsolètes, n’intéressaient plus les scientifiques. Le risque d’une élimination était grand. Des périodiques comme IBM Journal of Research and Development sont des sources indispensables pour l’histoire des sciences et des techniques du XXe siècle.
La collection a aussi bénéficié d’opportunités et de hasards. Un premier achat d’un fonds de psychiatrie infantile a été complété quelques années plus tard par l’acquisition d’une importante bibliothèque sur la psychiatrie et l’inconscient.
D’autres collections ont fait l’objet d’accords avec différents partenaires. Ainsi les archives pour l’histoire de la physique quantique, reproduites sur microfilms, contiennent les archives de 250 scientifiques, actifs dans le domaine de la physique quantique entre 1900 et 1930 : interviews, correspondance scientifique et, pour certains, cours et biographie.
Enfin, il convient de signaler que, compte tenu de la valeur de ses ressources documentaires et des moyens mis en œuvre pour les développer, la Médiathèque d’histoire des sciences a été retenue pour être pôle associé à la Bibliothèque nationale de France, dans le cadre d’une convention dite « label », n’intégrant pas d’aide financière pour les acquisitions. La coopération porte notamment sur les collections de périodiques contemporains et les fonds en didactique et muséologie scientifique.
Janvier 1997