L'accès électronique aux collections
la Bibliothèque nationale de France et la British Library
Isabelle Masse
Les 5 et 6 novembre 1996, l’auditorium Colbert de la Bibliothèque nationale de France (bnf) accueillait une conférence intitulée « L’accès électronique aux collections de la Bibliothèque nationale de France et de la British Library ». Ces deux journées, organisées par le British Council avec le concours de la BnF, et admirablement « conduites » par David Bradbury, de la British Library (BL), ont permis de faire le point sur les projets innovateurs déjà réalisés et sur d’autres en cours de réalisation dans ces deux bibliothèques nationales.
Accès électronique et programmes de numérisation
L’accès électronique et les programmes de numérisation de la bnf furent présentés par Philippe Bélaval et Marcelle Beaudiquez, de la bnf. Le catalogue électronique en ligne se constitue peu à peu : d’abord consacré à l’Imprimé et l’Audiovisuel, il concernera à terme les collections spécialisées, et sera obtenu par fusion de l’ensemble des bases bibliographiques existantes – BN-Opale, BN-opaline acquisitions faites depuis 1989, et conversion rétrospective des fichiers manuels informatisés. Pour la constitution des collections numérisées, il fut question des ouvrages et des images.
La consultation sur place se fera sur des postes de lecture simple (PLS) et sur des postes de lecture assistée par ordinateur (PLAO). Ces derniers offrent des possibilités de lecture savante, de travail sur les textes et de sauvegarde des résultats, leur utilisation sera payante. Internet sera favorisé comme mode d’accès électronique à distance 1.
260 000 images ont été numérisées à partir de documents de toute nature – tirages papier noir et blanc, plaques de verre, diapositives, microfilms... Présentes dans le catalogue général, classées par lots thématiques de une à cent images, chaque unité documentaire étant cataloguée, elles seront consultables en rez et haut-de-jardin. Les critères de sélection sont l’aspect inédit des documents, la complémentarité des collections entre elles et avec les collections numérisées des imprimés, la conservation. La consultation se fera via Internet.
La Direction des collections spécialisées en est le plus important fournisseur. Les projets retenus, présentés par Pierre-Yves Duchemin, de la BnF, répondent aux critères suivants : valeur documentaire et esthétique, conservation des originaux, mise en valeur des collections, complétude et cohérence de la reproduction photographique utilisable 2.
Les 100 000 textes numérisés, dont la thématique est encyclopédique, ont été retenus sur des critères de constitution des corpus thématiques, autour des auteurs. L’évolution de ces critères va vers une prépondérance des documents libres de droit, mais aussi vers des documents encore couverts par le droit d’auteur, ceci en vue d’offrir – en rez-de-jardin – un corpus cohérent. Pour ces derniers, des accords avec les éditeurs sont en vue, après de dures et lentes négociations.
Philippe Bélaval insistait sur le rôle important joué par la coopération dans les chantiers internationaux, comme par exemple Bibliotheca universalis 3. Marcelle Beaudiquez ajoutait qu’il faut veiller à l’interopérabilité des systèmes et travailler sur les aspects techniques de compatibilité et les programmes, afin qu’une bibliothèque universelle numérisée soit accessible sur le réseau et pour le grand public.
Pour augmenter la complémentarité des collections, la bnf recherche des partenaires et s’oriente vers un réseau de pôles associés. Il s’agit de développer le partage des collections numériques, d’élargir l’offre documentaire. Des opérations seront menées avec la bibliothèque municipale de Lyon, l’Institut national de la langue française-INALF, le centre hospitalier Sainte-Anne qui offre 1 000 documents sur l’histoire de la psychiatrie, l’École polytechnique, Orsay.... Une première exploitation permettra d’observer les utilisateurs, d’étudier les usages, et d’en tirer profit pour une future et éventuelle réorientation des choix techniques.
Le serveur Web
Le Web est, dira Sonia Zillhardt, de la BnF, un outil stratégique – actuellement en cours de restructuration – destiné à répondre à deux objectifs : la communication, c’est-à-dire l’information sur les activités et services offerts, et le développement scientifique, c’est-à-dire l’accès aux catalogues, et l’information destinée aux professionnels du livre 4. Le service de la messagerie verra la mise en place d’une plate-forme de réorientation des messages vers les services concernés (webmaster@bnf.fr). De nouveaux moyens de communication seront installés pour le travail interne, par exemple Intranet 5. Une réflexion est menée sur des propositions de nouveaux services – la possibilité de réservation de places ou de documents à distance, ou bien, parmi les services interactifs, l’expérimentation d’un service électronique de formulaire pour le dépôt légal informatique...
La British Library
Le programme de développement des technologies de numérisation et de réseaux pour le stockage, la récupération, la visualisation et la transmission de l’information de la BL, a pour nom Initiatives for Access. Il propose un serveur Web, Portico, qui donne des informations sur les services proposés, mais offre aussi l’accès à des images des principaux trésors, aux dernières acquisitions, et permet la visite du bâtiment de Saint Pancras (http://portico.bl.uk/). Les 6,5 millions de notices des principaux catalogues, y compris le catalogue rétrospectif des collections datant des débuts de l’imprimerie, sont disponibles sur le réseau Network opac. 10 000 images fixes ont été numérisées sous le nom de The Electronic Photo Viewing System.
The Patent Express Juke-box est un ensemble de douze juke-box de CD-ROM, qui contiennent plus d’un million de brevets, que l’on peut demander et obtenir très rapidement. Un certain nombre de CD-ROM interactifs multimédias ont été produits, dont l’un a pour titre The Image of the World. Un texte original du XIe siècle, Beowulf, qui relate des combats épiques avec des dragons et des monstres, a été numérisé dans son intégralité sous le nom d’Electronic Beowulf ; ce document de substitution permet aux chercheurs de l’étudier en détail, de retrouver mots et phrases effacés à l’époque. Il s’agit là d’une mise en valeur littéraire et linguistique très importante.
Blaise On-Line Information Service, décrit par Brian Kefford, du BLDSC (British Library Document Supply Centre), est un service commercial accessible par abonnement. Ses 22 bases de données offrent des informations bibliographiques 6, et couvrent toutes sortes de supports, livres, journaux, périodiques, cartes, rapports, publications officielles... Il s’adresse surtout aux bibliothécaires, aux professionnels du livre, de l’information et de la communication.
Documents électroniques et droits d’auteur
Pour Claude Patou, de l’Institut de l’information scientifique et technique (inist), il faudra arriver à une entente sur des pratiques communes et à une homogénéité de traitement pour tous les éditeurs 7, le patchwork des règles, lois, règlements et de leurs applications en Europe, dans le domaine des documents électroniques ne suscitant que désordre et confusion.
Le Bureau européen des associations de documentalistes et spécialistes de l’information (EBLIDA) tente, avec la Commission européenne, de trouver des solutions à cette situation complexe. Graham Cornish, du BLDSC, évoqua le système cited (Copyright in Transmitted Electronic Documents), système de contrôle systématique de la circulation des documents électroniques, qui pourrait être un modèle de gestion du copyright dans le monde des informations électroniques.
Ces deux jours auront montré l’intérêt et la passion portés à l’accès électronique à l’information des deux côtés de la Manche. Des craintes furent cependant exprimées par David Bradbury quant aux limites – ou à leur absence – de l’utilisation de ces technologies, et quant à la poursuite des opérations de numérisation, dont les coûts sont très élevés, alors que la plus grande incertitude règne sur l’attribution des moyens financiers nécessaires.