Electronic Documents and Information from Preservation to Access

par Yves Desrichard
18th International Essen Symposium, 23 Oct.-26 Oct. 1995. Ed. by Ahmed H. Helal, Joachim W. Weiss. Essen : Universitätsbibliothek, 1996. xlv-217 p. ; 21 cm. (Publications of Essen University Library ; 20). isbn 3-922602-21-5. issn 0931-7503

Les « documents électroniques », sujet récurrent dans le monde bibliothéconomique ces dernières années, était le thème de la 18e édition du Symposium d'Essen, réunion annuelle et internationale de bibliothécaires. Ces derniers se sont interrogés sur la notion d'accès à ces documents et de leur conservation, car ils modifient l'appréhension des problèmes de conservation et d'accès à d'autres types de documents.

La diversité des contributions ne permet pas d'en extraire facilement des lignes de force et des idées générales qui puissent synthétiser le propos : les communications intéressées (de prestataires), inspirées (de visionnaires) voisinent avec des comptes rendus d'expériences souvent un peu succincts, et il reste plus une impression de survol que d'une véritable et soigneuse introspection.

Les acceptions du terme « document électronique » varient suivant les intervenants, tous ou presque l'inscrivent dans le cadre général d'une politique d'acquisition, offrant par là des éléments de comparaison avec d'autres supports dont ils n'ont pas (encore) rendu la gestion obsolète : périodiques sur papier ou sur cd-rom, thèses sur microformes ou en ligne...

Conservation et aspects juridiques

Le problème de la conservation des documents électroniques ou de la conservation sur support électronique est abordé par plusieurs intervenants : pour quelques-uns, chaque nouvelle génération technique oblige à copier l'information d'un support qui ne peut plus être lu sur un autre (ce sera sans doute bientôt le cas du cd-rom). Pour d'autres, si, de fait, la mise sous forme électronique de documents précieux préserve les artefacts des atteintes des usagers, il serait faux de croire que le support électronique lui-même se prête à une conservation sur le long terme.

Les aspects légaux sont particulièrement bien détaillés par M. W. Collier (De Monfort University), qui propose même un exemple de contrat : quelles que soient les réticences des éditeurs comme des bibliothécaires, le document électronique peut donner lieu à une politique contractuelle claire et juste, avec, pour la consultation, des statistiques beaucoup plus fines pour les établissements, leur permettant d'ajuster au mieux leurs acquisitions.

Mais on devine que, au-delà de la gestion concrète de ces supports, c'est à une remise en question de la notion même de bibliothèque qu'ils donnent lieu : le nouveau paradigme est parfaitement résumé dans une intervention de J. Walker et M. Fisk. Pour eux, si l'on passe de la gestion de stocks à une bibliothèque « virtuelle », c'est parce que le rapport à l'usager a changé : l'établissement documentaire doit s'investir dans une politique de prosélytisme où l'on va chercher l'usager, et non pas attendre sa venue. De ce fait, la gestion d'un fonds, ce n'est plus buy for a rainy day (comme ils le suggèrent joliment), mais la notion de fourniture « juste à temps ».

Just in case et just in time

L'alternative entre le just in case et le just in time est au centre de la réflexion sur l'enjeu des supports électroniques, même si elle peut s'appliquer à tous les types de supports.

Si l'intrusion dans le monde documentaire (au moins celui qui n'est pas directement en contact avec la sphère privée) de la logique du « zéro stock » (pour faire vite) et du dogme ontologique de « produire ce que l'on va acheter » (idem) en hérissera plus d'un, elle semble bien s'imposer inexorablement, avec sans doute plus d'acuité pour les documents électroniques où la notion de just in case semble, d'une certaine manière, absurde.

Tout naturellement, de même que nous demeurons dans la civilisation du produit jetable (puisqu'il faut bien produire autre chose), l'information devient, à son tour, jetable. Ce qui ne va pas sans réticences, tant du côté des responsables de bibliothèques nationales, qui opposent l'« héritage culturel » et l'importance d'une démarche d'acquisition comprehensive (en anglais), que chez Maurice B. Line. Ce dernier remet à l'ordre du jour la notion d'« autosuffisance nationale » (sic) qui, il faut le dire, laisse perplexe.

Alice in Wonderland

Quelques interventions plus rafraîchissantes viennent perturber cet imposant édifice voué à la logique « productiviste ». Dans leur introduction, les éditeurs notent ironiquement que le développement de technologies, s'il facilite dans des proportions considérables l'accès aux documents « physiques » (un livre électronique lu en même temps par dix personnes), ne peut rien pour improve intellectual access, comme l'on dit par euphémisme... Ainsi, s'il est vrai que nombre d'étudiants s'approprient sans difficulté l'outil informatique (OPAC), il n'est pas pour autant assuré que leurs recherches en seront plus pertinentes que dans un catalogue papier...

Enfin, on s'associera de grand coeur à Morten Hein (Danemark) pour constater que, pour l'heure, tant la télévision que l'écran d'ordinateur n'offrent qu'une qualité d'image absolument lamentable, et que les efforts devront porter sur la « conversion » de support à support, au fur et à mesure de leur obsolescence tout en sachant qu'il est encore loin le temps où il sera plus confortable de lire Alice in Wonderland sur un écran que sur une page imprimée, quoi qu'aurait pu en penser un certain Charles Lutwidge Dodgson, mathématicien et logicien de son état...